Chapitre 6 - Bombance

4 minutes de lecture

 Elle n’aurait su dire combien de temps ils avaient marché lorsqu’ils arrivèrent à l’orée de la forêt, non loin d’une petite cabane rudimentaire. Le long du chemin, Glenn s’était montré silencieux et inquiet. Il les avait même fait arrêter à plusieurs reprises pour tendre l’oreille, aux aguets. Elle se demandait bien ce que cette anxiété avait à voir avec le rai de lumière qui éclairait le ciel et son réveil qui semblait attendu. Pourquoi la cherchait-t-on ? Elle qui ne connaissait même pas sa propre identité. Confuse, elle n’osait rien dire, n’étant pas vraiment certaine que cet homme barbu soit digne de confiance. Heureusement que Squiro était là. Bien qu’il l’ait effrayée en lui montant sur la tête lors de leur rencontre, il se montrait très doux et très câlin. De plus, il sentait bon la pomme et la noisette – il avait décidément tout pour plaire ! Un homme avec un animal si mignon ne pouvait pas être mauvais. C’était en tout cas ce qu’elle se répétait pour tenter de se convaincre.

 Avisant un bosquet, Glenn chuchota :

— Attendez ici et restez cachée. Je vais récupérer à manger et nourrir les poules. Ensuite, nous repartirons.

 Acquiesçant, elle obéit. Le petit écureuil sauta à terre pour accompagner son maître

— Squiro, reste avec elle, je vais faire vite.

 L’animal grimpa de nouveau sur l’épaule de la jeune femme qui se sentit un peu rassurée par cette présence amicale. Une fois camouflée au milieu des arbres bas, elle regarda Glenn s’éloigner. La lumière verte de la lanterne accompagnait tous ses mouvements et elle le vit pénétrer dans la cabane aux volets fermés. Il en ressortit une ou deux minutes plus tard, déposa un sac bien rempli à terre et partit un peu plus loin. Elle en déduisit qu’il allait nourrir les poules. C’était certainement ici qu’il habitait.

Cinq minutes à peine s’écoulèrent et l’homme, toujours appuyé sur sa canne, s’en revint, saisit le sac laissé sur le pas de la porte et rejoignit sa protégée.

— C’est bon, allons-y, ce n’est plus très loin… chuchota-t-il, l’air toujours inquiet.

 Ils repartirent dans le silence. Aucun son ne venait troubler le calme de cette forêt. Pas un hululement, pas un faufilement de rongeur sous les feuilles ou les buissons. Rien. Seulement le bruit de leurs pas qu’ils tentaient d’étouffer le plus possible.

 Ils marchèrent quelques centaines de mètres et débouchèrent dans une petite clairière enfoncée au milieu de la forêt. Là, Glenn se rendit près d’un monticule de roches et fouilla le sol de sa canne. Très vite, un bruit creux retentit à la grande surprise de la jeune femme. Il se baissa, saisit quelque chose qu’il tira et ouvrit littéralement le sol. Stupéfaite, elle se rendit compte que la trappe donnait droit sur un tunnel dans lequel il fallait pénétrer par une échelle. Le camouflage était bien réussi puisque des feuilles, des branches et des herbes avaient été collées sur le panneau de bois, le rendant compliqué à trouver au milieu des autres débris forestiers. Il lui fit signe de passer en premier. Ressentant son anxiété, Squiro s’empressa de mener la marche. Elle le suivit alors sans rechigner. Moins de deux mètres plus bas, elle mit pied à terre et récupéra la lampe aux lucioles que Glenn lui donna ainsi que sa canne et le lourd sac qu’il avait récupéré dans la cabane. Il descendit à son tour, prenant bien soin de refermer la trappe au-dessus de lui.

Parlant à voix basse, il afficha un large sourire :

— Nous sommes arrivés. Bienvenue dans ma cave personnelle !

 Reprenant la lanterne, il éclaira les murs emplis d’étagères pleines de bouteilles, de fromages et de pots de toutes sortes. Des herbes et des fruits pendaient sur un morceau de bois qui traversait la pièce de part en part. Il y avait plus de liquide que de solide mais les quantités restaient quand même assez gargantuesques pour un lieu si étroit. Au centre, se trouvaient une table et deux petits tabourets de bois tandis qu’un épais paillage d’herbes et de feuilles à l'odeur de moisi agrémentait le fond de la petite pièce, certainement un lit de fortune.

— Tenez, lui dit-il tout sourire, posez la musette sur la table s’il te plaît. Nous allons manger. Marcher donne faim et il n’est pas d’esprit plus serein et plus efficace que celui qui se trouve dans un corps bien nourri ! Voilà qui va nous faire du bien à tous les trois.

 La jeune femme lui obéit. Il plaça la lampe au centre de la table et entreprit de vider le sac duquel il retira une grosse miche de pain, deux chopes en ferraille enroulées dans du tissu – certainement pour étouffer le bruit des entrechocs –, deux écuelles en bois avec cuillères et fourchettes, une grosse outre bien remplie ainsi qu’un gros morceau de ce qui semblait être du jambon. Une fois le couvert mis, il s’empressa d’aller saisir un fromage à la croûte orangée et quelques pots sur ses étagères. La table fut très vite pleine. Le ventre de la jeune femme se mit à gargouiller face à tant d’abondance. L’épuisement avait creusé sa faim. Comme pour participer, elle sortit de sa besace la dernière pomme qui lui restait. Glenn, considérant avec tendresse ce geste, sourit de plus belle. Il n’avait plus rien à voir avec l’homme anxieux qui lui avait servi de guide dans la forêt.

Il retira sa cape, révélant un crâne à peine dégarni sur le front et à la chevelure épaisse, tout aussi grisonnante que sa barbe touffue.

— À table maintenant !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Lisounette ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0