J’ai pu avoir un billet de dernière minute. Cher putain. Mais honnêtement, j’aurai vendu ma voiture pour partir le soir même. Bon, peut-être pas. Mais voilà, il était pas question que je retourne là-bas. Putain, j’étais prêt à lui parler. A voir avec elle comment gérer la situation. Et au lieu de ça… Les voir ensemble… Voir Maud réagir comme elle l’a fait dans les bras de mon frère. Les voir si fusionnels. Savoir que c’est lui qu’elle a choisi avant même qu’on ait pu parler… C’était trop dur. C’est moi qui ai fui.

Je suis pathétique. Et lâche. Et j’assume à 100%.

Je monte dans l'avion et me pose dans mon siège. Je serai bientôt dans mon « chez moi » temporaire. Tout est toujours temporaire avec moi. Mes petits boulots, mes lieux de vie, mes relations… Tout a une date de péremption. Putain ça me fait tellement chier.

L’attente avant l’embarquement a été longue. Trop longue. J’ai fait ce que j’ai pu pour éviter de laisser mon esprit divaguer. Sans grand succès. Soit je pensais à Maud, soit je pensais à boire. Travailler m’aidera à ne plus penser à tout ça. Je n’ai que la journée de demain à tuer. J’irai peut-être sur la plage. Ou alors je geekerai. Je trouverai bien quelque chose à faire.

Encore 3h de vol. Je sors mon livre de ma valise, espérant que les mots m’absorbent. C’est un vieux polar dont j’ai oublié l’intrigue. Je lis une phrase. Puis deux. Je n’arrive même pas à me concentrer sur l’assassin. Maud et Nate me hantent à chaque ligne. Je ferme le livre d’un geste brusque et le balance dans mon sac. Ce n’était pas la solution.

Pendant une seconde, je m’autorise à penser à ma mère. Je suis parti tellement vite qu’ils sont sûrement encore tous à la salle. Personne n’a dû remarquer mon absence.

Est-ce que Maud l’aura remarqué ? Ne pense pas à ça Cédric, je me gronde. Ne pense pas à elle.

Je secoue la tête et pose mon front contre le hublot. Les lumières défilent sous les couches de nuages.

Putain… j’ai envie de boire…

Je ferme les yeux. Mes doigts, eux, me trahissent. Ils tremblent. Pas de façon évidente, mais suffisamment pour que je le remarque. Cette secousse légère, honteusement familière, dans chaque articulation. Une faiblesse fugace qui trahit mon besoin.

Merde…

Là, ça fait 4 jours que je n’ai rien bu. Parce que je savais que je la reverrai. Que je voulais me présenter sous mon meilleur jour.

Pour ce que ça a changé… j’aurais pu m’abstenir. Et un jeu de mots pourri, un !

Maintenant, mon corps réclame quelque chose que je ne peux pas lui donner. Pas maintenant. Je serre les poings, je les fourre sous mes bras. Je les cache, comme si ça pouvait faire disparaître cette preuve de mon manque. Je sais que je peux me contenir. Encore un peu. Au moins jusqu’à ce que je sois dans mon appart. Seul.

Je suis toujours seul…

L’envie grimpe, je la sens partout. Je ferme les yeux plus fort. J’essaie de me concentrer sur autre chose. Ça ne marche pas comme ça, je sais. Mais je veux être plus fort que ça. Je suis sur une pente raide de ce côté là. Il faut que je reste fonctionnel. Je calque ma respiration sur le vrombissement de l’avion et me force à dormir.

***

• Κυρίες και κύριοι, αυτός είναι ο καπετάνιος σας που μιλάει. Καλωσορίσατε στο αεροδρόμιο Ηρακλείου. Η τοπική ώρα είναι 5 το πρωί και η θερμοκρασία είναι 18 βαθμοί… Ladies and Gentlemen, this is your captain speaking. Welcome to Heraklion Airport. Local time is 5am and the temperature is 18 degrees…

La voix crachotante du haut-parleur me réveille. La capitaine et l’équipage continuent leur routine pendant que j’émerge. Nous avons atterri. Une fois sorti de l’aéroport, je cherche un taxi pour me ramener chez moi.

Plus que 20 minutes Cédric. Plus que 20 minutes et tu seras à l’appart. Tu pourras prétendre que ça n’était qu’un rêve.