Erine

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On dit souvent que l’amitié est un miroir. Mais pour Marie-Louise, Erine était un incendie.

Elle brûlait tout sur son passage : les doutes, les silences, les murs. Elle parlait fort, elle riait sans retenue, elle dansait quand personne ne dansait, elle osait aimer avec les bras ouverts, quitte à tomber.

Marie-Louise, elle, c’était la pluie fine. Discrète. Elle caressait le monde, quand Erine le bousculait.

Elles s’étaient rencontrées au collège, et depuis, elles s’étaient liées d’un fil invisible. Erine était la seule personne à qui Marie-Louise pouvait tout dire. Vraiment tout.

Et elle savait tout. Côme, surtout.

C’était un soir de janvier. Il faisait froid. La mer était noire, et le vent passait dans les ruelles de La Rochelle comme un soupir glacé. Les deux filles marchaient, mains dans les poches, silencieuses.

Marie-Louise s’arrêta soudain, les yeux dans le vide.

— Il avait un bonnet aujourd’hui.
— Côme ?

Elle hocha la tête.

— Il le portait mal. Mais c’était… beau.

Erine se tourna vers elle, les bras croisés.

— Ça fait combien de temps, Marie ? Que tu le regardes comme ça ?

Un long silence. Puis :

— Depuis la première semaine. Peut-être avant.

Erine éclata d’un rire un peu triste.

— Tu l’aimes. Tu l’aimes comme dans les vieux films français où personne ne se parle vraiment.

Marie-Louise haussa les épaules.

— Je l’aime en silence. C’est tout ce que je peux faire.

— Non, c’est ce que tu choisis de faire.

Marie-Louise sentit ses yeux se remplir de larmes. Pas de colère. De fatigue.

— Je suis pas comme toi, Erine. Toi tu... tu peux dire ce que tu ressens, sans trembler. Moi, j’ai juste... peur. Peur qu’il me regarde et qu’il dise “ah bon ?” avec ce ton gêné. Peur qu’il parte. Peur de perdre quelque chose qui n’a jamais existé.

Erine avait ce regard, parfois, entre la tendresse et la frustration.

— Tu veux que je te dise ce que je vois, moi ? Je vois une fille brillante, douce, qui est amoureuse d’un garçon qui ne le sait même pas. Et qui souffre pour rien. Parce que tu préfères imaginer qu’il ne t’aimera jamais, plutôt que de découvrir que peut-être… il t’aurait aimée un peu.

Marie-Louise ne répondit pas. Parce qu’au fond, Erine avait raison. Et que ça faisait plus mal encore.

Elles en parlaient souvent, dans la petite chambre mansardée de leur colocation, sous les toits. Erine, assise au bord du lit, les jambes croisées, un yaourt dans une main. Marie-Louise, allongée, les yeux vers le plafond.

— Et si un jour je le dis, et qu’il rit ?
— Il ne rira pas. Il n’est pas comme ça.
— Et s’il est amoureux de quelqu’un d’autre ?
— Alors tu seras triste. Mais libre. Tu ne seras plus coincée dans ce vide.

Erine voulait la secouer. Mais elle savait aussi que l’amour de Marie-Louise pour Côme, c’était comme une cathédrale fragile. Trop précieuse pour qu’on la bouscule.

Alors elle attendait. Et elle espérait.

Elle espérait que sa meilleure amie aurait, un jour, le courage de vivre ce qu’elle ressentait si fort.

Quelques jours avant la fin de l’année universitaire, Erine était restée longtemps à la regarder.

— Tu vas vraiment le laisser partir sans rien dire ?
— Je vais essayer. Je crois que je vais lui parler à la remise des diplômes.

Erine lui avait pris la main.

— J’espère que tu le feras. Parce que sinon, Marie… tu ne t’en remettras pas.

Et Marie-Louise avait baissé les yeux.

Parce qu’elle savait qu’Erine avait raison.

Et que parfois, la peur d’aimer est plus forte que l’amour lui-même.

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