Chapitre 6
Je referme la porte derrière moi et m’avachis dessus.
Bordel de merde. Ça va être tendu.
Je jette un œil dans le miroir. Je suis vraiment débraillé. J’ai carrément fait une inversion dans mes boutons… J’ai vraiment la tête dans le gaz. Je grommelle en réajustant ma chemise. Quelqu’un frappe à la porte.
- Ouais ?
- C’est toi Ceddy ? demande la voix de mon père.
- Non non, c’est le chat du voisin. Il a appris à parler, je ricane.
- Oh bah dis donc, c’est drôlement bien imité alors, rit mon père.
Je ris avec lui.
- Bon plus sérieusement, on va pas tarder. T’es prêt ? enchaîne-t-il.
- Ouais, ouais, j’arrive.
- Okay. Il reste encore des trucs à mettre dans la voiture. Je les ai posés sur la table de la cuisine. Si tu peux me donner un coup de main quand tu as fini, je veux bien.
- Okay, ça marche.
Je me passe un coup vite fait dans les cheveux avec ma main. Je termine de remettre ma chemise comme il faut et je sors. Il y a effectivement une caisse avec du champagne sur la table. En allant vers la sortie, je passe devant la chambre de Nate. Mes pas ralentissent sans que je le décide vraiment.
Est-ce qu’ils sont déjà en train de parler ? Est-ce qu’ils parlent d’eux ? Est-ce qu’ils parlent de nous ?
Je n’entends rien d’autre que le bruit de mes pas et mes parents dans la rue. J’hésite à coller mon oreille contre la porte.
Mauvaise idée.
Je risque de me casser la gueule avec la caisse et adieu la chemise blanche… Sans compter que s’ils ouvrent la porte c’est moyen… Quoiqu’ils se soient dit. Je continue mon chemin en serrant les dents.
Je retrouve mes parents dans l’allée. Ma mère est assise à l’avant de la voiture. Mon père essaie de caler deux bouteilles dans le coffre.
- Tu devrais attendre que j’aie mis la caisse. Ça fera un truc en plus pour tout caler, je suggère.
- Hum… Pas bête.
Bah oui, « pas bête »…
- Laisse-moi gérer.
Il pose les bouteilles sur la route. Du cidre rosé. Pour Maud évidemment. Si le traiteur ne gère pas le champagne, j’imagine qu’il n’allait pas gérer cette excentricité non plus.
Pendant que mon père s’installe côté conducteur, je place la caisse dans le coffre avant de glisser les bouteilles en verre en quinconce à côté. Je secoue un peu la caisse. Rien ne bouge. C’est top.
- On est bon ! j’assure en refermant le coffre.
Je m’installe ensuite sur mon siège et nous attendons que Maud et Nate nous rejoignent.
Ils sortent de la maison au bout de quelques minutes et montent en voiture. Maud s’assoit sur le siège du milieu. Entre Nate et moi. Ça pourrait presque être comique si c’était pas aussi tordu. Mon père lance le moteur et nous partons.
Je garde les yeux rivés sur l’extérieur. On a dit qu’on parlerait plus tard. Et plus tard, par définition, ce n’est pas maintenant. Je sais à quoi elle ressemble. Au-dessus comme au-dessous. Et je vais avoir envie de lui bouffer les lèvres si je la regarde. Toutes ses lèvres, si vous voyez ce que je veux dire.
A un moment, je sens la cuisse de Maud se rapprocher de la mienne. Elle vient se coller contre moi et je sens la chaleur de sa peau à travers mon pantalon. Son approche me surprend. Je la regarde.
- T’es toujours ronchon toi, hein ? me taquine-t-elle.
- Naaaaan, c’est mon air habituel.
- Aaah bah voilà ! s’exclame-t-elle.
- Quoi ?
- Tu souris.
Elle appuie son index glacé contre ma joue avec une petite moue.
- Tu devrais sourire plus souvent, dit-elle en apposant le dos de sa main contre ma joue, ça te va bien.
Elle me caresse distraitement du pouce pendant quelques secondes. Elle est toujours douce. Tellement douce. Trop douce. Sa douceur est contagieuse. Et même après 3 ans, je n’arrive pas à savoir si j’aime ça ou non.
- Ouais, non... Vous risqueriez de vous habituer à ce que je sois de bonne humeur, je bougonne pour la forme.
- Ça voudrait dire que tu es heureux. Est-ce que ça serait une si mauvaise chose ?
Me rendre heureux ? Ouais, elle serait bien capable d’y arriver.
Je secoue la tête en soupirant et je me retourne vers la fenêtre avant de commencer à espérer trop fort.
Annotations
Versions