Chapitre 8 - Partie 2
Arrivé au pied de mon immeuble, je paie le taxi. En face, j’aperçois le bar où je travaille. Ils sont en train de fermer boutique. Jona et Matteo sont assis au comptoir. Ils doivent faire les comptes de la soirée. Je me dépêche de monter avant qu’ils ne me voient.
J’ouvre la porte, j’allume la lumière du salon et je m'assois sur mon canapé pour faire le tri dans ma valise. Il faut que je fasse une lessive. Je lance les fringues en vrac vers la machine à laver. Et je tombe sur un T-shirt à l’envers que je ne reconnais pas. Il est blanc avec des tâches de couleurs. Je le retourne et je sais tout de suite d’où il vient. Ce ne sont pas des tâches. Ce sont des hippocampes. C’est le T-shirt que j’ai offert à Maud à Noël dernier. J’ai dû l'emmener sans m’en rendre compte.
Comme si j’avais besoin de ça.
J’enrage. Je me lève d’un bond pour aller le jeter à la poubelle. Mais alors que je suis sur le point de lâcher le vêtement, mes doigts se remettent à trembler. Tout devient flou. Je me fige dans mon mouvement. Ferme les yeux, serre les poings et inspire à fond. Une fois. Deux fois.
On se calme. Pas de réaction à chaud.
Je prends une nouvelle inspiration et ouvre les yeux. Je sens toujours ce picotement dans mes doigts, mais au moins, la pièce est redevenue nette. Je sais qu’elle adore ce T-shirt. J’adore qu’elle adore ce t-shirt. Je souris mi-figue mi-raisin. Je me passe une main sur le visage et me dirige vers ma chambre.
Je vais le lui renvoyer par la poste.
Toc, toc, toc.
J’envoie le T-shirt sur mon lit et je vais ouvrir.
- Hey, hey, hey ! What are you doing here man ? m’accueille Jona.
Plus que mon collègue, c’est surtout mon voisin de palier. J'aurais dû me douter que je ne lui échapperais pas. Au moins il est seul. Je l’aime bien. C’est un fêtard avec qui je peux boire incognito. Mais c’est aussi un sacré queutard. Et il passe son temps à oublier ses clés au bar quand il ramène une conquête. A venir chercher le double qu’il a laissé chez moi plutôt que de redescendre les escaliers…
- J’ai vu de la lumière donc je suis venu, explique-t-il. Donc, l’anniversaire de ta mère ?
Jona est italien. Il écume les pays pour bosser, un peu comme moi. Du coup, il parle beaucoup de langues. Pas forcément très bien, d’ailleurs.
- Je suis rentré plus tôt. J’ai pas envie d’en parler.
- T’as une tête orribile, ricane-t-il.
M’en parle pas.
- Un shot chez moi ? propose-t-il.
- Offre moi un vrai verre et je te suis.
Une bonne dose de poison, voilà ce qu’il me faut.
Le manque était passé mais il revient en force. Et franchement j'ai plus envie de lutter ce soir.
Nous traversons le palier pour entrer chez lui. Je me pose dans un fauteuil et lui dans son canapé.
- Allora, rhum ou vodka ? me demande-t-il.
L'avantage d'être pote avec des barmans, c'est qu'on a tous beaucoup d'alcool à la maison. Faut bien s'entraîner à faire les cocktails. Et puis quand on ramène des filles, ça fait toujours mouche de pouvoir leur faire leur boisson favorite. Enfin, c'est pas comme si ça m'intéressait mais j'ai déjà vu Jona emballer un certain nombre de nanas et de mecs comme ça.
- Gin ! Sec.
Ce sera toujours le gin mon poison. En témoigne l'anneau de Monkey 47 à mon pouce. Je suis incapable de dire quand j'ai commencé à le porter, ni même quand j’ai commencé à boire. Mais c'est un rappel constant de la sous-merde que je suis. Quelque part, je sais que c'est le seul anneau que je porterai jamais.
Jona lance une musique de fond depuis son téléphone. Il se sert un verre de rhum-coca et nous discutons des dernières nouvelles du bar. Si Daphnée est une commère, Jona est un putain de paparazzi. Il sait tout, sur tout le monde. Personne ne sait comment il sait, mais il sait.
