Chapitre 9

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Maud est face à moi. Elle sourit innocemment.

  • Maud ? C’est toi ? Mais… Qu’est-ce que tu fais là ?

Je suis complètement paumé. J’ai déjà bu ? Non. Alors je rêve.

  • Bonjour à toi aussi. Et pour répondre à ta question, je suis là pour toi.

Elle a repris ma formulation. La phrase que je lui ai dite la nuit où on a dormi ensemble.

  • Pour moi ? je répète.

C’est une blague ? Apparemment pas. Elle hoche la tête. J’ouvre la porte en grand.

  • Rentre, je lâche.

Je lui laisse à peine le temps de franchir le seuil que je referme la porte. J’ai besoin de savoir.

  • Comment ça, tu es là pour moi ?
  • On n’a jamais eu notre discussion…, plaisante-t-elle.

Je lâche un soupir. Alors la voilà, la raison de sa venue. Elle veut me donner toutes les raisons pour lesquelles elle a choisi mon frère.

  • Honnêtement Maud, là je suis pas d’humeur.

Je la vois tressaillir mais je m’en balance. Elle ne se laisse pas démonter et reprend :

  • D’accord. Alors faisons autre chose. Qu’est-ce que tu faisais avant que je vienne te déranger ? demande-t-elle.

Sérieusement ? « J’allais me bourrer la gueule si tu veux savoir, ma belle. »

Non, on va éviter de lui dire ça.

  • Euh… je jouais.

Demi mensonge. Je jouais effectivement. Mais j’avais terminé.

  • Oh. Je peux jouer avec toi ?
  • Non. J’étais sur Heroes of the Storm alors à moins que tu aies un pc gaming caché dans ton sac, c’est mort.

Je la laisse dans l’entrée pendant que je vais m’assurer que les restes de mes méfaits de la veille sont bien à la poubelle. On ne sait jamais, des fois qu’elle voudrait me regarder jouer…

J’en profite aussi pour planquer son T-shirt sous la couette. Je m’assois ensuite devant mon pc. Je jette un oeil à la pièce. Tout est caché. Parfait.

  • Dis-moi… , commence-t-elle d’une petite voix depuis le salon. Sans vouloir abuser… Euh… Je n’ai pas encore pu vérifier s’il y avait de la place à l’hôtel du coin. Ça t’ennuie si je laisse mes affaires là pour le moment ?

C’est quoi ce plan ? Elle vient mais elle va à l’hôtel ?

Je roule jusqu’à la voir depuis ma chaise.

  • Sérieusement ? je demande.
  • Quoi ?
  • Tu comptes aller à l’hôtel ?

Elle fait la moue.

  • Bah, je t’avoue que je savais pas trop comment tu allais m’accueillir…

J’avais pas prévu de l’accueillir. Point. Maintenant elle est là et il faut que je gère. Comme à son habitude, Maud parle sans me laisser le temps d’en placer une.

  • Du coup, je savais pas si tu serais d’accord pour me prêter ton canapé. Je savais même pas si tu avais un canapé pour être honnête.

Aaaah Maud… T’es pas possible.

Je secoue la tête.

  • Bien sûr que tu peux squatter le canap’. T’es pas croyable ! Et comment t’aurais fait si j’avais dit non et que l’hôtel avait effectivement été plein ? je m’énerve un peu.
  • Je suis pleine de ressource ! assure-t-elle avec un demi sourire. J’aurais trouvé un truc. Au pire, j’aurais campé sur la plage, conclut-elle d’un ton moqueur.
  • C’est ça, je soupire. Tu caches une tente dans ta poche ? N’importe quoi… Allez, viens. Je te file des draps.

Je me lève et fouille mon armoire à la recherche de quoi lui faire un lit convenable. Je jette une couverture et des draps un par un sur mon lit en l’attendant.

  • Le canapé se déplie, au fait. Vire les coussins centraux et tu trouveras le mécanisme pour l’ouvrir.

Comme je ne l’entends pas à côté de moi, je me retourne pour savoir ce qu’elle fait. Elle est à la limite de ma chambre. Mais elle n’entre pas. On dirait qu’elle inspecte les lieux. J’ai bien fait de tout cacher.

  • Tu comptes rentrer ou bien ? je grogne.

Elle tressaille.

  • Pardon. Oui, oui, j’arrive. Merci.

Elle attrape les draps et sort en trombe. Je ferme délibérément la porte derrière elle. Je l’entends déplier le canapé. Je m'assois sur mon lit avant de me passer une main sur le visage.

Mais qu’est-ce qu’elle fout là ? Comment elle a trouvé mon appart ? Qu’est-ce que je vais faire d’elle ? Qu’est-ce que je vais faire tout court ?

