ACTE II, Scène 1 : concrétisation
Au milieu de la scène, un bureau Napoléon III et trois chaises assorties :
une d’un côté du bureau et deux de l’autre.
En fond de scène, un vaste écran blanc a été descendu.
On entend, depuis les coulisses, les voix de Sarmente et Bernal qui arrivent sur scène.
Tout en continuant à discuter, Bernal s’assoit à son bureau et Sarmente en face de lui.
SARMENTE. – Pierre, je t’ai dit que j’allais m’en occuper. Fais-moi confiance ! De toute façon, tu as commencé à me faire confiance le jour où tu m’as appelée… (victorieuse, avec un large sourire) Alors continue.
BERNAL. – (ironique) C’était avant-hier.
SARMENTE. – (sans se démonter) Oui, tout cela ne fait que commencer. J’ai déjà pris rendez-vous avec Gaspard Trémond, avec Angiac et avec … tu sais qui…
BERNAL. – Gaspard Trémond ? Tu le connais ?
SARMENTE. – Nos enfants se fréquentent.
BERNAL. – Tu veux dire que… Les rumeurs sur tes enfants… ?
SARMENTE. – Si tu étais tombé dans le piège grossier que tes conseillers ont tenté de me tendre, tu te serais fait un ennemi pour la vie.
BERNAL. – Ça se serait retourné contre nous…
SARMENTE. – Contre toi, Pierre, seulement contre toi. Les conseillers, ils conseillent, mais ils sont dispensés d’assumer les conséquences de leurs plans hasardeux.
BERNAL. – Tu le savais depuis le début.
SARMENTE. – J’ignorais comment tu allais réagir. Et crois-moi, si tu m’avais fait un coup pareil, je n’aurais jamais accepté d’être ton Premier ministre.
BERNAL. – (soupire) Et tu me dis ça seulement maintenant ?
SARMENTE. – Quelle importance, puisque c’est du passé et que rien ne s’est passé.
BERNAL. – Je vais virer mes conseillers…
SARMENTE. – Surtout pas ! Nous avons vitalement besoin d’alliés. Notre union est… comment dire… contre-nature, inattendue, taboue, interdite, choquante et déstabilisante pour tout ce petit monde. Ils vont tout faire pour nous empêcher de parvenir à nos fins, tant ils sont tous affolés. Crois-moi, j’ai dû passer une bonne demi-heure à rassurer Gaspard sur nos intentions. Il m’a traitée de folle, m’a dit que j’étais manipulée, que tu n’allais en faire qu’à ta tête et que je trahissais tout ce pour quoi je me suis battue jusqu’à présent.
BERNAL. – Mais il n’a peut-être pas entièrement tort… Qu’est-ce qui te prouve que tu peux avoir confiance en moi ? Qu’est-ce qui te prouve que je ne suis pas en train de te manipuler, de te faire miroiter le pouvoir et de t’envoyer tout droit à l’échafaud ?
SARMENTE. – Rien, tu as raison. Rien ne nous prouve que ça va marcher. (en surjouant, sur un ton dramatique) Nous explorons des territoires inconnus ! L’union plutôt que la division, le travail en équipe plutôt que l’affrontement, la complémentarité plutôt que l’individualisme… C’est formidable ! Et ça vaut le coup… rien que pour le plaisir d’enfin pouvoir créer quelque chose d’inédit.
BERNAL. – Tu es bien naïve… Nous ne contrôlons rien.
SARMENTE. – Arrête avec ça, arrête de prévoir le pire !
Augusta Bernal entre sur scène.
AUGUSTA. – (en lançant un regard amusé vers Sarmente) Pierre, mon chéri, je crois que tu as enfin trouvé un adversaire à ta mesure !
BERNAL. – (se lève pour embrasser sa femme) Augusta, nous t’attendions ! Alors, comment ça s’est passé ?
AUGUSTA. – (se penche vers Sarmente pour lui serrer la main) Julia Sarmente, je suis heureuse de vous rencontrer. Je sais que mon mari a fait le bon choix. Mais nous allons devoir faire preuve d’une détermination sans faille pour que vous puissiez mener vos projets à bien.
SARMENTE. – Madame Bernal, c’est une joie pour moi aussi. Mon mari vous adore ! Mais dites-moi, s’il vous plaît, dites-moi… Pourrons-nous compter sur le soutien de votre frère ? De la holding ?
Noir.

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