Chapitre 26 : L’Apocalypse

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Les scientifiques, autrefois maîtres de leur projet, se retrouvèrent impuissants. Chaque tentative pour réparer les dégâts ne faisait qu’empirer la situation. Les cobayes et certains hybrides modifiés, devenus des vecteurs pour les forces libérées, s’étaient transformés en monstres incontrôlables. La réalité elle-même semblait se désintégrer autour d'eux.


La première nuit où tout bascula, les habitants de la ville voisine de Moa Viesla furent réveillés par des hurlements déchirants qui résonnaient dans les rues. Au début, certains crurent à une simple panne de courant, car une coupure plongea la ville dans une obscurité totale. Mais bientôt, ils réalisèrent que cette obscurité n'était pas naturelle. Elle semblait vivante, comme un voile suffocant qui déformait l'air lui-même, plongeant les bâtiments dans une danse macabre, leurs contours se tordant et ondulant sous des angles impossibles.


Les rues, autrefois familières et tranquilles, se transformaient sous les yeux horrifiés des témoins. Ce qui avait été de simples trottoirs pavés se muait en spirales sans fin, les intersections se déformaient, se rejoignant en des points illogiques. Certains immeubles de trois étages se pliaient sur eux-mêmes comme des origamis de pierre, tandis que d'autres plus grands s'étiraient vers le ciel, leur sommet se dissolvant dans un horizon indéfinissable. Les habitants qui tentaient de fuir se retrouvaient piégés dans des labyrinthes mouvants, tournant en rond sans jamais parvenir à regagner leur chemin, emprisonnés dans des rues qui les dévoraient comme des bêtes affamées.


Mais ce n'était pas le pire. Des ombres plus épaisses que la nuit elle-même s’échappaient des recoins sombres, prenant forme devant les riverains paralysés par la terreur. Ces créatures, grotesques et déformées, n'avaient rien de naturel. Leurs corps semblaient faits de chair en décomposition, fusionnée à des os saillants, leurs membres s'allongeaient de manière démesurée, se déployant avec une souplesse contre-nature. Leurs yeux, des puits sans fond, brillaient d'une lueur rougeâtre qui pulsait en rythme avec les éclairs noirs qui striaient le ciel. Leurs cris, un mélange de gémissements humains et de rugissements bestiaux, emplissaient l’air.


Dans une ruelle, une famille se pressait contre un mur, tremblante, espérant que les monstres ne les verraient pas. L’une des créatures, marchant à quatre pattes comme une araignée géante, s’approcha lentement, ses griffes raclant le sol avec un bruit métallique, avant de bondir avec une rapidité foudroyante. En un instant, elle s’élança eux, la gueule béante révélant des rangées de dents irrégulières et fracturées. Le père tenta de protéger ses enfants en levant ses bras, mais en un seul coup, le monstre les broya comme du papier. Les cris furent rapidement étouffés, remplacés par un silence morbide tandis que la créature traînait les corps mutilés dans les ténèbres.


Au-dessus, le ciel était devenu un spectacle d’apocalypse. Des nuages ténébreux tourbillonnaient à une vitesse surnaturelle, formant des vortex gigantesques d'où des éclairs de lumière obscure jaillissaient par intermittence, déchirant la réalité d’une clarté impossible à nommer. Chaque éclat résonnait comme un rugissement dans les cieux, faisant trembler les bâtiments et les rues. Des tempêtes de magie noire balayaient les toits, arrachant des morceaux de réalité elle-même. Certains observateurs furent témoins d'une scène impossible : là où les éclairs frappaient, des portions entières du monde disparaissaient, laissant place à un vide noir et profond, un abîme où la matière se désagrégeait en poussière avant d’être engloutie par la noirceur.


À l'intérieur des maisons, les résidents se barricadaient, priant pour que les monstres ne les trouvent pas. Mais les murs n'étaient pas des refuges sûrs, ils se déformaient, se courbant sous une pression invisible et des fissures apparaissaient, laissant entrer des ombres plus denses et très menaçantes. Des murmures, à peine audibles, s’insinuaient dans les esprits, les poussant à la folie. Certains, brisés par la distorsion cauchemardesque de la réalité, en venaient à se jeter par les fenêtres ou à retourner leurs armes contre leurs proches — non par cruauté, mais dans l’illusion délirante de les délivrer d’un enfer qu’ils croyaient irréel. Convaincus d’être prisonniers d’un rêve monstrueux, ils pensaient qu’en provoquant la fin, ils pourraient enfin s’éveiller… quel qu’en soit le prix.


En dehors des murs de la ville, les routes qui menaient vers les villages environnants n’étaient plus sûres. Les rares voitures qui tentaient de fuir étaient avalées par les failles béantes dans la réalité, leurs phares s'éteignant brusquement alors que les véhicules chutaient dans le néant. Les arbres eux-mêmes se tordaient sous l'influence de ces forces surnaturelles, leurs branches se mêlant dans des formes humanoïdes grotesques, comme si la forêt elle-même avait pris vie pour devenir un prolongement des entités libérées. La nature, corrompue, n'offrait plus aucun refuge.


Alors que la panique se répandait dans la région, les autorités, impuissantes tentaient désespérément de rétablir un semblant d'ordre sans y parvenir. Les lignes téléphoniques s'étaient effondrées, les radios n’émettaient plus que des grésillements, des hélicoptères tentant de survoler la zone sinistré étaient abattus par des tempêtes électriques, leurs carcasses en feu s’écrasant dans les décombres. Même les forces militaires envoyées pour contenir la catastrophe étaient rapidement englouties par le chaos : des hommes armés de fusils automatiques disparaissaient sans laisser de traces, emportés par les créatures ou piégés dans des distorsions spatiales d'où il n'y avait aucun retour.


Dans cette terreur collective, une question subsistait : d'où venait cette folie ? Les rares survivants qui avaient réussi à s'échapper racontaient des récits incohérents, des histoires de laboratoires secrets et de scientifiques fous ayant joué avec des forces au-delà de la compréhension humaine. Certains murmuraient que tout cela avait commencé avec une expérience ratée, un trou béant dans la réalité qui avait laissé des entités anciennes s’échapper. Mais ces récits n’apportaient que peu de réconfort. Info ou intox, personne ne savait vraiment.


Alors que la nuit avançait, les ténèbres semblaient se resserrer, engloutissant peu à peu tout sur leur passage. Le Brésil et les pays avoisinants, qui avaient autrefois cru en sa domination sur la nature et la science, regardaient impuissante l’effondrement de la réalité elle-même. Le fragile équilibre qui séparait le monde des forces primordiales avait été brisé, et maintenant, dans cette obscurité dévorante, l'humanité comprenait qu’elle n’était à jamais qu'une simple poussière dans l'immensité du chaos.


L’aube semblait s’éloigner, comme une promesse brisée à jamais.

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