ACTE II, Scène 3 : transpiration
Desfossés et Juillet, seuls sur scène, sont assis face au bureau de Bernal.
Ils sont agités et s’étrillent l’un l’autre en chuchotant.
DESFOSSÉS. – Je t’avais dit que c’était une mauvaise idée !
JUILLET. – Comment ça, tu plaisantes ? Tu étais d’accord ! Tu m’as dit, mot pour mot ‘’puisqu’on n’a pas le choix, on n’a qu’à faire comme ça’’. Je n’ai pas rêvé tout de même.
DESFOSSÉS. – Mais je t’ai dit ça pour te calmer ! Je ne pensais pas que tu irais jusqu’au bout !
JUILLET. – Ah ça c’est la meilleure ! Comme si tu ne me connaissais pas. Tu sais très bien que quand je dis quelque chose, je le fais.
DESFOSSÉS. – Oui, oui… oui, bien sûr. Bien sûr. Mais je sais aussi que tu ne fais pas toujours ce que tu dis. Alors là, j’ai pensé que tu…
JUILLET. – Tu as pensé que je n’irais pas jusqu’au bout ? Mais les enjeux, Desfossés ! Les enjeux, bon dieu ! Tu te rends compte ?! J’ai un peu le sens des responsabilités, moi ! Quand je constate qu’une situation est problématique, j’agis, je gère, j’exécute ! Et pas besoin de me le dire deux fois ! J’ai quand même été ministre de l’Intérieur, sacrebleu !
Bernal entre sur scène brusquement. Les deux se taisent immédiatement. Si Bernal a entendu quelque chose, il n’en laisse rien paraître. Il prend un air grave.
BERNAL. – Bon, messieurs, l’enquête sur le piratage du portable de Deligny, elle avance ?
DESFOSSÉS. – Ah, tu comprends, c’est un peu long, il faut remonter plusieurs pistes…
BERNAL. – (avec sévérité) Certainement, mais il va me falloir quelque chose. La presse s’en donne à cœur joie et les militants de Sarmente sont dans les starting-blocks. Elle fait ce qu’elle peut pour les calmer mais il va nous falloir quelque chose, un nom, un groupe…
JUILLET. – (hasardeux) Les Zürzes ?
Bernal fronce sévèrement les sourcils et reste silencieux un instant,
juste suffisamment pour déstabiliser Juillet qui se met à bredouiller.
JUILLET. – Ben à défaut d’autre chose… Tu comprends…
BERNAL. – (toujours sévère, lève des sourcils incrédules) Sérieusement ?
Juillet ne répond rien. Desfossés s’enfonce dans sa chaise.
BERNAL. – (définitif) Sérieusement ? L’ordinateur du conseiller personnel de mon Premier ministre a été piraté vingt-quatre heures après sa nomination et tout ce que vous avez à me proposer c’est : «Les Zürzes » ? Vous plaisantez ? Vous pensez vraiment que ça va passer, cette vieille recette du siècle dernier ? On n’est plus au temps de la guerre froide, les gars, il faut vous réveiller ! Vous avez lu le discours que prépare Sarmente ? Vous l’avez lu ?
Juillet et Desfossés murmurent un « oui » timide.
BERNAL. – Alors vous avez compris qu’on changeait tous de cap, là ? On arrête avec les vieilles recettes, on arrête avec les vieux prétextes, on arrête les mensonges, les manipulations et tout ce qui a fait perdre Sarmente alors qu’elle aurait dû gagner. Tout ce que le peuple reproche aux politiciens de carrière qui le prennent pour un troupeau d’imbéciles. On arrête de prendre les gens pour des imbéciles, c’est clair ?
JUILLET. – Mais, Pierre, ça n’est pas facile ce que tu nous demandes… Enfin tu comprends…
BERNAL. – Non, désolé Raymond, je ne comprends pas.
DESFOSSÉS (en voix off). – Il a pris une assurance en quelques jours, c’est incroyable.
Il va vite falloir réfléchir à ce qu’on fait. Est-ce qu’on a vraiment tort de s’entêter ?
Est-ce qu’il faut qu’on l’élimine ? Même une partie des patrons a l’air de vouloir le suivre…
Que faire ? Que faire… ?
Noir.

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