Chapitre 32 - Partie 4

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[[ Disclaimer

Salut à tous ! Ce chapitre a mis un peu de temps à arriver, j’ai été pas mal prise par le travail ces dernières semaines. ^^" Merci pour votre patience et votre intérêt.

J’espère que vous apprécierez cette suite autant que j’ai aimé l’écrire.
Bonne lecture !]]

Ils finissent par se lâcher et Matteo se tourne vers l’équipe, Daphnée sous le bras :

  • Okay, I know tomorrow night is Team night ! But if everyone’s okay, I’d like to make a slight change of plan. We need to celebrate this ! I’ll bring champagne and all.

Anna lève un sourcil, un sourire en coin, et souffle à voix basse mais clairement :

  • Whatever. Champagne was the magic word for me.

Les mains dans les poches, je regarde l’équipe se taper dans le dos, échanger des poignées de mains, se réjouir, applaudir. Sans réussir à me joindre à leur euphorie. Je devrais me sentir soulagé. Fier, même.

Mais j’ai juste cette fatigue sourde, comme un poids dans la poitrine. J’ai fait ce qu’on attendait de moi. J’ai été là pour Daphnée quand elle avait besoin de moi. J’ai rempli mon quota de social pour la journée. Alors, sans un mot, je me retire. Direction mon appart, mon écran, mon alcool favori.

Heroes of the Storm m’accueille comme un vieil ami. Aucune question. Aucun jugement. Juste les coffres à ouvrir, les avatars à customiser… Je plonge dedans, laissant derrière moi la joie de mes collègues et ce que ça remue en moi. Je me concentre sur les touches sous mes doigts, sur la stratégie. Et la bouteille de Gin juste à côté de moi.

Quelques heures passent, des victoires, des défaites… La routine habituelle. Et puis je débloque un coffre. Parmi les récompenses, je reçois un skin de Tyrande. Une robe légère, scintillante. Style mythologie grecque. Blanche et dorée. Comme une robe de mariée revisitée. Ma gorge se serre.

Je ferme la fenêtre et tends le bras dans un geste réflexe. J’avale une gorgée. Si grande que je manque de m'étouffer. Le liquide me brûle la gorge, mais dans le bon sens. Le monde extérieur ne m’atteint plus. Les souvenirs réduits à un vague bruit de fond.

Un bruit sec me tire de ma plénitude. Trois coups brefs à la porte. Que j’ignore royalement, une main sur la souris, prêt à relancer une partie. Nouveaux coups, plus forts, plus insistants. J’hésite encore à faire le mort et puis les coups ne s’arrêtent plus. Et juste comme ça, je sais qui frappe.

L’envie de disparaître sous la couette me tente encore plus. Mais je me traîne jusqu’à la cuisine, gobe un bonbon à la menthe – tentative pitoyable de camoufler mon état en cinq secondes chrono – et j’ouvre.

  • Oui, Jona. Qu’est-ce que tu veux ?
  • Toi ! Quelle question ! réplique-t-il, tout sourire.

Il entre sans attendre l’invitation et s’écroule sur le canapé comme si c’était le sien — ce qui, techniquement, est le cas.

  • Mon lit est désespérément vide en ce moment, se plaint-il d’un ton tragique. Mon appart aussi vu que tu as décidé de ne plus m’accorder la moindre minute de ton temps libre…
  • J’ai pas…
  • Tututut ! me coupe-t-il, un doigt en l’air. Pas d’excuses. Je suis venu réclamer justice.

J’inspire à fond, me pince l'arête du nez.

  • Mais qu’est-ce que tu racontes encore ?

Il se redresse, prend un ton de consultant en entreprise.

  • T’étais avec Daphnée ce matin.
  • Oui et alors ?
  • Vous avez passé du temps ensemble.
  • Je l’ai accompagnée chez le notaire, je rappelle.
  • Vous avez ri ensemble.
  • Elle a ri, je le corrige, pas moi.
  • T’as souri ! persiste-t-il. Vous avez partagé tout ce que tu me refuses depuis des semaines ! Des semaines Cédric !

