Chapitre 27 - Partie 1

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Arrivés devant le bar, je coupe le moteur et je jette un œil vers la porte arrière du bâtiment. La musique pulse à travers les murs mais il n’y a personne. Tant mieux, Jona et ses questions peuvent bien attendre demain.

  • Suis-moi, je souffle.

Elle pige sans poser de question. On descend, sacs en main, et on file direct vers l’appart.

L’intérieur est baigné de cette lumière de fin d’après-midi qui glisse partout, douce et poussiéreuse. Je pose mon sac contre la porte. Je suis en nage, les épaules raides et les jambes un peu molles.

Je pose un baiser dans ses cheveux et dis :

  • Je vais me doucher. Je gère le dîner après.
  • Ça marche. Je vais regarder si j’ai des mails.

Elle disparaît vers le canapé et moi vers la salle de bain. J’évite de trop la regarder. Si je le fais, je ne vais jamais filer sous la flotte. Ma tête est lourde, mon t-shirt me colle au dos, et mes jambes commencent à tirer. Je referme la porte derrière moi. Enfin seul. Enfin au calme. J’adore être avec elle, mais ces petits moments où je suis tranquille, j’en ai besoin.

L’eau est tiède, presque froide au début. Je laisse couler. Je reste là, quelques secondes, à regarder les gouttes ricocher sur le sol. Je suis crevé, mais c’est une bonne fatigue. Un truc d’après-effort. Le genre qui veut dire : “c’était une bonne journée”.

Je repense à tout ça. Aux ruines. Aux foutues photos. À sa tête quand j’ai parlé de l’Italie. À ces mots qu’elle m’a dit quand on a fait l’amour…

Il n’y aura toujours que toi.

J’attrape le gel douche et me frotte sans vraiment y penser. Mon esprit reste encore focalisé sur ces 7 mots. Sur les remous que ça déclenche dans mon ventre. Je me rince, m’adosse contre le carrelage. Inspire. Expire. Encore.

J’ai envie d’oublier ce qu’elle m’a dit. Ces mots un peu trop absolus. Et en même temps, je veux m’en rappeler. Je veux y croire. Personne ne m’a jamais dit ça.

Je suis pas fait pour ce genre de trucs. Pour ces phrases-là. Pour ce qu’elles réveillent. Trop de trucs ont été anesthésiés chez moi. Par réflexe. Par survie. La plupart du temps, je préfère que ça cogne plutôt que ça touche. La léthargie émotionnelle, ça me va très bien. C’est simple. Mais elle ? Elle passe mes défenses comme si j’en avais pas. Un regard. Un geste. Et elle capte. Je ne peux pas feindre l’indifférence avec elle.

Et le pire, c’est que j’aime ça. Qu’elle me comprenne. Qu’elle me regarde comme si j’étais quelqu’un de fiable. De précieux. Je déteste le bordel que ça me fout en dedans, mais j’en redemande. Parce que j’ai jamais eu ça avant. Pas comme ça. Pas aussi vrai.

J’ai la gorge nouée. J’aimerais bien boire un verre. Juste pour faire redescendre. Pour lisser les contours. Faire un peu le vide. Ce qui s’est passé cet après-midi - cette absence de tremblements, de démangeaisons, malgré l’émotion -, c’était inédit. Mais ça n’enlève rien à mes problèmes. La vie c’est pas un conte de fée.

Je reste encore une minute dans la salle de bain. Pas juste pour me sécher, mais aussi pour me recentrer. Pour ne pas débarquer devant elle avec tout ça sur le cœur. Parce qu’elle le lira illico sur mon visage. Et puis, je sors.

Je passe devant elle, toujours en serviette, encore humide. Je dépose un baiser rapide sur sa bouche sans trop m’arrêter. Elle relève à peine les yeux. Je file dans la chambre.

Je l’entends aller dans la salle de bain alors que j’ouvre l’armoire pour prendre un short propre. Et là je tombe sur ses fringues à elle. En bordel sur l’étagère que je lui ai vidée. Elle n’a pas fini de tout installer.

Dans la chambre, je remarque aussi près du lit quelques chaussettes et sous-vêtements éparpillés au sol. Je les ramasse et, en repassant dans le salon, je vois qu’elle a aussi laissé ses affaires du jour au pied de la porte.

Ces petits désordres lui ressemblent, comme des traces de sa présence encore fraîche ici. Je rassemble le tout et les balance dans la machine à laver.

Puis, en scannant la pièce, je repère sa valise, ouverte dans un coin, près du canapé. Je m’accroupis près du bagage. Les vêtements sont sans dessus-dessous, ici aussi. Je les prends un par un. Un short, un débardeur, de la lingerie...

Je retourne à l’armoire, plie tout avec soin et je range chaque chose à sa place, sur son étagère. Ça me fait un drôle d’effet. De voir ses fringues là, au milieu des miennes. De les ranger dans ma penderie. Comme si c’était normal. Comme si c’était chez elle aussi, maintenant.

Je reste là un moment, appuyé contre la porte du placard. J’aurais jamais cru en arriver là. Partager un appart, une armoire… Surtout avec elle. Et contre toute attente, j’ai pas envie que ça s’arrête.

Elle est la seule pour qui je suis prêt à lâcher mon masque. Petit à petit, elle me force à sortir de la solitude que je m’impose. Je réalise que, si c’est elle, je ne déteste plus ça autant qu’avant. Sa présence est tellement mieux que ma zone de confort.

Je secoue un peu la tête, comme pour chasser le flot de pensées qui m’oppresse. L’envie d’alcool qui pourrait surgir à tout moment.

T’as un dîner à préparer !

Je remets la valise là où je l’ai trouvée, vide, et je me mets au travail en cuisine.

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