Chapitre 2
Je suis réveillé par une pression au niveau de la tête. A tous les coups, Nate et mes parents sont rentrés et ce connard, trop content de mon retour, a décidé de venir me gonfler dès le matin.
Il peut pas attendre que je sois levé pour faire son grand frère, bordel ?
Je resserre mon coussin contre moi.
- Je ne sais pas quelle heure il est, mais je suis sûr qu’il est trop tôt pour se lever, je marmonne.
- Euh… Je ne sais pas l’heure qu’il est, mais je pense que j’ai fini ma nuit.. Si tu veux dormir, je peux te laisser le lit, me répond une petite voix.
Je me souviens. Je suis dans mon lit avec Maud. Et mon oreiller doux et confortable, ce sont ses seins. Je suis collée contre elle, presque sur elle en fait. Une position bien trop intime pour notre situation. Surtout avec mon érection matinale.
Oups...
Je tente de ne rien laisser paraître et me dégage.
- Non, non, je vais sûrement me lever aussi, dis-je en me redressant sur un coude.
En fait, je n'ai pas du tout envie de me lever. Je me laisse retomber doucement sur le lit. Sur un vrai oreiller. Beaucoup moins agréable que le précédent...
- Enfin… D’ici quelques minutes.
J'entrouvre un œil. Le visage de Maud n'est qu'à quelques centimètres du mien. Elle est vraiment trop près...
- Euh… Ça a été ta nuit ? Me demande-t-elle en rougissant légèrement.
J'essaie de plaisanter pour détendre l'atmosphère.
- Ouais… ça aurait probablement été mieux si tu ne t’étais pas mise complètement en travers du lit durant la nuit.
Elle soupire et sourit. Pas dupe pour un sou.
- Quoi ? Moi ? Attend, qui m'écrasait il y a encore 2 minutes ?
J'aime la taquiner. Elle a toujours des réactions excessives. Elle est incroyablement expressive. Contrairement à moi. Elle semble de meilleure humeur que cette nuit et ça me rassure. Je continue sur ma lancée.
- Moi ? Je rétorque, faussement blessé, une main sur le cœur. Je ne me permettrais pas.
- Oooh mais si monsieur. C’est tout à fait ton genre, rit-elle. Et tu as de la chance que je n’ai pas profité de ta faiblesse pour t’embêter au passage.
Elle plonge alors ses mains vers mes côtes. La garce ! Les chatouilles au réveil, ça devrait être interdit ! Je me replie sur moi-même et essaie tant bien que mal d'intercepter ses mains. Ses petites mains froides. Toujours froides.
- Si tu lances les hostilités, je vais répondre ! je la préviens.
Ses mains sont tellement petites. Je parviens à les tenir dans une seule des miennes. Je la maintiens.
- Qui te dit que je vais me laisser faire ? plaisante-t-elle. Mes mains sont presque contre toi, j’ai totalement moyen de te chatouiller encore. Et comme tu n’oseras pas me serrer trop fort de peur de me faire mal, je serai toujours en position de force.
- Ah oui ?
Tu vas voir qui est en position de force !
Je la fais basculer sur le lit et remonte ses mains au-dessus de sa tête. Je me retrouve sur elle, en appui sur un coude.
- Et maintenant, qui est en position de force ?
Je suis entre ses cuisses et je la domine totalement.
- Tu ne peux plus m’échapper, je souffle.
Elle est soufflée. Elle est belle. Son t-shirt a dû remonter avec le mouvement car je peux sentir sa peau nue sous la mienne. Mon corps épouse ses courbes. Je sens la chaleur son sexe contre le mien à travers nos sous vêtements. La douceur de sa peau, de son ventre jusqu'au début de ses seins. Je suis tellement près d'elle que je peux sentir les battements de son cœur sous moi. Contre mon sexe, gonflé à bloc.
Je perçois un changement dans son odeur. Des notes nouvelles, inédites. De la fleur d'oranger. Et autre chose…
De la bergamote ? Non. C’est plus subtil, plus acidulé…
Je ne comprends pas d’où ça vient. Mais ça me plaît.