En quelques heures, pas mal de choses ont bougé… Katarina, la collègue serveuse casse-couilles, s'est faite chopée à piquer dans la caisse. Matteo, le propriétaire, l'a virée illico. Une nouvelle personne doit venir remplacer Katarina dans quelques jours. Tant mieux, je pouvais pas l'encadrer cette nana. Elle était vulgaire et capricieuse. Je ne veux pas tomber dans le slut-shaming mais sans déconner, cette fille passait son temps à draguer tout ce qui bougeait et ne tolérait aucun refus. Ceci dit, une serveuse en moins, c'est moins de disponibilité pour servir les clients, donc moins de rentrées d'argent. Donc c'est bien qu'on ait quelqu'un d'autre. Espérons que sa remplaçante sera plus stable. Et avec le “patron” parti, Matteo a été promu coordinateur pour gérer le bar. Il a prévu de faire plus de soirées dansantes. C’est pas une mauvaise idée. Quand les gens dansent, ils finissent par avoir soif et venir boire. Ça fait donc rentrer de l’argent dans les caisses. Par contre, ça ne va pas arranger la guéguerre avec la discothèque du coin. Mais bon, on s’en fout.
Lentement mais sûrement nous faisons descendre le niveau de la bouteille. Surtout à cause de moi. Je suis même obligé de passer chez moi pour ramener ma propre bouteille. Ce soir, je bois bien plus que je ne le fais habituellement durant ce type de soirée. J'en ai conscience, mais je m'en fous. La brûlure du liquide dans ma gorge est un soulagement. La brume dans mon cerveau qui l'accompagne aussi.
- OK bon, sur le sérieux, je ne t'attendais pas aussi rapidement. Pourquoi tu es déjà retourné à la maison ?
Oula…
- Arrête de boire Jona. Your French is drunk ! Je rigole.
- Stai zitto ! Possiamo parlare italiano ma se voglio informazioni devi capire, no?
- Hein ?
- Nothing, I am not drunk. What happened ?
- Alors c'est comme ça que tu t'y prends, bastardo ? je ricane avec mon accent français. Faire se bourrer la gueule aux gens pour qu'ils parlent. C'est pas jojo…
- Pas toujours. Mais je sens que c'est l'unique chose qui fonctionnerait avec toi, avoue-t-il amusé. Now, shut up and talk.
- Y à rien à dire. Ressers-moi un verre ! J'ordonne.
- Bene.
Nous restons un moment silencieux. Jona finit par éteindre la musique. Il allume ensuite la télé et met un match de foot. Il commente tout à grand renfort de cris et de gestes ultra clichés.
Il va encore se faire engueuler par les voisins…
Je ne regarde absolument pas le match. La tête en arrière, je fixe le plafond tout en sirotant mon verre. Je devrais lui dire de la fermer. Mais il ne peut pas s'en empêcher. Il sait qu'il n'aura pas vraiment d'ennuis… Que les voisins viennent ou pas, il ira leur écrire un petit mot avec des gâteaux ou une connerie du genre.
C'est un mec bien. En tout cas sur ce plan là. Parce que quand il s'agit de cul… c'est une machine. Je ne m'explique toujours pas pourquoi Katarina n'a pas tenté quelque chose avec lui. Ou peut-être qu'elle l'a fait, qui sait ?
- Encore du gin ? Demande-t-il entre deux cris vers la télé.
Comme j’ai dit, Jona ne sait pas que je suis accro. Pour lui, on est deux potes de travail qui buvons pour déconner. Ça nous arrive assez souvent pour que mon addiction soit camouflée. Et j'avoue que ça m'arrange pas mal comme excuse.
Je lui tends mon verre en guise de réponse. Je tiens bien l'alcool. La faute à des années de picolage. Je ne suis pas insensibilisé. Il m’en faut juste plus que les autres pour que ça fasse vraiment effet. Pour l'instant, je suis encore totalement conscient de ce que j'ai fui. Donc il me faut plus de gin. J'ai besoin d'effacer de ma mémoire les instants enivrants que j'ai passés avec elle. C'est ça. Elle m'enivre. Maud c'est mon deuxième gin. Séduisante. Intense. Captivante. Irrésistible. Et aussi destructrice pour ma santé.
Mon verre est vidé en un instant. Le suivant ne tarde pas. Et celui d'après. Et un autre…. Je n'arrive pas à être intelligent et arrêter. Avec Maud, comme avec ce foutu gin.
- J'aurais jamais dû rentrer, je râle.
- Che cosa ?
Ah. On atteint le point où je pense tout haut…
- Elle veut pas de moi c'est tout.
On arrête d'en parler.
Jona ne lâche pas le morceau.
- Ta mère ?
