Chapitre 7 - Partie 3
Je pose mon portable et reporte mon attention sur Thomas.
- Perso, je m’étais dit qu’on pourrait lui programmer un truc à Prague, reprend-il. Il avait parlé une fois de conduire un tank ! Ça serait tellement cool.
Son enthousiasme me fait sourire.
- Ouais, ça peut être sympa.
La musique change brusquement. La techno a laissé place à un air de guitare mélancolique. Un slow.
- Motivé pour danser ? me lance la voix de Maud.
Je lève les yeux vers elle. Ses joues sont encore toutes rouges d’avoir sautillé dans tous les sens. Son visage arbore un sourire radieux. Ça me rappelle son expression sous la douche.
Elle veut que je danse ? Moi ? Elle me tend la main. Elle en meurt d’envie.
- Puisqu’il le faut.., je bougonne pour la forme.
En vérité, j’ai envie de la ravoir contre moi depuis que je suis sorti de la salle de bain. Mais on n’a pas réussi à avoir un seul moment tranquille. Je suis super sérieux quand je dis que je voudrais la choper par-dessus mon épaule et partir nous isoler. Sans forcément de sexe à la clé. Juré ! Et quand je la vois comme ça… Putain ce que c’est dur de résister ! Mais je ne ferai pas de scandale à l’anniversaire de ma mère.
Nous nous dirigeons vers la piste de danse. La main de Maud dans la mienne. Je suis super gêné, mais aussi électrisé. J’ai l’impression que tous les regards sont fixés sur nous, et étrangement, j’ai envie que ce soit vrai.
- Comment tu veux faire ça ? je demande, mal à l’aise.
- Laisse-moi faire, murmure-t-elle.
Elle garde sa main dans la mienne et vient poser mon autre main contre sa taille avant de poser la sienne sur mon épaule. On est super maladroit. Je suis sûr qu’on a l’air tarte vu de l’extérieur. Et je m’en fous royalement. C’est notre moment. C’est le moment où je peux dire que je l’ai pour moi. Avant de pouvoir dire qu’elle est à moi.
- Je vais essayer de pas te marcher sur les pieds, je rigole.
- Oui, surtout que moi je suis pieds nus, ajoute-t-elle en regardant nos pieds.
- Quelle idée aussi…
- J’ai toujours dansé comme ça, dit-elle en riant. Je ressens les vibrations de la musique dans l’air. Alors ça, ça me donne un lien avec la terre ferme.
- Hein hein, j’acquiesce en me moquant.
- Te moques pas de moi, toi ! me dispute-t-elle gentiment en me tapant l’épaule.
- Non, c’est vrai que c’est parfaitement normal comme attitude.
Je la chambre pour pas qu’elle voit que je suis mal à l’aise. Et ça a l’air de marcher pour le moment. Nous tournons doucement au milieu de la foule. Pas vraiment en rythme pour être honnête. Maud ne cesse de sourire. Ses yeux sont tout tendres. Nous ne parlons pas. Mais ses yeux parlent pour elle. Elle est à moi. Mienne.
J’en reviens toujours pas. Je colle doucement ma joue contre la sienne et nous continuons de danser. Au bout d’un moment, la musique s’arrête. Elle s’écarte doucement de moi. Elle pose ses mains sur ma chemise et la fixe. Je ne veux pas la lâcher.
Une nouvelle chanson commence. Maud lève la tête et écarquille les yeux. Tout son corps se couvre de chair de poule. La musique continue et je la reconnais. C’est une chanson qu’elle m’a envoyée. Avant. Avant son appel. Quand notre attirance n’était que supposée.
Reste avec moi…
Elle se mordille la lèvre et passe ses bras derrière ma nuque. Sans me lâcher des yeux. Pour le coup, on est vraiment dans une position de slow classique et c’est super intime. Même si on est entouré d’une bonne dizaine d’autres danseurs.
Elle est belle. Je meurs d’envie de l’embrasser. Encore. Tout en dansant, elle passe ses mains dans mes cheveux. Elle caresse ma nuque et mes épaules. On est près, mais pas assez encore à mon goût. Je la rapproche encore en passant lentement une main dans son dos. Je la caresse à mon tour. Un sourire s’accroche sur son visage. Elle tente de le dissimuler en se mordillant la lèvre. Ça la rend juste encore plus sexy…
Lorsque l’air change légèrement, je vois ses lèvres bouger en rythme avec la musique. Je n’ai pas besoin de lire sur ses lèvres pour m’en rappeler la teneur :
Please don’t be in love with someone else. Please don’t have somebody waiting on you.
