Chapitre 11 - Partie 1

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Je pousse la porte de la résidence et jette un œil à mon portable. 20h. Maud doit avoir atterri depuis longtemps. Elle ne m’a pas écrit pour autant. On a jamais aussi peu parlé depuis qu’elle m’a tiré les vers du nez. La journée et cette vérité me fatiguent. Je n’ai qu’une envie : me poser. Ou boire. Mais ma bouteille est toujours chez Jona et je n’ai pas eu le temps d’en racheter.

Je passe par ma boîte aux lettres pour récupérer la clé de mon appart. Pas de clé. Je balise pendant quelques secondes à l’idée qu’elle se soit trompée de boite. Mais ça ne lui ressemble pas.

Petit chat sauvage.

Une idée germe dans mon esprit et un frisson me parcourt. Je lève les yeux vers les escaliers.

Elle n’aurait pas osé… ?

Rassemblant mon courage, je gravis les escaliers. Tiraillé entre l’envie de les escalader 4 par 4 pour arriver au plus vite et l’idée de les monter le plus lentement possible pour percevoir un son, une voix… Quelque chose qui confirmerait mon angoisse.

J’arrive devant ma porte, dévoré d’appréhension. Le bourdonnement dans ma tête s’intensifie. J’écoute. Rien. Pas un bruit. Aucun indice sur la présence ou non de quelqu’un. Ma main tremble lorsque j’attrape la poignée. Elle n’est pas verrouillée.

J’entrouvre la porte. Une odeur de nourriture me frappe, comme si quelqu’un avait cuisiné il n’y a pas longtemps. Puis celle, plus surprenante, de lessive. Et au milieu de tout ça, il y a son odeur. Florale, sucrée, réconfortante. Et, ce soir, terrifiante.

Je pose un pied dans l’appartement. Mon regard tombe sur un étendoir planté en plein milieu du salon. J’identifie mes vêtements, ceux que j’ai balancés dans la machine hier, entre autres. Une machine que je n’ai pas lancée. Mais surtout, je repère une culotte rouge. Définitivement pas à moi.

Je tourne la tête, presque au ralenti et je la vois, elle. Assise, désinvolte sur mon canapé, un livre à la main.

  • Maud ? T'es encore là ?
  • Et oui…
  • Comment ça se fait ? Il y a des vols pratiquement tous les jours. Ça se passe comment ton retour ?

Elle pose son livre et me lance alors un sourire mi fier, mi ironique.

  • Ça, ça dépend de toi. Ça se passe comment la conversation qu'on doit avoir ?

QUOI ??

  • Comment ça "ça se passe comment" ? je gronde.
  • T’as cru que j’étais venue pour quoi au juste ? Tu me dois une conversation, Zed. Et je ne partirai pas sans l'avoir eu.
  • Ça risque de poser un problème pour ton travail, non ? je la défie tout en croisant les bras, amusé.
  • Pas quand on a la chance d'être consultante. Je peux travailler d'où je veux. J’ai tout mon temps, réplique-t-elle du tac au tac en adoptant la même posture que moi.

Et merde ! Elle a bien prévu son coup.

Je comprends tout à coup son sourire de ce matin. Elle n'a jamais eu l'intention de partir comme je l'imaginais. Un noeud se forme dans ma gorge.

En même temps, elle a raison. Qu'est-ce que t'imaginais, hein ? Qu'elle était venue pour une soirée pyjama et qu'elle allait repartir aussi sec ? Tu délires, mon gars. T'as oublié à qui t'avais affaire.

Je me pince l’arrête du nez pour me calmer.

  • Sans déconner, Maud, c’est pas le moment. J’avais pas prévu de faire ça.

J’avais pas prévu de devoir jongler entre mon envie d’elle et mon envie de Gin, tout en restant opérationnel pour le bar.

  • Qu’est-ce que tu avais prévu de faire ?

Ses intonations sont complètement différentes. Je l’ai intriguée.

  • Euh… j’allais enfiler un maillot et sortir nager, je mens.

C’est le seul truc à peu près crédible auquel j’ai pensé en si peu de temps.

  • Ça te dérange si je viens avec toi ?
  • Non. Fais ce que tu veux.

C’est pas comme si je pouvais t’en empêcher de toute façon.

  • J’espère que t’as un maillot parce que j’ai pas l’intention de faire du shopping.

Je suis pas tendre. En fait, je suis un vrai connard. Mais là, j’ai pas envie de la ménager. Le stress de la situation me donne envie de boire. Je n’ai pas bu depuis ma soirée avec Jona et j’en aurais bien besoin. Mais je n’ai toujours pas de nouvelle bouteille de Gin dans mes placards. Pas question d'en acheter ou de me bourrer tant que Maud est là. Donc, ma seule alternative, c’est de me bouger. Vite.

  • Euh… Ouais, ouais j’ai pris, me répond-elle. Donne-moi juste une minute pour me changer.
  • Magne-toi, j'ai vraiment besoin de me défouler.

C’est ça ou boire. Et avec toi ici, je ne peux pas.

Elle chope son sac et cours dans la salle de bain. Je me change dans ma chambre, prends une serviette dans mon armoire et revient dans le salon. Je n’ai pas envie d’aller nager. J’ai envie de boire. Elle revient au moment précis où cette pensée me frappe.

  • Allons-y ! dit-elle d’un ton enjoué.

C’est ça… Allons-y.

Je râle intérieurement et lui montre la sortie. Je prends mes clés dans le pot sur le meuble de l’entrée et je referme la porte derrière nous. Je descends ensuite les escaliers sans me retourner. Elle a voulu rester, elle assume. Là, ça va être marche ou crève.

C’était pas exactement prévu que je sorte mais tant pis. Je passe par la sortie de derrière. Je ne veux pas passer devant le bar. Jona et Matteo m'ont suffisamment chambré depuis ce matin. Je ne veux pas qu’ils aient de quoi commérer davantage.

On va aller à la plage habituelle. Elle n’est qu’à 5-6 minutes à pied. Ça sera très bien. Nager pour oublier. C’est moins bien que boire pour oublier. Encore que… ça dépend du point de vue disons.

Nous arrivons sur la plage et je ne ralentis pas. Je me déshabille sans m’arrêter. J’attends d’être à quelques mètres de l’eau pour faire une pause. Je dépose mes affaires sur le sable et retire mes chaussures. Je reprends ma marche sans un regard en arrière. Une fois que j’aurais commencé à nager, ça ira mieux. Au fond de moi, je le sais. Je ne veux juste pas me l’avouer. Le simple contact de l’eau froide m’éclaircit les idées.

Je ralentis un peu lorsqu’arrive le passage de mon entrejambe. Parce que, putain, elle est froide quand même cette flotte ! Et que bon, hein… je m’en sers pas souvent mais je les aime bien mes parties intimes…

Quand la température devient supportable, je me remets en marche. Je repère la bouée à laquelle je m’accroche habituellement et je plonge. Je pousse sur mes bras sous l’eau. J’avance autant que je peux. Puis je remonte. Je ne suis qu’à quelques mètres de la bouée. Je continue d’avancer vers elle et m’y accroche.

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