Chapitre 2

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Skadi ne perdit pas de temps, elle ne fit qu’un bref arrêt chez-elle afin d’expliquer la situation à son mari. Elle rassembla les outils dont elle aurait besoin, puis elle partit immédiatement pour le royaume de Midgard. En chemin pour la terre des hommes, la déesse récapitula intérieurement les faits. Sköll et Hati, pour autant qu’elle s’en souvenait, étaient deux louveteaux tout à fait inconscients et voraces. Tout comme Fenrir, ils succombaient facilement à l’appât du gain et c’est pourquoi il avait été facile pour Odin de les manipuler à se rendre prisonnier eux-même. Ils étaient plus intelligents que des loups ordinaires, mais toujours moins que des dieux, cela ne faisait aucun doute. Cette fugue ne devait être rien d’autre qu’une crise d’adolescence qui serait facile à brider avec les bons outils.

Une seule chose inquiétait cependant Skadi, il s’était écoulé presque une semaine avant que Sol et Mani ne s’aperçoivent de la disparition des deux loups. Presque une semaine, durant laquelle ces créatures de destruction s’étaient sans doutes promenées librement en Midgard. La déesse attendait avec appréhension de voir les dégâts causés par leur escapade.

Une fois sur place, ses craintes prirent vie. Marchant à travers les montagnes et les vallées, elle croisa plusieurs villages détruits, des chaumières dévalisées et des habitants terrorisés utilisant leurs dernières forces pour construire des barricades autour de leur village et se préparer à l’inévitable. Les guerriers et les guerrières semblaient affaiblis et accablés, mais résignés à se battre. Les bûcherons se débrouillaient tant bien que mal pour couper du bois dans les ténèbres de la nuit, car la lune avait disparue et le soleil refusait maintenant de se montrer depuis des jours. Il pleuvait et ventait souvent. Les éléments s'acharnaient sans relâche sur le peuple des humains.

Les pouvoirs de Njord, dieu des océans, semblaient aussi s'être affaiblis depuis le retrait de Sol et Mani. Cela se voyait aux vents maritimes qui soufflaient chaque jour plus fort, aux vagues de plus en plus hautes qui venaient s'écraser sur les ports des villages et fracasser les bateau qui osaient partir naviguer durant ces temps incertains. Jörmungand s'agitait. Malgré tout, les jumeaux divins avaient présenté un refus catégorique à reprendre leur place dans le ciel des humains. Tant que les loups ne seraient pas retrouvés, ils estimaient la situation trop dangereuse pour eux et pour les astres.

Skadi n’en avait pas fait de cas jusqu’à présent. Sa chasse serait effectivement bien plus excitante, mais elle ne se doutait pas que l’absence des jumeaux divins causerait tant de ravages en si peu de temps. Un sentiment d’urgence l’habitait maintenant plus que jamais depuis son départ d’Asgard.

La déesse de la chasse commença par poser des pièges un peu partout dans les environs où des villages avaient été attaqués. Elle usait de carcasses de cerfs et autre gibiers comme appâts, puis patrouillait les environs, imperturbée par la noirceur grâce à sa vision nocturne ; don que lui avait offert Ullr le jour de leur mariage.

Au début de sa traque, la déesse avait confiance en ses capacités, rien ne pourrait possiblement la faire échouer, mais plus le temps passait, plus elle se mettait à en douter. Ses pièges ne donnaient aucun résultat, soit les deux loups les évitaient comme si Odin en personne se tenait à côté, soit ils déclenchaient volontairement celui dont elle se trouvait le plus loin afin de la faire courir sans raison. Elle ne pouvait s’empêcher de déceler dans ces plaisanteries l’ironie d’une vengeance toute calculée.

À chaque fois, les deux bêtes semblaient savoir où elle se trouvait et ce qu’elle planifiait à l’avance. Skadi avait beau suivre leurs traces et marcher aussi longtemps qu’elle le pouvait, cela ne faisait que la mener à des culs-de-sacs. Quand elle en revenait, elle trouvait à chaque fois ses nouveaux pièges détruits et ses appâts volés. La noble déesse se consumait de rage, sa fierté avait été poignardée en plein coeur et elle regrettait presque la promesse faite à Loki de ne pas faire de mal aux deux créatures. Il lui semblait que les enfants de Fenrir se moquaient de sa clémence et la mettaient au défi. Après plusieurs jours à endurer ce supplice humiliant, la déesse de la chasse finit par demander de l’aide à ses fidèles. Elle engagea guerriers, chasseurs et volontaires dans une croisade destinée à arrêter les créatures une bonne fois pour toute et partagea son don avec eux, afin qu’ils puissent aussi marcher sans peur dans la nuit.

Skadi avait divisé ses guerriers en plusieurs groupes et ils encerclaient le territoire environnant les villages fréquemment attaqués, tentant de se refermer sur les créatures. Si un des groupes se retrouvait attaqué ou trouvait une piste, il devait sonner de la corne et appeler du renfort, puis se diriger vers un des pièges disséminés dans chaque secteur. Un beau jour, l’appel à la fois tant redouté et attendu retentit dans toute la vallée. Skadi se précipita avec son groupe en direction du son de la corne ; avec ses grandes enjambées et sa force surhumaine, elle taillait un chemin dans la végétation épaisse des bois tel un élan enragé, ses guerriers derrière elle.

Lorsqu’elle arriva enfin sur place, son visage se défit. Le groupe de jeunes guerriers était littéralement réduit en miettes. Leur chair en lambeaux était accrochée aux arbres, lancée par-delà les fougère, leurs entrailles éparpillées au sol et à moitié dévorées, leurs membres arrachés et volontairement disposés près des pièges que Skadi s’était efforcée d’améliorer et de mieux dissimuler. Elle sentit son estomac se nouer, des frissons remonter le long de son dos comme autant d'insectes indésirables. Pour la première fois depuis une éternité, Skadi ressentait la peur. Elle s'efforça de le cacher derrière son expression glaciale habituelle. Elle se mura à l'intérieure d'elle-même pour ne pas entendre les cris et les supplications de ses fidèles désespérés. Elle comprit. C’était donc de cela qu’Odin avait si peur. C’était donc pour cela que ces immondes créatures devaient disparaître de l’univers.

L’insulte à son endroit était trop grande, à cet instant, Skadi en eut assez. De toute évidence, elle n’arriverait pas à capturer ces fugitifs sans au moins l’aide des autres dieux, mais elle estimait peu probable que leur bonne volonté améliore la situation. Aucun d’eux, si ce n’est son mari, Ullr, ne possédait les savoirs nécessaires et l’expérience de la chasse. Elle dut l’admettre, l’incident devait être rapporté à Odin. Il n’y avait aucune autre solution raisonnable. Sköll et Hati avaient grandis, ils étaient devenus plus rusés, plus rapides, plus forts et plus endurants. Il était maintenant impossible de les considérer comme de simples adolescents farceurs, car ils ne jouaient plus depuis longtemps.

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