C’est exactement ce que j’ai pensé la première fois que je l’ai vu. « S’il te plait, ne sois pas amoureuse de quelqu’un d’autre. S’il te plaît n’ait personne qui t’attende. » Personne d’autre que moi. Elle caresse doucement mon visage. Je tourne la tête jusqu’à ce que mes lèvres soient dans sa paume. Et je l’embrasse. Comme elle l’a fait ce matin et encore tout à l’heure. Je vois le désir et la tendresse brûler dans ses yeux. Elle vient se coller contre moi. Nous restons encore quelques secondes comme ça, pendant que la musique ralentit.
Et je vois Nate s’approcher. Il pose son doigt sur ses lèvres pour m’indiquer de ne pas trahir sa présence. Il tend les bras vers Maud. Il vient pour la prendre. Mais elle ne l’a pas vu. Elle est toujours contre moi. Et je refuse de la lâcher.
Et ouais trou du cul, c’est avec moi qu’elle veut être là !
Je fais une petite moue faussement contrite. Nate sourit et ne se laisse pas démonter. Il pose sa main sur l’épaule de Maud. Elle détache doucement sa joue de la mienne et se retourne. Ses yeux s’arrondissent. Nate ne semble pas s’en apercevoir.
- M’accorderez-vous cette danse, Mademoiselle ? plaisante-t-il en lui tendant la main.
Dis non, dis non, dis non, dis non…
Je cherche son regard mais elle reste fixée sur Nate.
- Mais avec joie, mon cher, répond-elle sur le même ton.
Et merde.
Je la vois poser sa main dans la sienne. Il lui fait faire un tour sur elle-même avant de la prendre dans ses bras. Elle rit.
Aïe.
Je me dirige vers les toilettes. Pour ne pas vomir de ce romantisme dégoulinant et aussi pour ne pas rester comme un con tout seul au milieu de la piste. Il n’y a personne dans l’espace commun. Et personnes dans les cabinets en général. J’entraperçois mon reflet dans le miroir. Je suis à la fois rose, blanc et vert.
Sympa… C’est cette situation à chier qui me rend malade.
Je remonte mes manches. J’ouvre en grand le robinet et me passe de l’eau sur le visage. En me regardant dans le miroir, j’essaie de me dire que c’est normal qu’il veuille danser avec elle. Et que c’est normal qu’elle ne l’ait pas envoyé chier. Après tout, ils n’ont pas encore discuté. Et on était en plein milieu de la piste de danse. A l’anniversaire de ma mère. Ça ne serait pas de très bon goût.
Alors je vais faire comme elle. Je vais être bon joueur. Je vais le laisser savourer sa dernière danse avec elle. C’est sûrement la dernière fois qu’il peut la toucher. Non, c’est la dernière fois qu’il la touche. Hors de question que je la partage.
J’arrache une feuille de papier absorbant. Je m’essuie le visage. Je me regarde dans le miroir une dernière fois.
Allez Cédric ! Il faut y retourner.
Je sors des toilettes. Et je n’arrive plus à respirer. Je suis trop abasourdi par ce que je vois. Maud et Nate. Toujours sur la piste. Il a resserré ses bras autour d’elle. Elle a enroulé ses bras autour de sa nuque. Pire que tout, je vois ses lèvres bouger contre ses lèvres à lui.
L’info met quelques secondes à atteindre mon cerveau : ils s’embrassent. A pleine bouche bordel de merde ! Il la tient contre lui. Il la caresse. Il la dévore. Et elle ? Elle ne se laisse pas juste faire, non. Elle répond à tout ça putain ! Là je vais vraiment vomir. Ou péter les plombs définitivement.
Je reprends mes esprits et tout va très vite dans ma tête. Je pique les clés de la voiture de Tom au vestiaire. Je lui enverrai un message plus tard, pour qu'il sache où sa voiture a disparu. Je retourne à la maison avant de faire quelque chose que je regretterai. Une fois sur place, je vais de pièces en pièces et fourre mes affaires au hasard dans ma valise. Je dois partir. Vite. Je boucle mes bagages et me dirige vers la cuisine. Je rédige un bref message à ma mère pour lui dire qu’un souci est survenu au travail et que je dois repartir au plus vite. Un bobard. Personne ne saura. Ou plutôt tout le monde s’en foutra. J’attrape mes propres clés de voiture et je fonce vers l’aéroport sans un regard en arrière.
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