Dans ma fascination, je ne remarque pas qu'elle se détend. Ce n'est que lorsque je sens ses jambes se refermer autour de moi que je prends conscience de ce que je suis en train de faire.
- Je n'ai aucune envie de t'échapper, affirme-t-elle. C'est toi qui me fuis. Pourquoi tu tiens tant à rester hors de portée ?
Cette dernière affirmation achève de me remettre les idées en place. Je reste hors de portée pour une bonne raison. C'est la fiancée de mon frère, putain. Je la lâche et me redresse comme si je m'étais brûlé.
Il faut que je sorte d’ici. Tout de suite !
- Je… je… Je vais… prendre une douche, je m'entends dire en sortant du lit.
Je cours presque jusqu'à la chambre de mon frère pour récupérer un pantalon. Je fonce dans la salle de bain et m'y enferme. Je reste interdit, dos à la porte pendant quelques minutes. Mes mains tremblent. Ma respiration est irrégulière, comme si j'avais couru un marathon.
Bordel…. C'était quoi ça ? Qu’est-ce qui m’a pris ? Et à elle ?
Jamais je n'aurais pu imaginer qu'elle réagirait comme ça. Rien que d'y repenser, je sens le sang affluer davantage dans mon membre.
Une douche froide. Voilà ce qu'il me faut. Je retire mon boxer, j'entre dans la douche et j'ouvre en grand le robinet. Je ne laisse même pas le temps à l'eau de chauffer. L’eau froide, presque glacée, me rappelle les mains de Maud entre les miennes. Le contraste avec son ventre chaud et ses cuisses. C’était tellement agréable.
Je secoue la tête. Il faut que je sorte cet épisode de mon esprit. Il le faut. Au fur et à mesure que l'eau glisse sur moi, j'essaie d'élaborer des théories pouvant expliquer son attitude. Elle n'était pas tout à fait réveillée ? Elle était juste reconnaissante par rapport à cette nuit ? Même après 10 bonnes minutes sous l’eau, je me prends toujours la tête. Je n’arrive pas à effacer l’image et la sensation de son corps sous le mien. Je me lave en vitesse, enfile mon pantalon et quitte la salle de bain.
En sortant, je tombe nez à nez avec les fesses de Maud, moulées dans un mini short. Elle tente d'attraper un bol dans un des placards de la cuisine. Les bras en l'air, son t-shirt remonte jusqu'à la moitié de son dos. A-t-on idée de porter un truc pareil ?
Je ne suis qu'à un mètre d'elle. Elle se retourne et me voit. Ou plutôt me reluque carrément… Je me fais l'effet d'être un bonbon vu par un enfant. Elle examine mon corps de haut en bas, s'attardant sur chaque courbe de mon torse. Ses yeux pétillent et je l'entends gémir. Putain ce son... C'est la première fois que je l'entends pour moi. J'ai tellement envie d'en entendre plus. Je pourrais lui faire tellement de choses afin de l'entendre encore.
Je fais un pas vers elle. Comme elle ne recule pas, j'ose lever une main et la pose aussi doucement que possible sur sa joue. Je soupire : elle est douce. De partout on dirait bien. Quand je pense que plus rien ne peut me surprendre de sa part aujourd'hui, je la vois soupirer à son tour avant de presser sa joue contre ma paume. Elle vient vers moi.
- C’EST NOUS ! crie quelqu'un depuis l'entrée.
La connexion est rompue. Maud tourne la tête vers les arrivants et s'écarte de moi.
Aïe. Fin du game. Bon retour à la réalité, mon gars.
- Tu peux venir nous donner un coup de main ? reprend ma mère.
Maud se dirige vers l'entrée. Moi, je retourne dans la chambre de Thomas me chercher un t-shirt. Je suis revenu pour ma mère. Pour son anniversaire. Autant être présentable… Maud est la première à reparaître dans la pièce, talonnée par ma mère.
- Cédric ? Oooh mon chéri tu es rentré ! s'écrie-t-elle.
