Chapitre 5 - Prise de tête

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 Sa faible condition physique l’empêcha d’aller bien loin. Essoufflée et à bout de forces, elle se résigna à se cacher au milieu d’épais buissons, ignorant les griffures que ce geste lui imposait. Le bruissement de feuilles mit un petit moment avant de parvenir de nouveau à ses oreilles. Il était discontinu, ne durait qu’un instant avant de s’arrêter quelques secondes pour recommencer. Le monstre avait certainement mis en place une nouvelle stratégie d’attaque pour être certain de l’achever cette fois. Elle aurait préféré ne jamais se réveiller plutôt que de revivre cette horreur.

 Sur le qui-vive, elle scrutait les environs. Elle s’était éloignée du point lumineux et n’y voyait plus grand-chose. Alors que le son qui la terrifiait s’approchait encore, elle paniqua davantage. La créature savait où elle se trouvait. Elle se dirigeait droit sur elle. S’empressant de sortir le couteau de sa besace, elle se leva et s’extirpa de sa cachette. Son sort était scellé désormais mais elle ne comptait pas rendre l’âme sans se battre, aussi maigres soient ses chances. Se campant sur ses deux jambes, elle tendit devant elle son couteau.

Le bruissement approchait encore. Après un arrêt plus long que de coutume, il résonna dans la forêt avec force et ne s’arrêta plus, fondant sur sa proie. Se sentant menacée, elle fendit l’air de sa lame, en vain. La « chose » venait de la saisir par les cheveux. Hurlant de terreur, elle en lâcha son arme de fortune et se laissa tomber au sol. Elle sentait les doigts de la créature marteler son cuir chevelu, lui arrachant quelques touffes au passage. Se roulant sur le tapis de feuilles mortes, elle tentait de s’échapper en vain de cette poigne, frappant son propre crâne dans l’espoir que le prédateur lâche prise. Ce qu’il fit, contre toute attente, après avoir lancé un petit cri strident. Apeurée mais à bout de forces, elle se redressa sur son séant à la recherche de son couteau perdu. Une voix retentit au loin :

— Squiro ! Squiro ! Reviens-ici ! Tu es entrain d’effrayer notre invitée !

 Un nouveau cri lui répondit alors qu’une lueur verdâtre approchait. Le bruissement reprit puis s’éloigna en direction de la voix. Elle ne pouvait rien faire d’autre que d’attendre que l’on décide de son sort. Qu’allait-il donc bien pouvoir lui arriver ?

 Un homme finit par apparaître dans son champ de vision. Courbé, une canne à la main et éclairé par une lanterne à la lumière d’un vert-jaune, il semblait peiner à marcher. Le temps qu’il ne l’atteigne, elle put retrouver son couteau qu’elle brandit à nouveau, prête à en découdre avec le nouveau venu. Lorsqu’il fut assez près pour la voir et constata qu’elle était sur la défensive, il posa la lampe à ses pieds et leva les deux mains en l’air.

— Doucement mademoiselle, lui dit-il d’une voix douce, je ne vous veux aucun mal.

— Qu… Qui êtes-vous ? demanda-t-elle la gorge sèche.

 Les larmes qui embuaient ses yeux, couplées à la pénombre, l’empêchaient de voir correctement qui se trouvait devant elle.

— Je me prénomme Glenn. Je suis venu vous chercher.

 Elle le regarda un instant, ne comprenant pas les intentions de cet homme. Le bruissement de feuilles se fit de nouveau entendre, la tirant de ses réflexions. De nouveau saisie de terreur, elle s’écria tout en battant des pieds pour reculer :

— L… Le monstre !

 Le dénommé Glenn fut décontenancé par cette réaction.

— Le monstre ? chuchota-t-il.

 Puis, s’avisant de quelque chose qui venait de grimper sur son épaule, il se mit à rire gentiment.

— Mais ce n’est pas un monstre, voyons !

 Il tendit le bras devant lui et la petite créature qui venait de lui monter dessus s’empressa de s’installer dans la paume de sa main.

— Je vous présente Squiro, mon compagnon de route ! Calmez-vous, vous ne risquez rien, vraiment.

 L’information mit un peu de temps pour parvenir au cerveau de la jeune femme. Constatant qu’il ne bougeait pas, respectueux de sa terreur, elle finit par cesser de reculer. Elle s’essuya les yeux du revers de la main gauche – tenant toujours le couteau de l’autre – et put enfin y voir plus nettement. Un homme à la barbe fournie et au regard doux lui faisait face. Il ne semblait animé d’aucune mauvaise intention et le petit écureuil qui s’était juché sur sa main avait l’air inoffensif. Rien à voir avec l’horrible monstre… Baissant sa garde, les larmes lui montèrent de nouveau au nez, des larmes de soulagement cette fois.

Reniflant et toujours désorientée, elle demanda :

— C’est vous ? … C’est vous qui avez posé les vêtements ?

 Souriant, l’homme acquiesça d’un signe de tête.

— Je n’aurais jamais pensé vous voir sortir de là un jour. Cela fait tellement longtemps que l’on vous attend…

— Que… Que l’on m’attend ? Qui ça ?

 Se grattant la tête, Glenn la considéra un instant.

— Il vaudrait mieux que je vous explique tout cela plus tard. Nous devons partir. D’autres, aux intentions moins louables, seront attirés par la lumière de l’Arbre et vont venir vous chercher. Il est temps d’y aller.

 Son ton était sans équivoque et, en ayant assez de vivre des péripéties, elle accepta de lui faire confiance sans en demander plus pour le moment. La tension de Glenn était palpable. Après l’avoir aidée à se relever, le vieil homme récupéra sa lanterne. Elle arqua les sourcils d'étonnement en la voyant car ce n’étaient pas des flammes qui brillaient à l’intérieur mais de gros insectes phosphorescents. Squiro, le petit écureuil roux, s’empressa de lui grimper sur l’épaule et se colla contre sa joue – la douceur de sa fourrure la rassura un peu – et ils partirent en silence, ignorant la fatigue, claudiquant à petit rythme.

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