Tac-Tac
Ce texte est une sorte de prélude au suivant qui s'intitule "La récrétion des Ombres-Claires".
Charlie marchait depuis longtemps maintenant.
Tellement longtemps qu’il avait arrêté de compter.
Voilà aussi longtemps qu’il n’avait plus croisé personne.
Le silence commençait à coller à ses pensées.
Il n’entendait plus que le battement de son cœur chuchoter dans sa tête.
Un bam-bam régulier qui connaissait parfois quelques envolées.
Ce matin-là, car oui, Charlie avait peut-être oublié depuis combien de temps il marchait, mais il était certain que c’était le matin.
Il savait que c’était le matin car il avait très envie des tartines à la confiture de sa maman, avec un grand bol de chocolat chaud recouvert d’un nuage de chantilly saupoudré de sucre vanillé.
Ce matin-là, donc, Charlie avait l’impression que son cœur battait à contre-temps.
Il était triste.
Sa maman lui manquait.
Il aurait donné n’importe quoi pour se trouver dans son petit coin de la cuisine ensoleillée, à manger ses tartines et son chocolat chaud… recouvert d’un nuage de chantilly et saupoudré de sucre vanillé… en regardant sa maman faire la vaisselle de la veille au soir en chantonnant.
La voix de sa maman lui manquait. Sa douceur, sa retenue qui cachait parfois ses larmes. Son rire aussi, frais et envolé.
Charlie se sentait seul.
Il marchait depuis longtemps maintenant.
Tellement longtemps qu’il avait arrêté de compter.
Et à force, même le fait d’avoir arrêté de compter, lui semblait venir d’un temps oublié.
Las, il s’adossa à un mur en fermant les yeux, se concentrant sur le bam-bam de son cœur.
Il battait toujours.
Il était rassurant. Même si Charlie le détestait.
Mais il était là, et il était rassurant.
Il était sa seule compagnie.
Quand Charlie l’écoutait, il avait l’impression de pouvoir entendre sa maman.
Comme si c’était un bout d’elle.
Alors, les yeux toujours fermés, il respirait fort.
Et écoutait battre son cœur.
Fort.
Bam-Bam.
Bam-Bam.
Bam-Bam… Tac.
Bam-Bam… Tac-Tac.
Surpris par le bruit répétitif qui coupait sa petite méditation d’amour, il ouvrit les yeux.
Tac-Tac.
Le sol vibra.
Tac-Tac.
Les murs tremblèrent.
Tac-Tac.
Il se leva.
Il ne parcourut que quelques pas avant que le Tac-Tac se précise.
La lumière se fit plus forte.
Tac-Tac.
Elle envoyait ses rayons.
Tac-Tac.
Elle fit vibrer l’air.
Tac-Tac.
Charlie courait presque à présent, cherchant l’origine du son.
Il tourna au bout d’un couloir et se figea net.
Devant lui, au milieu de tout cet espace blanc, se trouvait une cour d’école.
Tous les enfants bougeaient, couraient partout. Mais Charlie n’entendait que le silence et cet éternel Tac-Tac. Les lèvres bougeaient dans un flot de paroles inaudibles.
Certains enfants couraient sur des lignes, sautaient des intervalles, se rangeaient pour s’exploser en riant.
Charlie tendait l’oreille pour essayer de kidnapper un petit bout de fête, un petit bout de joie.
Tac-Tac.
Il leva les yeux.
"Ecole des Ombres-Claires".
Cela lui semblait vaguement familier.
Ce portail en bois…
Il tendit la main pour le pousser avant de se retenir.
L’euphorie des enfants l’attirait et le terrifiait à la fois.
Cela faisait tellement longtemps qu’il était seul.
Il inspira et tendit la main vers le portail.
Quand il toucha le bois clair, le Tac-Tac résonna plus fort.
Il partit du portail, chatouilla sa main, courut dans son bras avant d’exploser dans son cœur.
Tac-Tac.
Charlie poussa le portail et pénétra dans la cour.
La cacophonie souffla en lui, déferlant comme une vague de sons trop grands pour son silence.
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