Chapitre 11 - Partie 2
Maud est restée très loin en arrière. Je lui fais signe de me rejoindre. Mais elle lève les bras en croix au-dessus de sa tête, alors je fais demi-tour. Lorsque je suis presque à sa hauteur, je lui crie :
- Tu viens pas ?
Elle secoue la tête et me répond :
- Tu as conscience d’être beaucoup plus grand que moi ?
- Et alors ?
- Et alors si je vais plus loin, je n’aurai plus pied, expose-t-elle.
Sérieusement ?
- Tu ne sais pas nager ? je la chambre.
Elle fronce les sourcils.
- Bien sûr que si, rétorque-t-elle. Mais s'il y a du courant, je ne suis pas sûre de savoir rentrer. Tout le monde n'a pas tes muscles…
Elle est pas croyable.
Je souris malgré moi. Après un soupir forcé, je lui tend une main.
- Allez viens. Moi j'ai pieds. Je te lâcherai pas.
Sa petite main froide vient se caler dans la mienne et je la tire vers moi.
Elle garde le bras tendu, maintenant une distance respectable entre nous. Ce qui est bien - c’est suffisamment loin pour que je ne fasse pas de conneries - et mal - c’est déjà trop proche pour que je n’en veuille pas plus. Si elle était plus près, ça pourrait partir en vrille. Très vite vu nos tenues. Je devrais déjà être en train de la repousser. Parce qu'on est sur une pente savonneuse. Et qu'on en a bien trop conscience l'un comme l'autre. Elle baisse subitement la tête et rougit légèrement.
- Ça va ? je lui demande.
- Zed…, commence-t-elle sans relever les yeux. Être près de toi… C’est… Tu me fais confiance ? demande-t-elle soudain en me fixant.
Tu me suçais il y a pas trois jours alors je dirai que oui…
Je garde cette réflexion pour moi-même et acquiesce. Elle prend alors ma main et pose mes doigts au niveau de sa gorge. Je mets quelques secondes avant de sentir son pouls. Il bat à 100 à l’heure.
- Ça, c’est l’effet que tu me fais. En permanence.
Elle me scrute. Guettant ma réaction. Sous mes doigts son cœur s’emballe. Elle me tue. Elle m’agace mais elle me fait fondre. Doucement, je laisse ma main dériver jusqu’à sa joue.
- Est-ce que tu me fais confiance ? je demande.
Elle acquiesce à son tour et je prends sa main libre dans la mienne. Je la pose délicatement contre mon propre cœur qui bat frénétiquement et continue :
- C’est l’effet que tu me fais depuis toujours. Ça et autre chose plus bas, avoué-je en souriant.
Que ceux qui ne l’ont pas vue nue me jettent la première pierre. Il faudrait être complètement asexué ou 100% gay pour ne pas bander en la voyant. Elle rit de ma répartie et reprend dans un souffle :
- Zed, tu sais très bien que c'est pareil pour moi…
Je m’attends à une de ses tirades mais elle s’arrête là. Nous nous regardons. Elle a moitié dans mes bras, moi luttant contre l’envie de l’y serrer davantage. Je ne comprends pas ce qu’elle me trouve. Je suis insignifiant. Bon ok, je suis pas super moche, mais je suis pas hyper canon non plus. Ses réactions, sa façon de me regarder me perturbe. J’ai envie de savoir.
- Mais… En fait, qu’est-ce que tu me trouves ?
- Tu es sérieux ? me demande-t-elle en s’écartant légèrement.
Elle me regarde comme si j’étais dingue. Et tout aussi rapidement, son expression change et elle me couve à nouveau des yeux.
- Oh Zed, murmure-t-elle en prenant mon visage dans ses mains. Comment est-ce que tu peux avoir une aussi piètre image de toi, ça me dépasse. Je voudrais…
Elle marque une pause puis pousse un petit cri de frustration, la tête en arrière.
- Rien qu’en entendant ta voix, j’ai le cœur qui s’emballe. Non ! se reprend-elle en redressant la tête. Même rien qu’en te regardant, j’ai le cœur qui s’emballe. Tu as pu le constater toi-même.
C’est pas faux.
Je la sens glisser dans l’eau alors je resserre mes bras autour d’elle. L’excuse parfaite pour joindre l’utile à l’agréable : je la colle encore plus à moi.
- Quand je te vois entrer dans une pièce, quelque chose en moi me dit : « le soleil est revenu ! ». Zed, je te l’ai déjà dit mais je te le répètes : tu me happes comme une tornade. Tu es mon champ gravitationnel.
J’entends ce qu’elle dit. Et je ne comprends toujours pas. C’est sa manière de me voir. Mais je ne vois pas ce qu’elle voit. Je ne comprends pas comment elle passe de ce qu’elle voit à ce qu’elle dit ressentir.
- Je ne vois quand même pas ce que tu me trouves, je lâche en me dérobant.
- Regarde-toi dans une glace, enfin ! s’écrie-t-elle.
Elle s’empare de mon menton et me force à la regarder. Là, elle est partie pour une tirade.
- Je suis totalement sérieuse ! continue-t-elle. Regarde-toi vraiment. Je voudrais l’espace d’un quart d’heure, non, non ! Même juste l’espace d’une minute que tu te vois à travers mes yeux. Que tu mesures la puissance de l’effet que tu me fais, que tu ressentes la violence de l’impact que tu as sur moi. Et pas que physiquement avant que tu te poses la question.
Ouais, et c’est bien ça le problème…
- Alors, voilà… J’ai compris que je ne suis personne pour toi. Que tu ne veux pas de moi, sous aucune forme et sous aucune condition. Et franchement ça me fait mal. Mais tu m’as posé la question, alors je te réponds, conclut-elle en haussant les épaules.
Elle pense n’être rien pour moi. Après hier ? Après la douche ? Elle n’est pas sérieuse ? Et si, putain ! Je le vois dans ses yeux. En même temps, juste après ce qu’on a fait, je me barre… Qui fait ça à quelqu'un à qui il tient ? C'est ma faute si elle s'est convaincue de n’être personne à mes yeux. Elle détourne le regard.
- Maud ?
Je déteste le fait de savoir que c’est moi qui l’ai mise dans cet état. Mais qu’est-ce que j’y peux moi s’il faut qu’elle ne soit personne ? Je n’ai pas le droit de l’avoir. Peu importe combien je la veux et combien elle me veut. Ça va au-delà d’elle et moi. Je voudrais pouvoir la garder. Et je n’ai pas le droit. Elle est fiancée à Nate.
- Maud, tu sais que tu comptes énormément pour moi.
Elle ne me regarde toujours pas. Pire, elle ferme les yeux. Fort. Elle n’est pas personne, bordel. Et je n’ai même pas le droit de lui dire. Alors je prends doucement ses bras, les passe autour de mon cou. Je l’attire doucement et confesse :
- Je ne peux pas dire plus mais… Enfin voilà, tu sais très bien que je t’adore.
Elle relève enfin les yeux et les plonge dans les miens. Je prends doucement ses jambes, m’en entoure la taille. J’essaie de faire passer toute la force de ce que je ressens dans ce geste interdit et dans mon regard. Tout ce que je ne peux pas lui dire. Ses yeux papillonnent sur les miens quelques secondes.
- Je sais, Zed.
Ce n’est pas ce qu’elle avait en tête. Elle ne fait jamais de phrases courtes. Elle est perturbée. Et moi aussi. Je n’aime pas les discussions à cœur ouvert où on se dit des choses extraordinaires. Même si au final, je n’arrête pas d’avoir ce genre de conversation avec elle.
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