Chapitre 32 - Partie 2 (/!\Scène explicite)
***
Il fait sombre, la pièce éclairée uniquement par les réverbères de la rue. La première chose que je perçois, c'est la chaleur de l'air. Il est lourd, moite. Empli d'un parfum de sueur, de sensualité et quelque chose d'unique, d'enivrant. Un parfum qui est mon refuge. Et puis j'entends une respiration. Quelques gémissements aussi.
Je suis avec elle. En elle. Enfoui jusqu'au plus profond de son corps. Je balaie sa peau du regard. Ses cuisses larges et toniques, ses hanches qui se trémoussent au-dessus des miennes. Elle me chevauche, sans aucune honte, sa poitrine rebondissant au rythme de ses mouvements. Elle sait ce que j'aime, elle sait exactement comment me faire perdre la tête. Elle est si serrée, si chaude, humide… Je sens ses parois m'avaler à chaque pénétration. Un grondement m'échappe.
Tellement douce… Tellement bon…
C'est une satisfaction primale, une profonde justesse d'être en elle. De sentir son corps s'étirer pour m'accueillir.
- Regarde-moi, murmure-t-elle d'une voix rauque.
J'obéis. Je plonge dans ses yeux. Au fond, je vois tout : la confiance, la vulnérabilité, le besoin pur et absolu. J'en ai le souffle coupé.
Ses lèvres sont entrouvertes, luisantes et gonflées. Je vois son pouls battre dans son cou, un petit tambour frénétique juste sous sa peau. Il est en harmonie avec les battements de ma propre poitrine, un rythme sauvage et incontrôlé. Je ralentis, juste un instant, voulant tout ressentir, tout absorber. La friction, la façon dont elle danse au-dessus de moi, le léger tressautement de ses seins…
- Tu es là..., je parviens à articuler.
Ma voix n'est plus la mienne. Elle a été écorchée par tout ça, par elle. Par son absence. Elle sourit, un sourire lent et doux, comme un bonbon :
- Évidemment.
Je me redresse, mes bras l'enlaçant, la serrant contre moi. Mon nez trouve ce creux dans son cou, juste au-dessus de sa clavicule. Je ne l'embrasse pas. Pas tout de suite. D'abord je la sens, j'inhale ce parfum de fleur, de sucre, de feu. Entêtant, enivrant. Je ne sais pas depuis combien de temps je ne me suis plus senti aussi entier.
Ses mains se posent sur mon visage, ses pouces caressant ma mâchoire. Son toucher est doux, un contraste saisissant avec la violence de ce que je ressens.
Et puis ses jambes s'enroulent autour de mon dos, ses talons s'enfoncent dans mes fesses, m'attirant contre elle. Une pression encourageante. Alors mes lèvres s'activent toutes seules. Dévorent tout ce qui est à portée. Mes mains ne sont pas en reste. Je caresse, je presse, je palpe. Comme le drogué en manque que je suis.
J'empoigne ses fesses et je l'aide à bouger, la guidant dans ses va-et-vient. La friction est sublime. Chaque terminaison nerveuse de mon corps s'embrase, concentrée sur cette unique et glorieuse sensation d'être en elle. Ses parois se resserrent autour de moi, une étreinte douce et veloutée qui m'arrache un gémissement.
- Putain, c'est... T'es...
Je n’arrive pas à finir ma phrase. Les mots me manquent. Comment décrire la façon dont elle m’enserre ? Cette chaleur parfaite et enveloppante, la façon dont son corps semble connaître le mien mieux que je ne me connais moi-même ?
J'ai besoin de la goûter. Je tourne la tête, capture ses lèvres dans un baiser désordonné, désespéré. Ce n'est pas beau, doux ou tendre. C'est brut, instinctif, nécessaire. Ma langue écarte ses lèvres et je sens la pointe de ses dents me frôler pendant que j'explore sa bouche. Je la réclame, je la possède tout autant qu'elle me réclame et me possède.
Elle se cambre, ses doigts s'enroulent dans mes cheveux sur ma nuque, tirant juste ce qu'il faut. La légère douleur est exquise, une note aigüe dans cette symphonie de sensations. Mes hanches se soulèvent plus haut, plus fort. Elle me répond par un gémissement sourd, un son qui vibre dans sa poitrine et se propage jusqu'à la mienne.
Ses jambes se resserrent autour des miennes. Elle s'accroche, m'enfonce plus loin et je suis incapable de résister à l'appel. J’ai besoin d’elle plus que de ma propre respiration.
T'es à moi. A moi. A moi.
Chaque poussé n'est guidée que par ces mots. Je veux chacune de ses mèches de cheveux, chacun de ses souffles, chacun de ses regards… Sa peau, ses gémissements, son odeur de gâteau. Je ne laisserai personne d'autre les avoir.
Je sens combien elle se contracte autour de moi, une succession de pressions involontaires en accord avec celle qui monte en moi, dans une spirale infinie de plaisir. Ses sensations amplifient les miennes, mon plaisir décuple le sien.
Je suis possédé, animé d'une faim si intense qu'elle en est presque effrayante. Je saisis ses hanches, ma prise est possessive, imposant un rythme à la limite de la punition.
