ACTE III, Intermède
L’écran s’allume, le pupitre a disparu. La présentatrice star de la chaîne d’information s’exprime sur la diffusion en direct de la réunion des ministres.
PRÉSENTATRICE. – On peut dire que Julia Sarmente a fait preuve d’une audace, voire d’une inconscience jamais vue. Elle annonçait de l’inédit, nous sommes servis ! Alors, coup de maître ou coup de folie, qu’en pensez-vous, Oreste-Basile ?
COPRÉSENTATEUR. – Ah c’est sacrément culotté comme dirait ma grand-mère. Et de nombreux experts commentent déjà ce premier acte politique tonitruant. On sent bien que la panique et la désorganisation se sont emparées de toute la caste politique. Certains trouvent cela normal, d’autres sont effrayés. D’autres encore se demandent si des puissances étrangères ne pourraient pas l’utiliser contre nous… ou même, n’en seraient pas à l’origine. D’autres enfin, pensent que la mise en lumière et les révélations vont justement empêcher toute forme de récupération, de quelque côté que ce soit.
PRÉSENTATRICE. – Alors voyons ce que le peuple en pense et rejoignons tout de suite Nawel pour un micro-trottoir dans les rues de la capitale.
NAWEL. – Oui, Mallory et c’est devant le marché du 4e arrondissement que je me trouve aujourd’hui pour interroger la population sur cet incroyable coup de communication réalisé par Julia Sarmente. Monsieur est d’ailleurs l’un de ses plus fervents supporters !
HOMME. – Ah, moi, madame, je suis ravi ! Elle est forte, notre Julia, elle est forte.
NAWEL. – Vous êtes un militant ?
HOMME. – Non, non, j’ai voté pour elle mais je n’ai pas la carte du parti, tout ça... Mais elle leur a bien mis la misère, en tout cas !
Nawel se dirige vers une dame âgée.
NAWEL. – Mamie Bernadette, on m’a dit que c’est ainsi qu’on vous appelle dans le quartier, alors Mamie Bernadette, que pensez-vous de ce qu’on appelle désormais la ‘’trahison de Sarmente’’ ?
MAMIE BERNADETTE. – Oh, vous savez, à mon âge, en général, on en a vu, des choses… Mais là, j’ai été bien surprise, bien surprise en vérité…
NAWEL. – (avec insistance) Mais qu’avez-vous pensé de cette trahison ?
MAMIE BERNADETTE. – Elle leur a rendu la monnaie de leur pièce.
Une jeune femme d’une trentaine d’année s’est approchée du petit groupe.
Elle trépigne et semble indignée.
NAWEL. – Madame, vous semblez avoir une opinion sur la question. Que pensez-vous de la ‘’trahison de Sarmente’’ ?
JEUNE FEMME. – Que c’est bien une trahison, en effet ! On ne peut pas faire ça aux gens !
NAWEL. – Que voulez-vous dire ?
JEUNE FEMME. – On ne peut pas utiliser les mêmes armes que nos adversaires !
MAMIE BERNADETTE. – Mais au moins, elle les a battus à leur propre jeu !
JEUNE FEMME. – Non, elle s’est compromise ! Je suis hyper déçue par Julia Sarmente. Je croyais en elle, j’ai voté pour elle… et… et voilà !
HOMME. – Je te comprends, demoiselle, mais c’est fort quand même, ce qu’elle a fait.
JEUNE FEMME. – Elle s’est compromise, c’est tout ce que l’histoire en retiendra.
Un vieux monsieur s’approche avec son petit-fils d’une quinzaine d’années.
Le groupe se met à deviser ensemble. Nawel reste au milieu, visiblement ravie de ce petit rassemblement, et se contente de tendre le micro à qui prend la parole.
VIEUX MONSIEUR. – Nous, dans la famille, on ne l’a jamais aimée, cette personne, on s’en est toujours méfiés. Et vous voyez, on a eu bien raison, on ne peut pas lui faire confiance.
MAMIE BERNADETTE. – Mais elle nous a vengés ! Elle leur a montré ce que nous, on ressent tous les jours depuis des décennies.
JEUNE FEMME. – Mais au prix de sa loyauté ! Au prix de sa moralité ! C’est nul ! De quoi est-elle capable ? Est-ce qu’elle va nous trahir, nous aussi ?
NAWEL. – Et c’est sur ces paroles pleines d’angoisse que je vous rends l’antenne !
Noir.

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