Chapitre 16 - Partie 1

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Lorsque je rentre, l’appartement est plongé dans le noir. Le salon reste éclairé par la lumière des lampadaires à l’extérieur. Maud a déjà déplié le canapé et m’attend dans sa tenue de nuit. Pour que je lui ouvre mon coeur. Je lance ma sacoche contre un pied de la table basse, puis je m’assois dos à elle, en appui sur mes coudes.

  • Je ne sais même pas par où commencer… j’avoue en baissant la tête.

Je n’ai pas envie d’avoir cette discussion putain. Ça va faire remonter à la surface des tas de choses que j’ai essayé d’enfouir. Bon, ok, sans grand résultat. Mais c’est pour le principe.

Elle se rapproche de moi, passe ses jambes de chaque côté de moi et me prend dans ses bras par derrière. Elle essaie de me réconforter alors que je ne le mérite pas. J’ai honte. Je ne sais pas comment elle va réagir à ce que je vais lui dire. J’ai peur qu’elle ne soit plus jamais aussi proche de moi. Mentalement et physiquement. Je tire sur un de ses bras pour qu’elle quitte mon dos. Je l’aide à passer sur mes genoux et je la serre fort dans mes bras. Maud ne bronche pas. Elle reste assise et commence à me caresser le dos. Elle ne bougera pas. Elle est venue pour me dire que tout est fini. Elle ne le fera pas avant que j’ai tout balancé. Alors autant y aller franco et sans pincette.

  • Quand tu m’as appelé… Quand on a parlé…

Putain je deviens comme elle…

J’inspire et recommence :

  • Quand tu m’as dit que je te plaisais, la première chose que j’ai ressenti, ça a été du soulagement. Je me suis dit « Ouf ! C’est pas que moi. Elle aussi ressent quelque chose. ». Enfin tu vois, je me suis dit que j’étais pas un cas si désespéré si j’arrivais à plaire à une fille qui me plait aussi…

Elle ne dit rien alors je continue. On va aborder les points négatifs. Comme ça elle verra qu’elle fait le bon choix en épousant mon frère.

  • Après, comme je t’ai dit, si tu avais été avec un pote, j’en aurais rien eu à foutre. J’aurais vraiment tenté quelque chose. J’aurais essayé de te piquer à lui.

C’est pas comme ça que je vais lui donner raison de rester avec Nate. Il faut que je lui dise qu’elle doit se marier avec lui. Il faut qu’on s’oublie.

  • Mais là c’est pas le cas. T’es pas avec un pote. Et même si la douche l’autre jour, c’était…

La douche putain ! Je ne pourrai jamais oublier ça…

  • Enfin voilà tu sais très bien ce que je veux dire… La fidélité pour moi c’est sacré. Et là, c’est encore plus hors limite pour moi. Je ne peux pas encore poignarder Nate dans le dos. Tu comprends ?
  • Je comprends, murmure-t-elle avant de m’embrasser dans le cou. Mais là c’est différent.

Attends… Quoi ?

Je desserre un peu mes bras pour l’inciter à me regarder, mais elle ne me lâche pas.

  • Comment ça ? je souffle.

En quoi ça peut être différent vu que tu es venue me dire que tu vas épouser Nate ?

Mon cœur s’accélère. Je suis vraiment proche d’espérer à nouveau. Je ne peux pas me le permettre.

  • Parce qu’il sait, déclare-t-elle soudain.

Il sait. Il sait ? Oh putain !

Je n’ai pas le temps d’y réfléchir davantage car elle poursuit :

  • Enfin, il a toujours su que tu me plaisais. Je lui ai dit le premier jour où on s’est vu que t’étais super bien foutu. J’ai même plaisanté en disant que je m’étais trompé de frère…

Je l’interromps sèchement :

  • Si tu lui as dit les sentiments que tu as pour moi au début et ensuite plus rien, il l’a pris sur le ton de l’humour et il a déjà oublié…
  • Non, justement. Quand je te dis qu’il sait, il sait, me coupe-t-elle à son tour. Il a vu le suçon dans mon cou…

Putainputainputainputain

  • …et il a tiré ses propres conclusions, continue-t-elle. On en a discuté et…

Elle relâche mes épaules et me regarde.

  • Zed… C’est lui qui m’a dit de venir te parler pour mettre les choses à plat.

Mon cœur s’arrête. C’est là qu’elle va m’annoncer qu'elle n'est venue que pour ça. Pour tourner la page. Et aussi pour me prévenir de faire attention à la réaction de Nate la prochaine fois que je rentrerai. J’écoute. J’attends qu’elle prononce les mots fatidiques.

  • Que si on avait une chance d’être heureux ensemble, il ne s’y opposerait pas, conclut-elle.

Boum.

Quoi ?

Boum boum.

Une blague.

Boum boum boum.

C’est une blague.

