Chapitre 27 - Partie 3

12 minutes de lecture

Le film démarre : Comme un chef. Une comédie sur la cuisine. Je lâche un petit rire en coin. Faut dire que c’est pas banal qu’elle choisisse ça, alors qu’on vient juste de manger un bowl maison — pas vraiment étoilé, mais j’imagine qu’elle le voit comme ça.

Entre deux bouchées, je la regarde du coin de l’œil, curieux. Je capte son admiration pour ce que j’ai préparé. Les petits rires discrets qu’elle cache derrière sa cuillère. Je souris aussi. Est-ce qu’elle me voit comme Jacky, le chef bourru et talentueux, ou plutôt comme Joseph, le rigolo un peu perdu ? Peut-être un mélange des deux, à ma manière bancale.

A la moitié du film, les bols sont vides, abandonnés sur la table basse. Maud vient poser sa tête contre mon épaule. Je glisse un bras autour d’elle, pour l’inviter à se caler plus près. Elle ne se fait pas prier. La tête sur mon torse, sa main sur mon ventre, on continue notre visionnage blottis l’un contre l’autre. C’est presque une routine, cette façon qu’elle a de se lover contre moi comme si elle y avait toujours appartenu.

Je sens ses doigts, légers, qui commencent à explorer le creux de mes côtes, puis remontent sans hésitation sur mes pec. Je glisse une main sous son t-shirt, caressant sa peau, la douceur de ses courbes. Elle soupire et frissonne. Un parfum de yuzu monte à nouveau entre nous.

Je tourne la tête, nos regards se croisent, et je sais que ça va déraper. Et que, cette fois, je vais me laisser emporter.

Je l’embrasse. J’essaie de rester doux, de contenir mon désir. Mais ça ne sert à rien. Ma bouche agit sans me demander. Mes lèvres s’ouvrent et je la dévore. Elle répond avec une urgence contenue. Sa langue cherche la mienne, ses mains me tirent contre elle.

Elle se redresse sur ses genoux, se pose à califourchon sur moi. Je la laisse faire sans rien dire. Mais mon souffle s’accélère. Mon sexe se tend beaucoup trop. Tout mon corps hurle d’impatience. De frustration. Il en veut plus. Tout de suite.

Mes mains remontent sous son short. Je palpe ses cuisses, ses hanches, ses fesses. Putain de merde. Elle n’a aucun sous-vêtement. La chaleur entre nous devient palpable, presque électrique. Je voudrais m’enfoncer en elle tout de suite. Je me contente de la plaquer contre moi. Pour essayer de réduire la pression, mais c’est tout le contraire. Elle gémit, les jambes de part et d’autre de mes hanches. Et ça m’excite encore plus. Qu’elle ne se retienne pas, pour une fois.

Ses doigts gelés filent sur moi, comme s’ils cherchaient quelque chose d’enfoui sous la peau. Je ferme les yeux une seconde. Elle me touche avec une application fragile et affamée. C’est pas brusque, c’est précis, attentif. Et ça me retourne.

Je réponds sans réfléchir. Mes mains glissent sur elle avec une faim que j’essaie à peine de contenir. Je remonte son dos, ses flancs, les paumes bien ouvertes. Sa peau me brûle sous les doigts, comme si elle irradiait rien que pour moi.

Son haut dégage — je sais même pas comment. Je crois que c’est moi, ou elle, ou tous les deux, dans le feu. Peu importe. Ce que je retiens, c’est la seconde d’après : sa peau nue, lisse, veloutée, entre mes bras. J’ai envie de m’y perdre. De l’enrouler autour de moi. De la garder là.

Je bataille avec son short. Avec la ficelle qui le retient. Sérieux ? Ça va être chiant à enlever, ça. Mais elle s’incline en arrière, sexy comme pas permis. Mon cerveau se déconnecte. C’est mon instinct au commande.

Ma bouche se glisse dans la pente entre ses seins. Je respire son odeur. Amande, pivoine, yuzu. Je goûte sa peau. Je suce, lèche, aspire. Chaque centimètre me rend plus accro. Il paraît que la meilleure façon de se débarrasser d’une addiction c’est de la remplacer par une autre. Et ça, je signe tous les jours pour que ça soit ma nouvelle dose.

Tout à l’heure, je l’aurais peut-être repoussée. Mais là ? Comment je pourrais ne pas avoir envie d’elle quand elle me fait vibrer comme ça ? J’en ai besoin. De ses gestes, de son souffle, de son corps qui colle au mien comme s’il voulait s’y fondre.

