Prologue : Empereur.

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Dans l’immensité de l’univers se démarquait une planète du nom de Pléiade, un monde composé de six continents distincts. Malgré leurs différences, tous ployaient sous l’égide incontestée de l’Impératrice, souveraine suprême de cet astre.

À travers les années, depuis le douloureux sacrifice de son époux, l’Impératrice gouvernait avec poigne sur l’ensemble de la planète. Mais voici que l’horloge du temps sonnait l’heure de la transition, de la passation de pouvoir à son successeur. Son unique fils, Syrion de Kastalm Drachenhart

L’enfance de Syrion s’inscrivit dans une félicité teintée de responsabilités. Où son statut et ses origines le vouèrent à consacrer ses jeunes années à l’acquisition du savoir. Rien que dans le berceau, une lueur d’intelligence étincelait au fond de ses prunelles. Il imita rapidement les sons pour former des mots, et, vers l’âge de trois ans, il fut surpris en train de déchiffrer des textes, amorçant ainsi son périple éducatif.

Les précepteurs se succédèrent alors pour lui prodiguer des enseignements variés : de l’histoire à la géographie, des mathématiques à la politique, de l’art de la guerre à la diplomatie. À dix ans, il maniait les armes avec une habileté qui stupéfiait même les vétérans les plus aguerris. À quatorze ans, il élaborait des stratégies militaires surpassant celles de la plupart de ses pairs. À quinze ans, il s’élevait au-dessus de ces derniers avec une assurance qui frisait l’arrogance, mais toujours avec une humilité naturelle et une volonté altruiste.

Syrion s’aventura dans des territoires linguistiques variés, maîtrisant même le Valharï, une langue ancienne héritée de son arrière-grand-mère. Les années défilant, ses facultés exceptionnelles se dévoilèrent davantage, le propulsant au sommet des meilleurs stratèges impériaux en matière de compréhension des arcanes diplomatiques.

Son esprit brillant ne connaissait aucun répit, avide de connaissances et de défis toujours plus grands, déterminé à façonner son destin et celui de son empire.

Était-ce là l’œuvre d’un don céleste ou l’écho de l’héritage paternel ? Quoi qu’il en soit, à l’approche de ses seize ans, l’Impératrice convaincue du dessein qui l’animait, avait compris qu’il était temps que son fils accède à sa bibliothèque personnelle, une pièce légendaire, mystérieuse, où sommeillaient des ouvrages inestimables renfermant des connaissances délicates et précieuses. Ces écrits uniques offraient un écho des temps immémoriaux, des récits mêlant horreurs sanglantes et gloires passées, une sagesse essentielle pour maintenir la prospérité et la paix dans l’Empire.

Un matin, l’Impératrice convoqua son fils pour lui annoncer son intention de lui transmettre ce legs. Syrion, le cœur palpitant d’anticipation, franchit le seuil de la pièce. Devant l’abondance de parchemins, une atmosphère vibrante et palpable émanait de chaque coin de la bibliothèque. C’était une vision éblouissante, une infinité de savoir, où reposaient des trésors intellectuels sur des étagères sans fin. Mais l’éclat de son enthousiasme fut tempéré par l’apparition d’un homme plus âgé que l’Impératrice, vêtu sobrement, porteur d’une aura de sagesse profonde : Ascarnil, désigné comme son nouveau précepteur.

Depuis cet instant, pas un jour ne s’écoula sans que Syrion ne fût plongé des heures durant dans l’enseignement prodigué par ce dernier.

Un matin, tandis qu’il était confortablement installé dans un fauteuil de velours, Syrion vit son enseignant déposer plusieurs manuscrits devant lui. Au lieu de choisir le prochain ouvrage à étudier, comme ils en avaient l’habitude, il fixa son mentor d’un regard scrutateur :

— Ascarnil, à ma connaissance, ma mère n’a jamais autorisé qui que ce soit à franchir ces portes. Elle m’a toujours mis en garde, me répétant inlassablement que ce qui gisait derrière ces murs ne devait jamais échouer entre de mauvaises mains. Ainsi, je m’interroge, comment avez-vous obtenu ce privilège ?

