Chapitre 25 : L’Ultime Révélation

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Le silence qui suivit fut aussi lourd que la faute commise. Dans la pénombre du laboratoire, les machines, naguère symboles d’un progrès inarrêtable, cliquetaient faiblement, désaccordées, comme si elles-mêmes refusaient de participer davantage à ce cauchemar éveillé. Le chaos s’était insinué partout, reflet du désordre né de l’arrogance humaine.


Retranchés dans la bibliothèque, les derniers membres de l’équipe — ceux-là mêmes qui, jadis, avaient applaudi les ambitions téméraires du professeur Kennywood — feuilletaient fébrilement des manuscrits poussiéreux. Dans leurs yeux se mêlaient la peur et un éclat ténu d’espérance. Ils cherchaient, dans les replis oubliés de l’Histoire, un salut. Un rituel, une prière, une formule. N’importe quoi pour refermer ce qui n’aurait jamais dû être ouvert.


Le professeur Kennywood se tenait à l'écart, accablé par le poids de la culpabilité. Ses mains tremblaient alors qu'il fixait l’un des hybrides, devenu une aberration, une créature tordue par les énergies sombres qu'ils avaient libérées. Cette chose, qui avait été un être humain, gémissait parfois de manière inhumaine, son corps se contorsionnant sous les forces incontrôlables qui le consumaient. Kennywood détourna le regard, incapable de supporter davantage la vue de cette monstruosité. Tout cela était sa faute.


À quelques mètres de là, le docteur Selina Rochard, l’une des anciens et rares membres de l’équipe d’Afrique du Sud qui était restée à ses côtés et à avoir gardé sa lucidité, tournait les pages d’un vieux grimoire dont les marges étaient annotées dans une langue oubliée. Elle avait toujours été sceptique concernant les aspects plus mystiques de leurs recherches, mais maintenant, elle n'avait plus le luxe du doute. Les manuscrits parlaient de forces anciennes, de dieux déchus et de mondes parallèles, chaque mot qu’elle lisait confirmait ce que Kennywood refusait d’admettre à haute voix : ils avaient réveillé une magie noire qui dépassait tout ce qu'ils pouvaient contrôler.


— Le Sceau du Crépuscule..., murmura Selina, ses yeux parcourant une incantation en lettres gothiques. Il y a un rituel…, un moyen de refermer la brèche, du moins temporairement. Mais ça demande un sacrifice… et pas un petit.


Le silence s'abattit dans la pièce. Chacun savait que le sacrifice mentionné ne serait pas anodin. Ce n'était pas une simple offrande symbolique. Ce que ces textes anciens demandaient était bien plus grand, bien plus sombre. Mais la question demeurait : était-il déjà trop tard ? Les signes étaient de plus en plus clairs. La réalité elle-même commençait à se déchirer autour d'eux. Les murs du laboratoire, autrefois solides, semblaient vibrer légèrement, comme si l’air lui-même était chargé de cette énergie chaotique qui suintait de la brèche.


Kennywood, se tenait derrière Selina, observant les lignes du grimoire par-dessus son épaule. Il sentit une nausée monter en lui en réalisant l’ampleur du désastre. Toute sa carrière, il avait cru que la magie noire n’était rien de plus qu’un ensemble de lois naturelles mal comprises, des forces à canaliser et maîtriser comme n’importe quelle autre science. Il avait tort. Ce qu’ils avaient libéré n’était pas un phénomène quantifiable, ni une force à dompter. C’était une entité vivante, une conscience obscure qui se délectait de la destruction. Il prit conscience qu’il était devenu fou.


— Combien de temps avant que… ce qu'il y a de l'autre côté ne prenne le contrôle complet ? demanda une voix tremblante dans la pièce.


C’était Jenkins, l’un des jeunes scientifiques qui avait, jusque-là, gardé espoir en une issue rationnelle.


Selina ferma le grimoire d’un coup sec, ses yeux se levant pour croiser ceux de Kennywood.


— Nous avons peut-être quelques heures, au mieux. La brèche s'élargit chaque minute. Si nous ne faisons rien, elle consumera tout ce laboratoire… et au-delà.


— Et si on arrive à la refermer, même temporairement ? Est-ce que ça suffira à stopper ces… entités ? demanda Jenkins, le visage pâle de peur.


Selina secoua nerveusement la tête.


—  Ça ne sera qu’une solution provisoire. Elles attendent depuis trop longtemps. Ce que nous avons fait... est irréversible. Tout ce que l’on peut espérer, c'est gagner un peu de temps, assez pour trouver éventuellement une solution définitive. Mais pour l’instant, tout ce qu’on a, c'est ce rituel.


Le professeur Kennywood passa une main tremblante sur son visage, sentant le poids de ses choix le broyer de l'intérieur. Il aurait voulu fuir, tout abandonner et se perdre dans l’anonymat. Mais la vérité était inévitable : il était le seul responsable. Il avait négligé les avertissements, persuadé que la science pouvait tout expliquer, tout maîtriser. À présent, il comprenait que certaines choses devaient demeurer cachées et que d’autres savoirs n’étaient jamais destinés à être dévoilés.


— Le sacrifice…, dit Kennywood, la voix brisée, je le ferai.


Selina, surprise, le regarda avec intensité.


— Tu sais ce que cela implique James, n’est-ce pas ? Ce rituel ne fonctionne pas sans un lien direct avec la brèche. C’est plus qu’un simple geste altruiste… tu devras… 


— Je sais…, l’interrompit-il, le regard résolu. C’est ma faute si nous en sommes là. Si quelqu'un doit en payer le prix, ce sera moi.


Il y eut un long silence. Le laboratoire, autrefois un lieu de progrès et d’ambition, n’était plus qu’un champ de ruines morales. Chaque membre de l’équipe ressentait le poids des conséquences, mais aucun n’osa remettre en question la décision de Kennywood. Peut-être par loyauté, peut-être par peur — ou simplement parce qu’aucune alternative crédible ne semblait exister.


Alors que Selina Rochard commençait à préparer le rituel, traçant des cercles complexes au sol et allumant des bougies à la flamme vacillante, Kennywood s'approcha de la brèche. Elle n'était plus une simple fracture dans l’air. Une distorsion mouvante ondulait devant lui, et à travers elle, des silhouettes indistinctes semblaient se mouvoir dans l'obscurité. C’étaient les entités, celles qu’ils avaient libérées.


Il posa une main sur son cœur, sentant déjà comme la pulsation sombre de la magie s’infiltrer en lui. Le temps était compté. Et alors que Selina entamait les premières paroles de l'incantation, le professeur Kennywood réalisa que, malgré tout ce qu’ils avaient sacrifié pour la science et le pouvoir, il n’avait jamais ressenti une terreur aussi profonde.


Le monde pouvait peut-être être sauvé.

Mais pour lui… n’était-ce pas déjà trop tard ?

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