Mes doigts finissent par avoir raison du nœud. Je la sens se redresser, assez pour que je puisse descendre le tissu le long de ses cuisses. Je le fais lentement, savourant chaque fraction de seconde où elle se dévoile un peu plus.

Elle me touche à son tour, cherche ma ceinture, et j’aide, je me soulève juste assez. Tout est fébrile, nerveux.

Elle se rassoit sur moi. Complètement nue. Elle bouge. Se frotte contre moi. Et puis, finalement je suis au bord de son sexe. Moite, soyeux, exquis. Ses hanches basculent et je la pénètre enfin. Je renverse la tête en arrière, étouffe un râle entre mes dents, parce que bordel, rien que ça, c’est déjà presque trop.

Quand je suis tout entier en elle, je perds la notion du temps. Son rythme est lent, profond, et c’est pire que tout. Parce que ce calme-là est trompeur. C’est pas lent parce que c’est doux. Mais parce que c’est chargé de tension, d’émotions. Chaque mouvement me fout un coup dans le ventre. Elle ondule, se tortille. Et moi, je suis là, tendu sous elle, à bout, incapable de la lâcher.

Je l’entends murmurer mon surnom, et je crois bien que je fais pareil. Chaque aller-retour me rappelle à quel point j’ai envie d’elle. Besoin d’elle.

Elle me chevauche, belle à crever. Je vois tout. Son corps dessiné à contre jour. Ses yeux plissés de plaisir. Mon sexe qui entre et sort du sien. Ses seins à peine affaissés sous leur poids qui tressautent à chaque coup de rein. Magnifique.

Elle se cambre, ajuste l’angle, impose un rythme qui m’arrache un grognement sourd, presque bestial. Je perds le fil. Cette fille… Ce qu’elle me fait… C’est la meilleure drogue du monde. J’arrête l’alcool si je peux avoir ça à la place. Je ne pense plus à rien. A part son sexe qui enserre le mien. Qui me pousse toujours plus haut. Il m’en faut encore. Je m’accroche à ses hanches. M’enfonce plus fort. Plus féroce. Plus loin.

Et là elle grimace. Pas une moue de plaisir. Non. Une vraie contraction, rapide, brute. Un signe de douleur pure. Un putain d’électrochoc. J’arrête tout. Je me retire.

  • Merde. Ça va ? Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que j’ai fait ?

Je me redresse un peu, le souffle court. Mon cœur martèle ma poitrine. Je me suis laissé emporter dans le feu de l’action. J’ai fait n’importe quoi. Je sens comme une merde.

Je pose une main sur sa joue, doucement, comme si j’avais peur qu’elle se casse, qu’elle me repousse. Elle garde les yeux fermés, respire fort.

  • Ça va, souffle-t-elle. C’est pas grave, c’est pas important.

Je reste figé. Une seconde. Deux. Trois. Et puis ça monte. L’incompréhension. L’inquiétude. Un peu de colère, aussi.

  • Quoi ? Comment ça c’est pas important ?

Elle pince les lèvres, détourne les yeux. Son corps est tendu, replié. Rien à voir avec la façon dont elle était juste avant. J’essaie de croiser son regard.

  • Maud, regarde-moi !

Elle hésite. Puis lève enfin les yeux vers moi. Se mord l’intérieur de la joue.

  • Bien sûr que c’est important, je reprends.

Elle ouvre la bouche, mais rien ne sort. Et ça me tord le ventre.

  • Ce qui compte, c’est que tu prennes du plaisir, finit-elle par dire, presque trop bas pour être entendu.

Je débande direct. Elle ne peut pas avoir dit ça. Cette fois, je suis vraiment en rogne.

  • Et tu crois que j’en prends en te faisant mal ? Putain, mais ça m’excite pas du tout, au contraire. Sérieux, j’en reviens pas de devoir te dire ça…

Elle baisse à nouveau le regard. Je m’interromps. Je suis en train de l’engueuler alors que c’est moi qui l’ai blessée. Je me demande pendant un instant si Nate l’a habituée à ce genre de chose et j’ai envie de gerber. Je ferme les yeux, pose mon front contre le sien et reprends le plus doucement possible :

  • Maud… Si quelque chose ne va pas, tu dois me le dire ! C’est pas une option. Pas avec moi. Ok ?

Elle ne répond pas tout de suite. Elle inspire un grand coup, puis elle souffle, lentement, comme si ça lui coûtait physiquement.

