Les deux complices passent les portes de la cité avant l’aube. Elles ont été exceptionnellement ouvertes pour le départ de quelques riches voyageurs ou étrangers puissants, désireux de fuir l’hypothétique menace de Baldenazzar sur la cité républicaine.
« Avance en regardant le sol, garde la tête baissée, Horace. Il vaut mieux avoir l’air de pauvres mendiants, que de nobles fuyards… », lui conseille Cendres.
Prudemment, ils marchent tous deux durant une ou deux heures, silencieux. Ils restent sur une route qui mène vers le sud-est, vers le lever de soleil. Cendres tape sur l’épaule du golem quand le ciel matinal s’éclaire pour l’inciter à quitter la route. Ensemble, ils vont se cacher dans des taillis au bord de celle-ci, sans s’enfoncer plus qu’il ne faut pour disparaître.
« J’ai besoin de repos, et de réfléchir. Je vais dormir un peu. Toi tu surveilleras d’ici que personne n’arrive vers nous. Nous parlerons ensuite. Tu ne dors jamais, mon ami, n’est-ce pas ? »
Horace incline la tête en signe d’acquiescement, tandis que Cendres se met à bailler. Il regarde le sol, réunit quelques touffes d’herbes sous des fougères, et à l’ombre d’un arbuste, s’allonge. L’homme s’endort, tandis que le golem, assis, veille sur les environs.
Des heures tranquilles passent, ainsi que quelques voyageurs sur la route, qui ne soupçonnent pas leur présence. Le sommeil de Cendres est d’abord agité, mais il se réveillera doucement et d’humeur apaisée.
Il se frotte les épaules, légèrement humides à cause de la végétation qui les entourent. Il salue Horace, comme l’on salue un camarade que l'on retrouve après une nuit de sommeil. Le jour est pourtant le même, l’après-midi à peine entamée. Cendres exprime une évidence naturelle, les yeux encore à moitié clos :
« Je commence vraiment à avoir faim. »