Il continue et déclame, plus dramatique que jamais :

  • T’as pensé à mon coeur ? A mon âme en peine sans toi ? Qui plus est en cette période de disette sexuelle ? Je pensais pas que tu étais aussi insensible. Je suis…
  • Bon, ok, stop ! STOP ! Qu’est-ce que je dois faire pour que t’arrêtes de jouer les adolescentes en crise et que tu te casses ?

Son air de chien battu disparaît instantanément, remplacé par un sourire chafouin que je ne connais que trop bien. Le sourire de quelqu’un qui sait qu’il a déjà gagné.

  • Tu viens à la soirée d’équipe demain.
  • Non, merci. Je suis pas…
  • C’était pas une question, mon chou. Tout le monde sera là. On fête la fin de l’ère Thierry. Tu vas quand même pas me laisser trinquer sans toi ?

Je ne dis rien pendant quelques secondes. Pèse le pour et le contre de lui dire “oui” tout de suite pour qu’il se barre et de me défiler au dernier moment. Ou de me faire porter pâle toute la journée.

  • N’y pense même pas, menace-t-il comme s’il avait lu mes pensées. Je jure devant Dieu, la Mer et toutes les plages du pays : je dégonde cette porte, je te trimballe sur mon épaule, comme un vulgaire sac à patates, mais tu viendras à cette foutue soirée d’équipe. En plus, j’ai toujours rêvé de t’emmener sur la plage comme ça, au soleil couchant… Ton cul juste à côté de mon visage… Quel rêve !

Pas une once de remords ou de doute dans ses yeux. Il le fera. Je le fixe, à moitié consterné, à moitié amusé.

  • Bas les pattes, serial fucker !

L’insulte taquine le fait à nouveau sourire. L’enfant pourri gâté revient à la charge :

  • Ma dai ! Le dis à personne mais c’est avec toi que je m’éclate le plus ! Viens ! Ce sera sympa. Ne me laisse pas tomber.

Et merde.

Je capitule dans un souffle :

  • Ok. T’as ma parole. Je serai là.
  • Aaaaaah ! Perfetto ! s’exclame-t-il en bondissant du canapé, victorieux. Tu vois quand tu veux !
  • T’es vraiment un connard.
  • Et malgré ça, tu m’adores. Est-ce que ça en dit plus sur toi ou sur moi ?

Je lève les yeux au ciel, bien décidé à ne pas lui faire l’honneur d’une réponse.

  • Ça va nous faire du bien de se lâcher, tu verras, renchérit-il. Toi et moi, la plage, la lune… Le cadre parfait pour t’attirer dans mes filets !

J’ouvre en grand la porte et lui indique la sortie.

  • Dégage, Jona, je râle sans pour autant réussir à dissimuler mon sourire.
  • Oui, chef.

Il s’exécute, satisfait comme un chat qui vient d’obtenir ce qu’il voulait.

  • A demain alors. Ou plus tôt, si tu réalises que je t’ai vraiment trop manqué… Ma porte et mon lit te sont toujours ouverts ! lance-t-il en passant le seuil.

Je flanque la porte derrière lui et me passe une main sur le visage. Quel chieur celui-là. Mais bon… Si je suis honnête avec moi-même, je dois reconnaître que ça me manquait malgré tout. Cette ambiance, sa drague plus proche de la taquinerie que de véritables approches. Peut-être que ça peut me faire du bien après tout. Ça ne peut pas me faire de mal, ça c’est sûr. Et puis, je descendrai d’autres bouteilles que les miennes. Ça fera au moins du bien à mon portefeuille.

Je retourne m'asseoir devant mon écran. Ma main sur la souris, prêt à relancer une partie. Puis le souvenir du skin me traverse l'esprit. J’appréhende de retomber sur un truc de ce genre. Y a peu de chance, mais quand même. C’est suffisant pour me couper net l’envie. Autant éteindre pour aujourd'hui.