  • Je suis désolée.

Je secoue la tête.

  • T’as pas à t’excuser. C’est moi qui…

Elle lève une main, la pose sur ma joue et m’embrasse.

  • Ce n’est pas grave, répète-t-elle. Tu ne l’as pas fait exprès. Je ne veux pas que tu me regardes comme un petit truc fragile.

Je m’apprête à répliquer. Elle me coupe l’herbe sous le pied.

  • Mais ! continue-t-elle. J’ai entendu ce que tu m’as dit. Je te promets pas d’y arriver mais je vais essayer de te dire si ça ne va pas.

Je la serre contre moi. Sans un mot. Et puis je demande :

  • Qu’est-ce que tu veux faire du coup ? On peut remettre un film, aller dormir…

Elle se redresse, la bouche ouverte, ses yeux papillonnent sur mon visage. Un peu de panique, un peu de confusion.

  • Est-ce que tu as encore mal ? je demande.

Elle grimace et acquiesce imperceptiblement. Et soudain une autre idée, horrible me traverse. Qui lui donnerait une bonne raison de me laisser.

  • Est-ce que… Maud, est-ce qu’avant ce soir… Je t’ai déjà fait mal ?
  • Non ! s’écrie-t-elle. Non, jamais. J’adore que tu me prennes comme tu le fais. C’est juste que là… Je crois qu’on a été un peu trop fort, un peu trop vite, dit-elle avec un petit rire gêné.

Je prends sa joue dans ma main et je l’embrasse.

  • Je suis désolé. Tellement.
  • Hé… On a le droit aussi de se tromper, assure-t-elle en déposant un baiser sur mon nez. Ça serait pas juste pour les autres couples s’il n’y avait jamais aucun accro entre nous.

Je ferme les yeux en gardant ce contact. Comme si ça pouvait réparer quelque chose. J’ai envie de lui dire que je m’en fous des autres couples. Que si, je voudrais que ça soit pas juste. Que tout le monde soit jaloux parce que nous ça marche si bien.

Mais je comprends ce qu’elle essaie de faire. Cet humour, un peu mal placé, pour détendre l’atmosphère, c’est le genre de truc que je fais quand je ne sais pas quoi dire. Je lui souris, mais je sais qu’elle ne va pas bien. Qu’elle fait ça pour moi, pour que j’arrête de me sentir mal. Je joue le jeu malgré tout :

  • Je suis prêt à t’engueuler tous les jours pour les fringues que tu laisses traîner dans l’appart, si ça peut te faire plaisir, mais… Ce genre d’accro, j'en veux pas.

Jamais. Jamais plus.

Je plante ma tête dans son cou. Je sens son odeur, la chaleur de sa peau contre la mienne. Je tremble. Et là, c’est pas le manque. Je suis terrifié. Pas juste qu’elle parte, mais d’en être la raison. D’avoir cassé ce qu’on a. Parce que je suis trop con. Bourré d’habitudes toxiques. Incapable de faire les choses bien.

Je dis que je veux que notre histoire tienne la route hors du sexe, même même là, je fais de la merde.

Ses doigts glissent dans mes cheveux, parcourent mon cou et le haut de mes épaules. Je ferme les yeux. Je me concentre sur ses caresses qui effacent les secousses dans ma poitrine. Je dépose un baiser dans son cou, pour lui demander une nouvelle fois pardon. Pour me rappeler qu’elle est encore là. J’essaie de me convaincre qu’elle ne partira pas si je la lâche.

Je voudrais lui promettre qu’elle n’a pas à s’inquiéter. J’ai cette boule dans le ventre, cette crainte sourde qu’elle me repousse, qu’elle me dise que je suis égoïste, que j’ai été aveugle, trop centré sur mon plaisir pour la protéger de moi.

  • Je peux te ramener un doliprane, une bouillotte, un plaid, un thé…, je bafouille.

Je m’écarte à peine, juste assez pour la regarder dans les yeux. Son visage se fend d’un sourire fragile. Le soulagement qu’il provoque est négligeable. Toujours noyé dans la peur et la culpabilité.

  • Dis-moi, je murmure. Je ferai tout ce que tu veux.

Je me retiens de dire à voix haute ce que je pense tout bas : que j’arrêterais l’alcool - tout de suite, maintenant - si elle me le demandait. Mais elle ne peut pas le demander. Je n’ai pas le courage de lui dire. Et demain, le manque me fera sûrement changer d’avis.

