Chapitre 14 - Partie 1
Le bar est déjà bien rempli quand j’arrive. L’odeur de sable et de sel des plages alentour se mêlent à celle de l’alcool et du parfum des clients. Jona m’attend derrière le comptoir. Son sourire concupiscent me gonfle d’avance. Arrivé à sa hauteur, je préviens :
- Je te jure que si tu me sors “Allora”, je démissionne.
Il éclate de rire. Je lui ai coupé l’herbe sous le pied.
- Je suis si prévisible. Dooonc, enchaîne-t-il en insistant lourdement sur le mot - un “va te faire foutre j’irai à la pêche aux info avec un autre mot introductif” assumé. Cette journée aux champs avec Maud ? Des folies à raconter ?
Je m’installe derrière le comptoir, balayant la salle du regard. La même ambiance de toujours, mais ce soir, j’ai un peu la tête ailleurs.
- Ouais… Elle m’a attaché à un arbre et m’a enduit de confiture avant d’invoquer une armée de fourmis géantes.
- Hum… Sexy, me chambre-t-il, pas dupe.
- Très. Je crois qu’il m’en reste dans le SIF.
- Tu veux que j’aille vérifier ?
- Va chier, je rigole malgré moi.
Il m’envoie un baiser exagéré et s’éloigne pour aller remplir deux pintes et les envoie en salle. Je secoue la tête et balaye la salle du regard. L’ambiance est bonne, bruyante mais pas encore infernale. Il revient à l’attaque et s’appuie sur le comptoir avec ce petit air de chat qui a flairé une proie.
- Mais sérieusement ? T’as croqué quelque chose… ?
- T’es vraiment en chien, ce soir…
Avant qu’il puisse me relancer, Matteo surgit du fond, visiblement de mauvaise humeur, son éternel torchon en travers de l’épaule.
- Hi. Just so you know, the women’s bathroom is still out of order. Don’t send anyone there.
- Got it.
Il hoche la tête, me tape l’épaule et retourne à ses affaires. Simple, carré.
Jona revient à mon niveau :
- Je finirai par savoir.
- Tu rêves.
- Maud me racontera.
- C’est ça, je soupire en levant les yeux au ciel. Bon arrête tes conneries. Laisse-moi bosser. Les cocktails vont pas se faire tout seul, je lance en attrapant une commande.
L’espace d’une seconde, je me demande à quel point ils ont pu devenir proches pour se faire ce genre de confidence. Et puis, je décide que je m’en fiche. Il ne s’est rien passé. Je n’ai pas de temps à perdre avec ces conneries. Les étudiants sont déjà là, les touristes ne vont pas tarder à déferler. Bientôt, il faudra enchaîner les verres sans lever les yeux.
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