Mon cerveau tourne à plein régime. Je réalise tout à coup que mon envie d’alcool s’est envolée. Tant mieux. Avec Maud dans les parages, c’est mieux si je ne me bourre pas encore la gueule. Encore que… Peut-être que ça achèverait de lui prouver qu’elle n’a rien à faire avec moi.

Au bout de quelques minutes, j’entends des voix venant de la pièce d’à côté. Et puis je l’entends rire. Je ferme toutes les applications sur mon PC et récupère mon téléphone avant de sortir de ma chambre. En ouvrant sur le salon, je découvre Maud assise en travers du canapé déplié. Elle porte le même T-shirt noir que chez mes parents. Face au canapé, un film tourne sur un ordinateur portable qui ne m’appartient pas.

Elle a bien ramené un pc donc…

Elle me lance un regard mi-gênée mi-heureuse.

  • Pardon, il est un peu tard. J’ai dormi dans l’avion alors je suis un peu décalée niveau sommeil. Tu veux que je baisse le son ? me demande-t-elle.
  • Je dors rarement avant 3h du mat’. Et demain je suis de journée. Donc non. Pas besoin.

Elle me sourit et se reconcentre sur l’écran. Avec son T-shirt trop grand, je vois ses jambes dépasser. Quelques centimètres de ses fesses aussi. Mais je sais que c’est purement innocent car elle est absorbée par le film. Je reste quelques secondes sur le pas de la porte de ma chambre à délibérer avec moi-même. Je ne me vois pas la laisser seule dans le salon. Non pas que j’ai grand chose à cacher, ça va juste contre mes habitudes : je vais toujours vers elle. En plus, je sais que si je retourne dans ma chambre soit je vais jouer jusqu’à ma prise de poste, soit je vais penser non stop à ses jambes et ce morceau de cul qui dépasse de son T-shirt et je ne dormirai pas plus. J’opte donc pour la dernière solution.

  • Je peux regarder avec toi ?
  • Bien sûr ! répond-elle, enjouée.

Même déplié, mon canapé n’est pas bien grand. Je pose mon téléphone sur l’accoudoir et m’installe à côté d’elle, à une distance que j’estime respectable malgré l’étroitesse de l’assise. A demi allongé, côte-à-côte, j’essaie de me libérer l’esprit et de me concentrer sur l’écran.

  • Sois pas vexée si je ne fais pas beaucoup la conversation, lui dis-je.
  • OK.

Plus le film avance, moins je la sens réceptive. Elle ne rit pas là où elle le devrait. Elle ne commente pas les scènes qui devraient l'enthousiasmer. Je me tourne discrètement vers elle. Elle dort.

Je me lève pour éteindre le pc. A la place, j’allume la télé, je branche mon disque dur externe et je lance une de mes séries. Je regarde distraitement l’écran. J’essaie de faire abstraction de la présence de Maud à côté de moi. Et pendant quelques épisodes, ça marche.

Jusqu’à ce qu’elle se tende et gémisse. Et pas du genre agréable à entendre. Comme une plainte craintive. Ça me rappelle sa réaction il y a quelques jours. Je ne sais toujours pas quels cauchemars elle fait, mais ça ne me plait pas.

  • Chhhh… Tout va bien. Ce n’est qu’un rêve, je souffle dans ses cheveux.

Doucement, je lui caresse le dos à travers son T-shirt. Elle soupire dans son sommeil et se détend. Je réalise que c’est la première fois que je vois son visage endormi. Innocent. Vulnérable. Qui me donne envie de la veiller. De la protéger.

L’autre nuit, chez mes parents, j’étais trop fatigué, puis trop préoccupé par sa détresse pour essayer de la regarder. Et d’un coup ça fait tilt dans ma tête. On a passé une nuit ensemble. Mais ce n’était pas une nuit anodine. Peut-être que c’est ça dont j’ai besoin ? Si je dors avec elle, juste dormir, peut-être que j’arriverai à la voir comme Thomas la voit ? Après tout, ce n’est pas si invraisemblable que des frères et sœurs dorment ensemble, non ?

J’éteins la télé. Je me décale ensuite aussi doucement que possible pour me rapprocher d’elle. Avec milles précautions, je remonte le drap et la couverture sur nos jambes. Je l’attire ensuite doucement contre moi. Par miracle, elle ne se réveille pas. Collée contre moi, je sens sa chaleur à travers nos vêtements. Elle est toute chaude. A part ses mains, bien entendu. J’avoue ressentir une tendresse démesurée pour elle à cet instant. Je pose ma tête sur la sienne et je ferme les yeux.

Allez… Endors-toi… Endors-toi toi aussi… Dis-toi que tu dors avec ta sœur…

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