A l'aube de mes trente ans, ma vie ne ressemblait pas franchement à ce que j'avais imaginé.
Certes, ce n'était pas si désastreux que cela, j'avais quitté la chambre de mes parents, j'arrivais à vivoter, et surtout j'aimais une ravissante femme.

Elle était ma chance. Non, mais réellement, ce n'est pas uniquement pour la romance que je dis ça. Elle m'aime pour ce que je suis, ne me force jamais à aller contre mes réelles inspirations. Ça tombe bien car je suis artiste. Disons plutôt que je me sens artiste.
Je peins milles et une choses, sous milles et une formes.
Ma femme se réveille tous les matins, me donne un baiser et part travailler comme tout le monde. Elle accepte naturellement mon besoin de barboter dans les pigments de couleurs.

Je suis plutôt un type banal mais j'ai bon cœur, je suis patient, j'essaie d'être quelqu'un de "bien". Mon soucis, c'est que je vends très peu de toiles. Mon soucis c'est que je me sens mieux avec les tableaux qu'avec les gens.

Je suis toujours très poli et courtois, à l'écoute des autres, j'aime même parfois leurs présences. Néanmoins, il arrive toujours un fatidique instant où leurs propos deviennent stupides, réfractaires, humiliants ou haineux.
Ce n'est pas une petite blague cynique qui me gène. Ce qui me gène ce sont les graines d'amertume et de désespoir dans des flots de paroles inutiles.

Certaines personnes pensent que les mots ne blessent qu'en surface. Ils ont tort. Ils blessent le fond aussi. Et ça, personne ne peut rien y changer.

Est-ce que pour cette raison que je préfère les images aux mots? Certainement. Les images, elles sont franches, entières. Si elles sont cruelles ou choquantes, tant pis, c'est leur nature . Elles ne se cachent pas derrière des brumes de palabres.

Je n'aime pas ce genre d'images, mais au moins je les respecte plus que les mots qui tuent.

Peut-être est-ce que ridicule de raisonner ainsi, mais puisque ce sont mes plus sincères pensées, mes plus purs croyances, je ne les tairais pas.