Horace se meut sur la table, balayant sans le vouloir les cendres autour de lui. Il s’assoit, scruté par les deux hommes de la pièce, dans l’attente d’une quelconque réaction.
« Notre sauveur est éveillé ! s’écrie l’Enchanteur, tournant la tête vers le garde de la porte.
– Tu as créé… un nouveau monstre…, murmure le garde, avec une grimace de dégoût. La reine sera de mon avis, sois-en sûr !
– Tes paroles sont méprisables ! le gronde l’Enchanteur. Tu pourras bientôt la prévenir, ne crains pas. Tout le monde devra être prévenu !
– Tu es fier de ton succès, avant même de savoir si notre forteresse est tombée ou non…
– Pas de défaitisme ! Dois-je ordonner à un soldat de vivre, plutôt que de céder ? »
Le garde baisse quelques instants les yeux face au regard de l’Enchanteur. Ses remontrances ne sont pas aussi charismatiques que celles de son défunt fils. Les deux hommes en ont conscience, et le plus âgé veut rester optimiste :
« Si j’ai réussi ce sacrifice, d’autres le pourront. Nous serons bientôt à armes égales contre les légions de Baldenazzar ! »
Le garde observe l’Enchanteur et sa créature. L’obstination du vieil homme est égale au doute de l’homme en armes, qui ne voit dans cette abomination qu’un dommage collatéral à la toute proche chute de Zaïna. L’Enchanteur se détourne de cet oiseau de mauvais augure, pour s’adresser au golem :
« Horace, vas-y, parle ! Montre-nous qui tu…
– Qui dois-je sauver ? l’interrompt sa créature.
– La forteresse et notre reine… » prononce doucement l’Enchanteur, d’une voix atone.
Un mouvement de crispation saisit le visage du vieil homme. Le golem ne sait pas. Il ne sait pas ! Il ne sait rien de son fils ! Il est vivant, mais son descendant n’a pas survécu en lui !