I
Sophie avait pu prendre des congés, nous pouvions donc partir pour un grand week-end en Normandie. Ce mois d'avril était sublime, nous avions de la chance. Elle s'était arrangée avec une collègue, nous pouvions ainsi disposer d'une maison en pleine campagne, non loin des falaises d'Etretat.
Ces quelques jours ensemble étaient une aubaine puisque je ne pouvais pas lui offrir les vacances qu'elles méritaient. Elle se foutait de mes considérations matérielles. Elle disait simplement qu'elle était contente d'aller là-bas, que je pourrais travailler ma palette et m'inspirer des impressionnistes. Je ne voulais pas nous encombrer de toiles et de tubes, je préférais un carnet de croquis, des fusains et des pastels.
La maison était située dans un lieu dit, tout au fond d'un chemin essentiellement fréquenté par des agriculteurs. Le dépaysement était encore plus total lorsque je vis la façade en briques et en silex fondimare de notre résidence. C'était un petit joyau au milieu de rien. L'intérieur était spacieux mais pas immense. Nous étions ravis.
Pourtant, malgré ce cadre idéal, Sophie et moi avons eu une intense dispute le lendemain midi. Elle avait reçu l'appel d'un de ses nouveaux amis, a priori un type qui suivait le même cours de yoga qu'elle. Je le soupçonnais depuis plusieurs semaines de déployer un stratagème pour séduire Sophie. J'étais terriblement jaloux et elle dû subir mon excès de possession. Elle claqua la porte, s'engouffra dans la voiture et partit en trombe me laissant là comme un idiot. Je me sentais terriblement mal, cette souffrance était intensifiée par les radieux rayons de soleil qui doraient le paysage. Une heure durant, je suis resté dans le jardin assis sous le pommier en fleur. Le lourd silence était parfois fendu par le chant d'oiseaux ou le passage des voitures au loin. J'étais un loozer qui vivait au crochet de sa femme, un loozer jaloux, un loozer qui l'aime plus que tout.
Elle ne rentrait toujours pas. Je décidais alors de partir en ballade pour me changer les idées. J'empruntais le chemin devant la maison, il semblait sans fin. Hormis les quelques gravillons sous mes pieds, des champs à pertes de vue et des vaches, j'étais seul.
Soudain, mon regard fut attiré par un petit bâtiment. Je m'approchai intrigué par un son qui semblait provenir d'une vieille remise en pierres. C'était un bruit continu, légèrement aigu mais pas strident. Une fois devant la bâtisse plus rien. La porte en bois branlante, dévorée en grande partie par les mites était entrouverte. Au bout de l'ancienne serrure rouillé, un cadenas ouvert. Etrange. Malgré l'aspect repoussant de cette architecture, une force parallèle me poussait à pénétrer dans ce lieu.
Mes yeux discernaient assez mal l'intérieur de cet endroit, à part quelques cailloux, des bouts de bois au sol et une tonne de poussière, c'était désert et sans intérêt.
Tout à coup, le sol se mit à trembler et à fourmiller dans un fracas absolu. Une puissance inexplicable remuait la croûte terrestre. Pétrifié, l'énergie de mon corps semblait s'évanouir dans un air devenu putride. Toute lutte aurait été vaine. Une abîme surgit sous mes pieds et je fus entraîné en une fraction de seconde dans cette cavité insondable, aux couleurs étranges et infinies, sans chaleur et sans son.
Était-ce cela la mort?
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