L’érudit releva doucement son regard pour croiser celui de son jeune protégé, un sourire subtil s’esquissant sur ses lèvres ridées.

— Votre Majesté soulève des questions pertinentes. Votre mère a fait preuve de discernement en vous permettant l’accès à cette fontaine de savoir.

— Vous éludez ma question. Je ne vous ai jamais vu au palais, ni parmi les nombreux tuteurs que j’ai côtoyés.

— C’est exact. Jusqu’à présent, votre mère n’a pas estimé nécessaire que vous bénéficiiez de mes enseignements.

— En quoi vos compétences se distinguent-elles des autres ? Certes, vous semblez posséder des connaissances pratiques qui dépassent celles contenues dans ces documents, mais au-delà de cela, je m’interroge sur votre présence ici.

— Croyez-vous vraiment que votre connaissance de l’histoire de Pléiade est suffisante pour vous ériger en l’Empereur que le monde attend de vous ?

— Je possède les clés de la perpétuation de la prospérité de notre monde. Les leçons du passé ont été martelées dans mon esprit à maintes reprises. Et pourtant, je peine à saisir en quoi l’apprentissage de nouveaux pans de l’histoire pourrait me transformer en un souverain plus accompli.

Un silence s’installa tandis que le vieil homme fixait avec intensité le futur monarque.

— Pensez-vous que la vérité soit l’essentiel ?

— La vérité ? Quelle autre réalité pourrait-il exister ? Je suis le futur Empereur de Pléiade. Il est inadmissible que l’on ait tenté de m’abreuver de sornettes !

— Considérez-vous donc votre rang et votre fonction comme acquis et immuable ? Est-ce que tous ces privilèges ne sont que les manifestations de votre héritage ?

— Évidement, comment pourrait-il en être autrement ?

— Votre Majesté, si vous considérez cela comme une évidence, vous vous fourvoyez.

Un frisson d’indignation parcourut le jeune homme, ses poings se serrant avec force.

— Comment osez-vous insulter ainsi mes illustres parents ? s’écria-t-il, une flamme d’ire embrasant ses yeux.

— Il n’est nullement dans mon intention d’insulter qui que ce soit…

— Parlez sans détours !

— Par la simple grâce de votre naissance, vous êtes désigné comme le futur Empereur incontesté de Pléiade. Mais il me revient de vous informer que votre statut ne résulte pas uniquement du sang qui coule dans vos veines. Vous êtes ici en partie grâce à des circonstances fortuites. Certains pourraient même soutenir que vous êtes le fruit du destin de six personnes qui vous ont précédé.

Syrion demeura figé, son esprit se heurtant à des barrières inattendues.

— Six individus ? Mais de qui parlez-vous ?

Face à l’incompréhension total de celui qui devait bientôt porter la couronne impériale, Ascarnil laissa poindre un sourire à peine perceptible. Le moment était venu. Tout ce que Syrion avait cru savoir jusqu’à présent serait ébranlé. L’érudit se pencha lentement, avant de balayer d’un geste les ouvrages soigneusement disposés sur la table, suscitant une expression d’horreur sur le visage du jeune homme.

— Ne soyez pas si décontenancé. Ces parchemins sont certes précieux, mais accessoire à votre éducation, déclara-t-il d’un calme, presque détaché, tandis qu’il plongeait la main sous sa tunique pour en extraire un livre qui semblait avoir traversé les âges, avant de le déposer avec solennité devant lui. « Votre Grâce, jusqu’à présent, vous avez été nourri de la version simplifiée destinée aux simples mortels. Une nécessité pour vous familiariser avec la vision populaire de l’histoire. Mais vous, cher Syrion, vous n’êtes point un homme ordinaire. En tant que tel, vous êtes enfin prêt à accéder à la vérité sur les événements de Pléiade. »

— Comment puis-je être certain que vous ne cherchez pas à me tromper ? Qui êtes-vous pour prétendre détenir la vérité absolue ?

— Vous pourrez demander confirmation à votre mère. C’est moi-même qui lui ai transmis ce que vous vous apprêtez à découvrir, répondit Ascarnil, imperturbable. La leçon peut-elle débuter ?