- Mais non, Maud ! Oh et merde ! Laisse tomber, je t’ai dit que je veux pas en parler.
Il lâche enfin l’affaire.
- Ah les filles…, soupire-t-il. Parfois, tu sais, les hommes c'est mieux.
- Même bourré comme un coing, les hommes c'est pas mon truc. Sorry, man.
- No problem. Je dis ça dans le cas où tu changes d'idées, me dit-il avec un clin d'œil appuyé.
- C'est ça… tu peux rêver mon pote. J’ai plus de chance de sortir avec elle que de me faire un mec.
Pars avant d'en dire trop.
Je me lève tant bien que mal du fauteuil.
- Je vais vous laisser, la télé et toi. Merci encore pour les verres.
- Avec plaisir. A domani.
- Tu rigoles ou quoi ? Demain je suis encore off. J'ai négocié pour, alors on se revoit pas au taf avant lundi.
- Ok.
Je frappe mon poing contre le sien et retourne dans mon appartement. Il faut vraiment que je dorme. Entre les voyages express et la nuit précédente, je n'ai pas beaucoup de sommeil à mon actif.
Je ne prends même pas la peine d’allumer la lumière. Je retire mon pantalon et mon t-shirt avant de m’écrouler sur le lit. Je sens une odeur agréable. Je lève légèrement la tête. C’est le T-shirt de Maud.
L’odeur de Maud.
Je chope le tissu et le porte à mon nez. Je sniffe comme si c’était un rail de coke. Je me rappelle la douceur et l’arôme de sa peau. Et cette note d’agrumes, d’origine encore inconnue.
L’alcool et l’excitation prennent le dessus. Je glisse une main jusqu’à mon entrejambe. Je visualise le corps de Maud, du renflement de ses seins à la courbure de son cul. Je commence à me caresser doucement. Je repense à ses mains sur moi. Des souvenirs de ses gémissements et halètements envahissent mon esprit.
Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis branlé pensant à elle. Ce qu’il s’est passé hier et son odeur rendent mes fantasmes encore plus réels. Je laisse mes pensées vagabonder vers ce qui aurait pu se passer.
Je l’imagine nue contre moi dans la douche de mes parents. Je me rappelle la façon dont son corps s'emboîtait parfaitement avec le mien quand elle était dans mes bras contre le carrelage. Et cette fois, plutôt que de la faire descendre au sol, je l’aurais plaquée plus fort encore contre le mur. Enfoui ma tête dans le soyeux de ses seins avant d'en lécher un. Fait tourner ma langue autour de son téton comme elle avait l'air d'aimer ça dans la réserve. Ses doigts seraient venus agripper mes cheveux pendant que je l'aurais faite grimper aux rideaux. Et puis je l'aurais enfin embrassée.
Et tout en fouillant sa bouche avec ma langue, je l’aurais fait descendre contre moi pour qu’elle soit à la hauteur parfaite. Ses seins collés contre mon torse, je l’aurais pénétrée délicatement. Le plus doucement possible pour profiter de la sensation de son sexe qui se serait dilaté au passage du mien.
Une fois pleinement en elle, j'aurais serré son cul dans mes mains. Je serai ressorti très lentement pour mieux prendre de l'élan avant de la prendre d'un coup. J'aurais recommencé ça une fois ou deux avant qu’elle ne me demande d'accélérer. De la prendre plus vite, plus fort.
"Continue… Comme ça… C’est bon…"
Je me rappelle ses mots, sa voix, la chaleur de son sexe autour de mes doigts tandis que j'accélère le mouvement sur mon propre sexe. L'odeur de son T-shirt m'enivre encore plus que l'alcool.
Je l’aurais sentie se contracter à chaque coup de rein. Je l’aurais marqué comme mienne de mes doigts dans sa peau.
J’imagine l’entendre gémir et haleter.
"Oh… Zed… Zed…"
Maud….
Je gémis moi-même avant de me répandre sur mes draps. Je reste immobile jusqu’à ce que ma respiration revienne à la normale. J’attrape un mouchoir sur ma table de chevet pour m’essuyer au maximum.
La clarté post-orgasmique opère. Je suis un pauvre type : je fantasme sur ma belle-soeur. Je suis répugnant : je l’ai touchée dans la douche de mes parents alors que son fiancé était probablement dans la pièce d’à côté. Je suis lamentable : je suis fou de cette fille alors que c’est la copine de mon frère.
Je me déteste.
Je me roule en boule sur mon lit, le nez toujours dans son t-shirt avant de m'endormir.
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