Mon cœur cogne fort. Trop fort. Beaucoup trop fort. Putain je n’arrive pas à penser. Cette dernière phrase tourne en boucle dans ma tête. Nate sait. Et on a sa bénédiction ? Non. Impossible. Je ne peux pas y croire.

Je reste le regard perdu dans le vague un moment. Je sens Maud caresser mon visage. Elle passe délicatement ses doigts sur ma bouche. Elle pose son pouce sur mes lèvres. Je crève d’envie de sentir ses lèvres à la place de ses doigts. Mais il ne faut pas… Enfin, si. On peut. Mais on ne peut pas. Je suis perdu. Ma raison me dit qu’il n’y a plus aucun obstacle. Mais ma conscience me dit que c’est mal. Et là, Maud se penche sur moi. Je ne sens pas ses lèvres. Elle embrasse son doigt. Par-dessus mes lèvres.

On ne peut pas putain !

J’éloigne sa main et son visage de moi. Je la plaque contre moi et nous fais basculer, l’allongeant sur le dos sur le canapé. J’ai toujours sa main dans la mienne. Je la maintiens au-dessus de sa tête. Des pensées contradictoires se bousculent dans ma tête et aucune n’a le dessus.

Si… On peut.

Non… On ne peut pas. C’est mal.

C’est ce que tu as toujours voulu.

Ce serait le pire truc que tu aies fait.

Je libère sa main. En appui sur mes coudes, je prends son visage en coupe dans mes mains. Mon débat interne ne faiblit pas. Je fais doucement passer mes pouces le long de ses joues.

  • J’ai pas du tout envie de parler.

Tu as déjà fait pire… La douche, c’était pas rien.

Justement ! Il ne faut pas que ça dérape plus !

Allez… un peu plus, un peu moins, quelle différence ? Là, tu peux l’avoir toute entière.

Des scènes de mes fantasmes, les romantiques comme les sensuels, s’imposent à mon esprit. Mon hésitation disparaît peu à peu.

  • Tu ne peux plus dormir sur le canapé, lui dis-je en cessant mes caresses.

Elle devient livide. Je panique. Est-ce que j’ai mal interprété ses actes ? Est-ce que je me serai mal exprimé ? Je m’allonge à moitié sur elle, pour fuir son regard. Pour trouver le courage de parler plutôt que d’agir.

  • Tu dors avec moi ce soir, j’explique.

Encore une fois, j’annonce ça comme un fait. Comment est-ce que je pourrais la laisser sur le canapé dans ces conditions alors que je luttais déjà pour la ramener dans mon lit après l’avoir entendue crier dans son sommeil la nuit dernière ? Elle ne répond pas. Alors que je me demande à quoi elle peut bien penser, la seule réponse qui me vient, c’est Nate. C'est à ce moment exact que la culpabilité me rattrape. C’est une chose d’avoir envie de sa fiancée. C’en est une autre d’apprendre qu’on a sa bénédiction. Qu’on peut passer de l’autre côté du mur sur lequel nous tenons en équilibre. Même si techniquement il s'est déjà passé des trucs entre nous, il y a un seuil que nous n'avons jamais franchi. Pour une raison toute conne : le poids des répercussions serait trop lourd à porter. Pour elle, comme pour moi.

J’ai beau y réfléchir dans tous les sens, je ne vois pas comment ça peut ne pas finir mal. Nate, c’est son fiancé. Ils s’aiment depuis 4 ans. Même moi, je reconnais qu'ils sont heureux ensemble. Comment je pourrais briser la vie qu’elle a construite, ses rêves et ses espoirs juste par égoïsme ?

Mais pire que tout, Nate est mon putain de frère. Pas un ami que je considérerais comme un frère. C’est mon frère de sang. C’était mon frère alors que j’étais encore dans les couilles de mon père et dans les trompes de ma mère. Et même si j’ai quitté la maison très tôt, qu’il me tape sur le système ou que je ne suis pas toujours de son côté, c’est mon frère. Je ne l'ai jamais vu aussi épanoui que depuis qu'ils sont ensembles. Je n'ai pensé qu'à moi alors que lui est prêt à perdre son bonheur et toute sa vie avec elle rien que pour "nous donner une chance". Comment est-ce que j'ai pu être aussi égoïste pour le trahir, pour le blesser comme je l'ai fait ? Est-ce que je serai encore capable de me regarder dans une glace si je continuais de lui faire du mal en toute conscience ?

La réponse est simple : non. Je ne peux pas. Mes illusions se volatilisent aussi vite qu'elles sont venues. Il n’y a pas de place pour un nous dans la réalité. Cette vérité me meurtrit, mais, comme toujours, je ne laisse rien paraître. J'ai peur de la blesser, elle, si je retourne ma veste. Alors je reformule ma demande.

  • Juste dormir. Juste t’avoir contre moi. S’il te plaît.

Elle acquiesce.

Ouf.

Je glisse un bras dans son dos :

  • Accroche-toi.

Elle passe ses bras autour de mon cou et je la porte jusqu’à ma chambre.

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