Mes lèvres se déplacent à nouveau sur sa peau. Cette fois jusqu'à cette zone où son cou et son épaule se rejoignent. Je ne peux pas m'en empêcher : je mords. Doucement au début, puis plus profond. Je veux y laisser une marque, une preuve qu'elle est à moi. Sa réaction est immédiate et intense. Elle tremble, et pousse un nouveau cri à mi chemin entre plaisir et douleur.
- C'est ça, je grince des dents. Juste comme ça.
Je sens le plaisir monter en moi, une chaleur intense m'envahir. Ce n'est pas qu'une sensation physique. C'est émotionnel. C'est la regarder et savoir, au plus profond de moi-même, que c'est ça dont j'ai besoin et qu'elle me l'offre encore et encore.
Mes mains épousent ses courbes, la retenant contre moi, sentant le subtil mouvement de ses muscles lorsqu'elle se cambre pour m'accueillir. Plus loin. Plus fort.
- Lâche-toi, je murmure à son oreille, mes lèvres effleurant la peau douce de son lobe. Laisse-toi aller. Laisse-moi te sentir.
Le monde extérieur n'existe plus. Il n'y a plus de ville, plus de chambre, plus de fenêtres, plus de lit. Il n'y a que ça. Qu'elle. L'infime espace entre nos deux corps. Je la garde toujours plus près, comme si je pouvais fusionner avec elle. Parce qu'on est pareil. Comme les deux faces avides et désespérées d'une même pièce.
J’ai la bouche sèche, les tempes qui battent, une chaleur de fournaise qui monte de mon ventre vers ma poitrine. Mes doigts s’enfoncent dans sa peau comme des putains de griffes. Je sens l’orgasme arriver – pas juste dans mon sexe, mais partout, comme si mon corps allait exploser par tous les pores…
***
Biiiip biiiiip biiiiip
Je reviens à moi dans un sursaut et éteins mon téléphone d’un geste rageux. Je ne rêve jamais. Mais cette fois, j’aurais aimé ne pas me réveiller.
8h30. Je me sens comme tous les matins depuis quelques semaines. Vaseux. Avec une boule dans la gorge. J’essaie de l’avaler mais ça passe pas. Ça passe jamais comme ça. Je me lève. Le sol colle un peu sous mes pieds nus. Faut que je me décide à laver. Mais pas aujourd’hui.
Tout de suite, c’est direction la cuisine. Pour le seule remède à ce noeud de merde qui me descend jusque dans le ventre. Gin.
Je prends la bouteille, un verre et je commence mon nouveau rituel matinal. Un premier verre pour le goût. Le deuxième pour effacer les tremblements. Le troisième chasse ce qui coince dans ma gorge. Et je finis par un quatrième, pour être sûr qu’il ne revienne pas. Je jette un œil à la bouteille. Presque vide. Alors je verse un cinquième, parce qu’aujourd’hui j’ai un rêve à oublier.
Je finis la dernière gorgée. Le feu me remonte de la poitrine jusqu’au crâne. Je remets le bouchon, fourre la bouteille dans le placard sous l’évier — il y a déjà deux cadavres vides qui me regardent. Faudra que je pense à les jeter un jour, mais pas maintenant. Je pousse tout au fond, entre les sacs poubelle et les torchons. L’odeur de l’alcool se mélange à celle de la lessive.
Ensuite, je me fais couler un café, brûlant, amer. Je me brosse les dents deux fois. J’essaie de pas croiser mon reflet dans la glace. Parce que je sais que ça changera rien : Daphnée verra que j’ai bu. Mais au moins je serai présentable pour tous les autres.
Quand j’arrive sur le parking derrière le bar, elle est déjà là, adossée à sa voiture, les bras croisés. On se fait la bise. Et elle attaque :
- T’en es à combien ce matin ?
Je fronce les sourcils, serre la mâchoire.
- Commence pas.
- “Commence pas” quoi ? Il est même pas 9h, Cédric !
- Lâche-moi, je marmonne en contournant le véhicule. T’as rendez-vous dans une demi-heure. Je me suis pas levé aux aurores pour qu’on arrive en retard.
- Retourne pas la situation contre moi, s’emporte-t-elle en pointant un doigt accusateur sur moi. On sera à l’heure. Mais je peux pas te regarder te bousiller la santé sans rien faire.
Tu ne peux rien faire de toute façon…
- Je veux juste t’aider, reprend-elle, plus calme. Explique-moi. Qu’est-ce qui s’est passé avec M…
- Tais-toi ! je la coupe en frappant le toit.
Je ferme les yeux, prends une inspiration trop grande.
Ne le dis pas.
- Je suis là pour t’aider, toi, j’explique entre mes dents. Tu crois bien faire mais c’est tout le contraire. Je veux pas en parler. J’ai pas besoin de ton aide. Je gère très bien tout seul.
- Comme tu veux, soupire-t-elle.
On ouvre les portes. On monte dans la voiture. Le silence s’installe, lourd de reproches muets et de malaise.
- Merci au fait, souffle-t-elle en allumant le contact. De venir avec moi.
- Je t’en prie. C’est normal.

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