Ma mère me serre dans ses bras, comme si elle pouvait me garder ici par la force de son étreinte. Je la laisse faire, mécaniquement. Je fais semblant de ne pas comprendre ce que ça veut dire : tu devrais rentrer plus souvent, tu me manques, je t’en veux un peu de ne pas m’avoir prévenue, mais je suis heureuse que tu sois là.
Mes yeux balayent la pièce. Rien n’a changé. Ni les rideaux en dentelle anglaise, ni l’odeur de chicorée dans l’air, ni la monstrueuse collection de coquetiers de ma mère. Ils s’entassent sur une étagère dédiée, le haut des placards, la hotte, le micro-onde, le rebord de la fenêtre… Le genre d'accumulation qu'on trouve mignonne parce qu’on y a grandi, mais qui ferait fuir n’importe quel agent immobilier.
Elle me lâche et s’attèle à la préparation du repas.
Mes retrouvailles avec mon père sont bien plus sobres. Je tiens de lui. Réservé, pas vraiment démonstratif. Il me donne une tape dans le dos en allant ranger les courses. Un léger sourire flotte sur son visage, derrière sa barbe. Ces signes, chez lui, c’est une vraie déclaration d’amour.
Et enfin, il y a Nate. Un entre-deux parfait. Il me fait une bise, sa main calée sur mon épaule. Le cliché du grand frère.
- Tu aurais dû me dire que tu rentrais ! dit-il. Ça m’aurait fait plaisir de t’avoir avec nous pour les essayages ! On aurait même pu vérifier les mesures de ton costume.
- T’inquiète, je leur fais confiance. Et j’ai pas besoin que ça soit parfait.
- Parle pour toi ! C’est mon mariage, quand même ! rit-il.
Comme si je risquais de l’oublier…
Je mets mon amertume de côté. Ça n'est pas sa faute. Je vois bien qu’il essaie d’être inclusif, de me faire sentir que je compte. De réduire l’écart entre nous. Lui, le fils prodige, futur médecin, futur mari. Et moi, le gamin un peu sauvage, sans attache. Il ne se rend pas compte qu'il y aura toujours un décalage entre lui et moi. Parce qu'on veut la même chose. Elle. Maud. Et qu'on ne peut pas l'avoir tous les deux.
***
Une fois à table, on échange des banalités. On me demande des nouvelles de la Grèce. Je raconte comment se passe mon travail…
Maud, elle, semble ailleurs. C’est sûrement ce qui me frustre le plus. J’aurais aimé qu’elle me regarde, même brièvement. Qu’elle me donne un indice sur ce qui s’est passé ce matin. Mais non. Elle a beau être assise avec nous, elle est absente.
- Maud ? l’appelle Nate.
Elle sursaute.
- Oui ?
- Tu as bientôt fini ? Il va falloir qu’on y aille, lui dit-il.
- Vous allez où ? je demande.
- On a peut-être trouvé un traiteur pour le mariage. On va voir ce qu’il nous propose.
- Oh. Ok.
La jalousie me ronge. Chaque détail sur leur mariage à venir est une gifle. Plus encore que d’habitude. Je me demande si Maud repensait à ce matin. Je n'ai pas réussi à endiguer toutes les vagues de souvenirs qui continuent de m'assaillir.
- Hey, Ceddy, toi qui t'y connais un peu en cuisine et vu que tu es là, tu peux peut-être venir avec nous ? Me propose Nate.
Maud n'a toujours pas décroché un mot. Je la regarde, tentant de savoir ce qui se passe dans sa tête.
- Il vaut mieux que je vous laisse tous les deux. J’ai pas vraiment mon mot à dire, je réponds.
Je sens une boule dans ma gorge qui ne veut pas partir. Je n'aurais définitivement pas dû dormir avec elle.
- Du coup, dès que tu as fini on y va, lui dit Nate.
- Ok, bah je mets un pantalon et je suis prête alors, dit-elle en se levant.
Ils rangent chacun leurs couverts dans le lave-vaisselle puis sortent de la cuisine. Tout en les regardant s'éloigner, je me jure que je vais mettre un terme à ces émotions. Je me fais du mal. Il faut que ça cesse.
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