Intrigué, Syrion, laissant parler son instinct, choisit de placer sa confiance en Ascarnil. Il saisit le livre, effleura du bout des doigts la couverture de cuir vieilli et s’imprégna de la langue gravée, réalisant alors qu’il tenait entre ses mains un écrit d’une valeur inestimable. Sa bisaïeule avait donc eu raison : le moment tant attendu où sa maîtrise de la langue Valharï serait utile était enfin arrivé.

— La Genèse ? lut le jeune homme à haute voix, ses doigts caressant déjà le rebord de la couverture.

Mais avant qu’il ne puisse plonger dans le précieux manuscrit, Ascarnil posa sa main sur la sienne.

— Point de précipitation, votre Majesté. Je comprends qu’un récit rédigé en Valharï puisse susciter autant d’intrigue en vous. Mais ne souhaitez-vous pas que j’approfondisse davantage vos interrogations précédentes ?

Syrion hésita un instant, avant de reposer le volume sur la table, gardant sa paume dessus.

— Vous évoquiez le destin, selon ce que l’on m’a enseigné, certaines personnes croient qu’une force transcendante et insaisissable dicte le cœur de leur existence.

— C’est là une perspective largement répandue. Mais vous, votre Majesté. Quel est votre point de vue sur la question ?

— Moi ? Je ne souscris en aucun cas à cette idée. Je ne suis pas la marionnette d’une entité supérieure ! Personne ne tire les ficelles à ma place ! Nul ne parle ni ne pense en mon nom !

— Naturellement, votre Majesté. Personne, moi y compris, n’oserait vous contredire sur ce point. Pourtant, je me permets d’insister sur ce que j’ai mentionné précédemment. Vous ne seriez pas, Syrion, le futur Empereur de Pléiade, si le destin de six autres individus n’était pas entrelacé au vôtre.

— Admettons que cela soit véridique. Pourquoi, alors, n’ai-je jamais eu connaissance de leur existence ? Si leur influence façonne ce que je suis, pourquoi attendre le seuil de mon avènement pour me le révéler ?

— Parce qu’il incombe uniquement à un Empereur digne de ce titre de saisir la réalité.

— Et qui sont-ils ? Les connaissez-vous ? Où vivent-ils ? Quand pourrais-je les rencontrer pour les remercier ? S’ils sont véritablement ce que vous dites, en tant qu’Empereur, je me dois de les traiter avec tout le respect qu’ils méritent.

— Vos précédents mentors ne vous ont-ils pas enseigné qu’une hâte excessive était peu appropriée pour un souverain ? De même, qu’un excès de déférence envers vos subordonnés pourrait être interprété comme un manque de confiance en vous-même ? Il n’est pas ici question de rencontres ou de gratitude envers quiconque. Vous devez simplement connaître la vérité sur ce qui vous a mené jusqu’ici. Et votre destinée, car c’est ainsi qu’il faut la nommer, est liée au destin de ces six individus.

Syrion se laissa tomber sur son fauteuil, ses sourcils se plissant imperceptiblement. C’était la première fois depuis trop longtemps qu’il n’avait pas rencontré un esprit aussi aiguisé, ni quelqu’un qui le stimulait autant dans son propre cercle. Bien que la sensation fût désagréable, le jeune homme trouvait cet échange vivifiant et intéressant.

— Que savez-vous des Apocalypses ?

— Les Apocalypses ?

— Il y a bien des éons de cela, Pléiade fut forgée dans l’immensité cosmique qui l’entoure. D’innombrables civilisations ont émergé, peuplant les terres immergées. Pourtant, des tumultes ont mené ces peuples à l’abîme, déclenchant les Apocalypses. Quatre périodes de cataclysme jalonnent notre histoire, la dernière survenue il y a dix-sept ans…

— Dix-sept ans ! s’exclama Syrion, si peu de temps avant ma naissance ?

— Exactement.

— Racontez-moi tout cela en détail ! Si la dernière Apocalypse survint juste avant ma venue au monde, comment se fait-il que cette information m’ait été dissimulée ?

— J’y viens, votre Majesté. Mais avant d’éclaircir les mystères de l’Apocalypse, nous devons revenir soixante-six ans en arrière…

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