Mais ce soir, je le pense. Parce que la perdre… ce serait pire que tout. Pire que de me battre avec l’alcool. Pire que d’être seul H24. Pire que de ne pas avoir d’avenir.

Si elle me quitte, tout ça s'abattra sur moi. D’un coup. Amplifié au centuple.

  • Je veux rester avec toi, souffle-t-elle. Et peut-être un doliprane.

Elle grimace encore. J’ai raison : elle a mal, mais elle essaie de me ménager. Je ne la mérite pas. Ce que je lui ai proposé là, c’est rien à côté de ce que je devrais faire pour réparer ce bordel que j’ai foutu. Mais m’occuper d’elle, c’est la moindre des choses.

Je l’embrasse sur le front, en prenant mon temps, pour qu’elle anticipe chaque geste. Je la serre à peine pour la soulever et je me lève. Quand elle serre ses jambes autour de moi, j’ai un putain de vertige. Elle s’accroche à moi, elle ne m’a pas encore laissé tombé.

Nus l’un contre l’autre, sans aucune excitation résiduelle, je marche vers la chambre. Je la couche avec soin, tire le drap sur elle, avec précaution et je file chercher un médicament.

Je le trouve sans difficulté dans le meuble de la salle de bain. J’en profite pour mettre un boxer. C’est con mais je me dis que ça peut lui montrer que je ne cherche plus de sexe. Que je vais la laisser tranquille.

Je passe par la cuisine récupérer un verre d’eau. Je ne sais pas pourquoi mais je lui ramène aussi un carré de chocolat. C’est sucré, réconfortant. Ça peut lui plaire. De toute façon, ça ne peut pas faire de mal, non ?

Je reviens dans la chambre. Elle n’a pas bougé, elle est toujours là, allongée dans le lit. Fragile, recroquevillée sous le drap comme si elle essayait de disparaître un peu. Ou de s’épargner. Je m’avance doucement, mes pas presque étouffés. Je me sens maladroit, de trop. Comme un type qui aurait bousillé un truc précieux et qui ose à peine le regarder en face.

Je m’arrête juste à côté d’elle. Je me tiens droit, tendu, les bras chargés comme un serveur trop zélé : le verre, le doliprane… et ce putain de carré de chocolat qui me semble maintenant complètement hors-sujet.

Je dépose le cachet dans sa paume, et mon cœur bat tellement fort que je suis sûr qu’elle peut l’entendre. Je reste planté là, au bord du lit, incapable de trouver la force de m’asseoir à côté d’elle.

Elle avale vite, me rend le verre, me remercie. Un merci qui me brûle la gorge parce que je me sens toujours aussi mal. Elle me demande une culotte. Je fouille dans l’armoire, les mains qui tremblent un peu. Je lui tends. Et puis je recule, parce que j’ai peur, quoi qu’elle dise, de lire dans ses yeux que tout est terminé. Que je suis un connard fini. Que je ne mérite pas son pardon. Ni elle.

Elle s’habille dans le lit, sous le drap et ça me fait flipper.

Est-ce qu’elle ne veut plus que je la regarde ?

Quand elle se tourne vers moi, je sens mes entrailles se serrer.

  • Viens avec moi, dit-elle.

Je m’assois sur le bord du lit, une jambe repliée sur le drap, l’autre par terre. Prêt à me replier dans le canapé, dans la pénitence ou dans l’insomnie.

Mais elle insiste, la main tendue vers moi.

  • Viens avec moi. Allonge-toi avec moi. S’il te plaît.

Ces mots… c’est comme une ligne de vie. Il y a quelque chose dans sa voix. Pas de reproche. Juste ce truc presque cassé, presque fatigué, qui demande pas grand-chose mais qui veut tout dire. Je la regarde, les yeux embués, et je ravale tout. Les larmes, la culpabilité, la honte. Je me surprends à vouloir croire qu’elle me pardonne vraiment, qu’on peut tenir, même si j’ai foiré ce soir. Elle a besoin de moi. J’ai besoin d’elle.

Je me couche à ses côtés. Je l’enserre, fort, comme pour lui dire que je veux ce qu’elle veut. Juste être là. Ensemble. Je sens son souffle chaud dans mon cou, ses mains froides contre mon torse, son corps qui se détend un peu contre moi. Je ferme les yeux, mais mon cœur ne ralentit pas. Il cogne fort, parce que j’ai jamais eu aussi peur de retourner à mon ancienne vie. Seul. Vide.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire YumiZi ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0