Chapitre 53

5 minutes de lecture

Un an plus tard.

 Son bagage léger roulant à sa suite, Lise se mêla à la foule de voyageurs quittant le hall des arrivées de l’aéroport international du Kansai. Après une succession d’escalators, le flux diminua sensiblement, éclaté entre les boutiques duty free, cafétérias et accès aux parkings. Elle gagna l’entrée principale.

 L’uniforme des instructeurs Aegis accrocha son regard. Mei l’attendait, adossée à une pilasse. Lorsqu’elle la remarqua à son tour, la jeune femme afficha un sourire radieux et vint à sa rencontre.

 « Je t’avais pourtant dit qu’un taxi aurait fait l’affaire, la sermonna gentiment Lise.

 — Kyoto n’est pas si loin, relativisa Mei. Et puis, à l’Académie, je pourrai moins facilement faire ça. »

 Mei ferma les yeux avant de déposer un baiser langoureux sur les lèvres de Lise. Du coin de l’œil, cette dernière surprit des regards curieux, voire réprobateurs, s’attarder sur elles.

 « Une Aegis qui embrasse une civile, on ne peut pas dire que cela passe inaperçu ici non plus, déplora-t-elle une fois leurs lèvres décollées.

 — Imagine ce que ce serait, s’ils savaient que la civile en question n’est autre que la première lame de l’humanité voyageant incognito, ironisa Mei. Très jolie d’ailleurs, ta robe estivale.

 — Pitié, pas cette appellation », soupira Lise, embarrassée.

 — C’est ton titre, fit remarquer Mei, amusée. Le conseil de sécurité l’a spécialement créé pour toi. Comment ont-ils dit déjà ? Pour la bravoure et les compétences exceptionnelles démontrées au combat…

 — Je t’en supplie, arrête ça ! l’implora-t-elle.

 — Tu sais que j’adore te voir rougir ? Allez, viens, je suis garée au parking nord. Pour me faire pardonner, je prends ta valise. »

 Joignant le geste à la parole, Mei lui tendit la main.

 « La première lame a assez de force pour la porter toute seule, merci », fit semblant de se vexer Lise avant de glisser sa main dans la sienne.

 Depuis le Sky Gate Bridge reliant l’aéroport du Kansai à l’archipel, Lise admira les reflets du soleil déclinant miroiter dans la baie d’Osaka.

 « Tu veux qu’on s’arrête manger un morceau quelque part ? proposa Mei.

 — Ça ira, merci. Enfin, sauf si toi, tu as faim ?

 — Non, non, je disais ça pour toi. Va pour l’Académie. »

 Lise lui sourit avant de retourner à la contemplation de l’azur scintillant.

 « Alors, ça se passe bien les cours en binôme avec mon frère ?

 — Si je mets de côté le fait que les filles voudraient toutes être avec lui et les mecs, comme lui, c’est assez facile de travailler avec Abel.

 — Jalouse ? la taquina Lise.

 — Pas du tout. Dans la famille Barbérys, j’ai toujours préféré la sœur.

 — Flatteuse, va. Mais tu ne me feras pas croire que dans une école d’aspirants mages, on ne te regarde pas toi aussi avec des yeux qui brillent.

 — Non. Enfin, peut-être, mais rien à voir.

 — Rien à voir, évidemment.

 — Évidemment ! »

 Mei détacha son regard de la route, le temps d’un coup d’œil à sa passagère. Puis, elles pouffèrent toutes les deux.

 Une fois les rires retombés, Lise appuya sa tête contre la fenêtre, soudain d’une humeur plus songeuse ; comme chaque fois qu'elle pensait à son frère. Depuis l’archipel, la baie d’Osaka n’était plus visible qu’à de rares endroits.

 « J’espère qu’il va bien, souffla-t-elle au bout de quelques instants.

 — Abel ? »

 Lise acquiesça.

 « Au téléphone, je n’arrive pas vraiment à savoir.

 — Tu sais, c’est pas beaucoup plus facile en vrai. Avec les étudiants, il est super. En dehors des cours, il est plutôt du genre solitaire. Il partage son temps entre le sanctuaire et son propre entraînement. Je crois que, toi mise à part, ce dont il a besoin tient dans un périmètre de cinq kilomètres, à tout casser.

 — À la fois gardien de la porte de Kyoto et du sanctuaire, résuma Lise.

 — Et formateur des générations futures, avec l’Académie. Ça a l’air de lui plaire, tu sais, l’enseignement.

 — Je le pense aussi ; il m’en parle souvent. Et en dehors de vos cours communs, avec toi ça se passe comment ?

 — On va parfois manger ou boire un verre ensemble, ce qui fait d’ailleurs beaucoup jaser nos étudiants, mais ce n’est pas si fréquent. J’ai l’impression qu’il n’est pas à l’aise avec moi.

 — À cause de nous deux ?

 — Non, du tout. Toi, tu es notre sujet de conversation favori. Je crois surtout que… je lui ressemble trop. »

 Machinalement, Lise considéra le profil de Mei.

 « Forcément... Vous pourriez sans problème être sœurs, Ayame et toi. À quand remonte sa dernière crise ?

 — Il y a douze jours, elles sont de plus en plus espacées.

 — Comment les supporte-t-elle ?

 — De mieux en mieux, je crois.

 — Tu n’en es pas sûre ?

 — Abel les gère toutes depuis qu’on a constaté qu’Ayame s’apaisait plus rapidement quand c’était lui. »

 Lise sembla réfléchir un instant.

 « Ayame a toujours eu une grande sensibilité au mana. Il est probable qu’elle reconnaisse le sien. En tout cas, le fait que les crises s’espacent de façon croissante est bon signe ; ça peut vouloir dire que l’emprise de la couronne s’atténue.

 — Hmm. »

 Lise laissa à nouveau reposer sa tête contre la vitre.

 « J’aimerais tant qu’elle se réveille…

 — Hmm », répéta Mei.

 La Française lui adressa un regard de côté.

 « Tu es bien silencieuse, tout à coup.

 — Non. Enfin, c’est juste que… moi aussi, bien sûr, je le souhaite de tout cœur, mais… »

 Devinant son inquiétude, Lise entrelaça ses doigts dans ceux de Mei, tenant avec elle le levier de vitesse.

 « Hey, la coupa-t-elle avec douceur. Ce n’est pas parce que vous vous ressemblez toutes les deux, que je vous vois de la même manière. »

 Sentant le regard de sa passagère posé sur elle, Mei tourna la tête, consciente qu’elle se perdrait aussitôt dans ces iris, couleur de l’émeraude, qui la fixaient avec intensité.

 « Tu ne la remplaces pas, d’accord ? » ajouta Lise.

 Rassurée, Mei hocha la tête avant de reporter son attention sur la route.

 « Et toi ? s’enquit-elle après un court silence. Ça se passe toujours bien là-bas ?

 — Oui, répondit Lise sans entrain. Forcément, comme c’est une académie de guerriers, il y a un peu moins de paillettes dans les yeux et un peu plus de testostérone, donc parfois quelques pendules sont à remettre à l’heure, mais tout va bien.

 — Ça n’a pas l’air. Ça te botte pas toi, l’enseignement ?

 — Si… Ce serait super, si ce n’était pas à Ji’an. Vous me manquez, tous les trois. »

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Tendris ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0