Chapitre 10 - Partie 1
Biiiiiip. Biiiiiip. Biiiiiip. Biiiiiip. Biiiiiip. Biiiiiip.
Ooooooooooooooooooh, pas envie de me lever…
Je lance un bras en direction de ma table de chevet et mon coude rencontre quelque chose de mou. Je mets quelques secondes à me rappeler pourquoi j'ai dormi tout habillé, où je me trouve et avec qui.
Nous avons très certainement bougé durant la nuit. La couverture est à nos pieds et les draps sont tout emmêlés. Son T-shirt ne tombe plus de la même manière que la veille. Je vois tout de la pointe de ses pieds à la chute de ses reins. Une des jambes de Maud repose sur moi, à quelques centimètres de mon érection matinale.
Dommage que ça ne soit pas sa main… Légèrement plus haut…
Pendant que je me fais cette réflexion, je me rappelle pourquoi je me suis convaincu que je pouvais dormir ici. Et je réalise que ce n’est pas exactement ce à quoi un frère penserait.
Et merde… Fais chier…
Mon téléphone portable sonne toujours. Maud émerge et s’agite entre mes bras. Je me redresse légèrement pour atteindre mon portable. Pendant que je coupe la sonnerie, je sens Maud s’étirer contre moi.
- Bien dormi ?
- Pas vraiment, marmonne-t-elle d’une voix encore endormie.
Elle commence à se redresser alors je la serre contre moi.
- Tu peux rester si tu veux, tu sais, lui-dis-je d’une voix que j’espère assuré. Ça me gêne pas.
Je lui souris pour donner le change. Le regard flou, à moitié éveillé, elle semble chercher quelque chose dans mes yeux. Instinctivement, je passe une main dans ses cheveux et fais aller et venir mon pouce sur mon visage en gestes lents et doux.
- Ça prouve que tu étais bien dans mes bras.
Ça me frustre autant que ça me réjouit. Elle se décale malgré tout sur l’oreiller d’à côté. Elle se frotte les yeux et me dit tout en baillant :
- Désolée. Je me suis endormie devant le film hier. Je ne pensais pas que je me retrouverai sur toi et que ça te forcerait à dormir ici.
Trop mignonne.
Je ne suis pas resté parce qu'elle s'est endormie sur moi. Je l'ai mise contre moi parce qu'elle faisait un cauchemar. Je me garde bien de lui donner ces deux informations.
- C'est moi qui suis désolé pour le réveil. En même temps, il a sonné pour une bonne raison : je dois être au taf dans 30 minutes.
Et c'est l'excuse parfaite pour ne pas rester dans un "lit" avec elle et une érection.
Dormir avec elle pour la voir comme une sœur, c'est définitivement foiré.
Je sors du lit en camouflant la bosse entre mes jambes comme je peux et vais prendre des vêtements propres dans ma chambre. Mon armoire n’est remplie presque exclusivement que de chemises et de pantalons noirs ou gris foncé. Déformation professionnelle. Ça me permet aussi de gagner du temps dans ce genre de moment : j’attrape un haut, un bas, des sous-vêtements et zou. Pas de temps à perdre.
J’enfile le tout à la va-vite. Maintenant que je suis réveillé, mon estomac me rappelle que mon dernier repas remonte à hier après-midi. Tout en essayant de ne pas prêter attention à la jolie brune à demi nue au milieu de mon canapé, je traverse le salon et commence à sortir du lait, des céréales, du jus de fruit, du jambon, du fromage… Je pourrais avaler une vache. Le comptoir de ma cuisine est rapidement plein à craquer.
- Plutôt bol ou tasse pour toi ? je demande entre deux bouchées.
- Hum… ça dépend de ce qu’il y a à manger.
- Le contenu intégral de mon frigo et une partie de mes placards.
- Effectivement. Je vais prendre une tasse alors, rigole-t-elle en s’asseyant près de moi. Tu as réussi à dormir ? Je ne t’ai pas trop dérangé ?
- J’ai dormi comme un bébé, je la rassure. Si le réveil n’avait pas sonné, je serais encore sous la couette. Enfin, le petit bout que tu aurais daigné me laisser.
- Je trouvais que je faisais une bonne couette de substitution. En tout cas, toi, tu fais un assez bon matelas, me chambre-t-elle à son tour.
- Ouais… Merci.
Je fuis son regard. Elle ne devrait plus me dire ça. Rectification : elle ne devrait pas me dire ça. Et je ne devrais pas aimer qu’elle me dise ça. Je jette un oeil à mon téléphone. 10h50. Plus que 10 minutes. Nous mangeons calmement. Un ange passe. C’est elle qui rompt le silence.
- Zed, il faut qu’on parle.
Non.
- Je suis désolé, mais j’ai pas le temps.
- Zed…
- Vraiment ! Je dois filer au travail. Laisse ce qui ne va pas au frigo en plan quand tu auras fini, je rangerai en rentrant.
Je range mon bol dans le lave-vaisselle. J’enfile mes chaussures et récupère mon trousseau dans le vide poche.
- Au fait…, je commence en retirant une clé. Tiens, ça c’est la clé de l’appart. Quand tu partiras, tu voudras bien la mettre dans la boîte aux lettres ? Je ne suis pas au bar de toute la journée.
Elle me regarde d'abord en fronçant les sourcils, puis très vite elle se reprend et m'offre un sourire qui ne contamine pas ses yeux.
- C'est noté. Je ferai ça quand je partirai.
Je sens un truc bizarre dans sa manière de dire ça. Mais je ne sais pas quoi. La tristesse revient rapidement dans ses yeux. Je reste quelques secondes planté devant elle comme un con. Je ne sais pas quoi dire. Ni quoi faire. Avant je l’aurais prise dans mes bras. J’aurais déposé un baiser sur sa joue. Je lui aurais souris. Je lui aurais dit que j’étais content de l’avoir vue ou “A bientôt”. Aujourd’hui je ne sais pas. J’ai peur de perdre les pédales si je la touche. Mon visage est comme anesthésié. Et aucun mot pertinent ne me vient. Je ne pense pas que “Rentre bien” ou “Bon voyage” soit de très bon goût. Je n’ai pas non plus envie de m’excuser de ne pas vouloir avoir la discussion.
- Je… ferais mieux d’y aller.
Je ferme la porte et descends les escaliers deux par deux. Je n’ai pas envie d’être en retard. Et il faut que je mette le plus de distance possible entre nous. La bonne nouvelle, c’est que j’ai réussi à esquiver la conversation qui fâche. La moins bonne c’est que Maud s’en va.
Qu’est-ce que je raconte moi ?
C’est aussi une bonne nouvelle. Je devrais le voir comme une bonne nouvelle.
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