« Je suis calmée, vous dis-je, s’explique Jeanne. Mais je ne comprends pas pourquoi vous empruntez cette rue, alors que je…
- Enlève ton bandeau », demande Cendres à Horace.
Le golem hésite. Si sa vraie nature est dévoilée dans cette ville, en cette fin de nuit où le palais de justice a tremblé, ne risque-t-il pas de provoquer une autre agitation ?
« Dépêche-toi ! insiste Cendres. J’en ai besoin, plus que de ta coquetterie ! »
Le bandeau couvrant plus de la moitié du visage du golem tombe Jeanne pousse un cri de surprise, horrifiée que son sauveur soit une des créations de Baldenazzar… Et s’évanouit d’émotions. Cendres, indécis, la matraque d’un huissier à la main, est inquiet. Son regard intelligent, après réflexion, s’illumine.
« Déposons la juge devant cette porte, montre-t-il à Horace. Je voulais la bâillonner, mais tu peux garder le bandeau. Personne ne croira, de surcroît, son histoire… Tu ne me veux pas de mal, Horace ? N’est-ce pas ? »
Le golem réajuste son bandeau sous sa cape, c’est-à-dire sous la couverture qui appartenait aussi au borgne.
« Partons de la cité avant le jour, préconise Cendres. On n’a plus rien à faire ici. Tu n’es pas ordinaire, mon ami ! Que faisais-tu dans ces oubliettes ?
- Je te retourne la question, dit le golem. J’ai une mission à accomplir à partir d’ici et… »
Horace lève la tête vers le haut de la montagne, vers le nord-ouest. Il voit des flammes s’élever sur le flanc de celle-ci. Le spectacle attire d’ailleurs l’attention de ceux qui sont déjà éveillés.
« C’est la forteresse… Zaïna est tombée… La reine est certainement… Je pense que nous ne serons pas seuls à partir d’ici, dès maintenant… »
Comme deux déserteurs ordinaires, le golem et l’intrigant continuent leur marche vers la liberté.