Je repousse le bureau, roule jusqu'à la porte de la chambre. Je pourrais faire une session de sport. Ce que je n'ai pas fait depuis… bien trop longtemps. J'aimerais dire que c'est parce que le salon est dans un sale état, mais non. Le bordel est la conséquence, pas la cause. C'est même surprenant que Jona n'ait pas fait de remarque là-dessus. Et j'ai pas la motivation pour ranger. À ce stade, je ne suis même pas sûr d’avoir une tenue propre.

Je peux pas juste rester là à ne rien faire jusqu'à ma prise de poste. Il y a une tension dans mon corps. Une envie de bouger. Ça me surprend presque.

Je réfléchis encore quelques secondes et l'évidence s’impose : il y a la plage. Ça fait une éternité que je n'ai pas été nagé non plus. Ça pourrait me faire du bien… Je suis alcoolisé mais pas bourré. Il fait beau, on a passé les heures les plus chaudes. Ça ne craint rien.

C'est décidé. Je me lève, cherche un short de bain dans mon armoire – ignorant l'étagère vide qui me nargue quotidiennement. J'enfile le maillot, me rhabille et sors, serviette en main.

Le vent me claque au visage quand j’arrive sur le sable. Il n’y a presque personne. Juste quelques silhouettes au loin. Des touristes qui s’attardent avant la tombée du jour.

Je me déchausse, je laisse mes affaires en tas. Et je marche dans l’eau. Elle est froide. Vive. Presque agressive. Exactement ce qu’il me faut. Je plonge d’un coup, sans me donner le temps d’hésiter. Le monde disparaît dans un silence dense, liquide, parfait. Mes oreilles bourdonnent. Mon corps se contracte puis se détend. Je remonte, inspire, replonge. Encore. Encore.

Chaque immersion arrache un morceau de tension de mes épaules, de ma nuque, de ma poitrine. L'espace d'un instant, j'ai l'impression de n'être plus qu'un corps en mouvement. Un amas de chair qui respire. Qui ne pense pas. Qui ne ressent pas. Et c'est parfait.

Au bout d'un moment, mes muscles protestent franchement. Je paie cher ma sédentarité des dernières semaines. Mais je suis encore suffisamment en forme pour pouvoir reprendre une bonne routine si je le veux.

Si je le veux…

Je me laisse flotter sur le dos, yeux vers le ciel. Le jour bascule lentement vers le bleu du soir. Je repense à Jona. À son sourire insolent, ses phrases improvisées, sa capacité infernale à me faire sortir de mes gonds, comme si c'était son jeu favori.

Non… C'est son jeu favori !

Un sourire irrépressible me monte aux lèvres. Je me sens coupable de me sentir aussi… attendri ? Serein ? Je ne sais pas quel mot mettre là-dessus. Je sais juste que ça ne fait pas mal. Et ça, ça me gêne.

  • Quel con…, je murmure pour moi-même, sans trop savoir si je parle de Jona ou de moi.

Je ferme les yeux, me laisse porter par l’eau. Immobile. Le vent me caresse le visage. Les vaguelettes s’écrasent contre mes bras et mes jambes à intervalles irréguliers. Tout est silencieux. Je pourrais rester là des heures. Voire même m’endormir. Mais ça ne serait pas très sérieux. Alors je décide de rebrousser chemin.

Quand je sors de l'eau, je tremble de partout. Mais c’est un autre genre de tremblement. Un qui me donne l’impression d’être vivant, pas creux. C’est une bonne fatigue. Une fatigue propre. J’enroule la serviette autour de mes épaules, remonte la plage en essorant mes cheveux. Venir ici, ça n'a rien réglé – j'ai toujours envie de prendre ma ration de Gin en rentrant, je suis toujours en ruines –, mais j’ai gagné un peu de silence dans ma tête. Au moins jusqu’à demain… et cette foutue soirée d’équipe.

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