Chapitre 16 : Mia
Un battement, sourd, cognait contre mon crâne. Une douleur sourde, diffuse, irradiait lentement, réveillant ma conscience endormie. Je voulus bouger., mais mes poignets ne suivirent pas. Une matière froide, rugueuse, les encerclait. Je haletai, mon cœur accéléra. Un coup. Deux coup. Puis j’ouvris les yeux, d’un geste brusque.
La lumière vacillait. Une flamme tremblante, posée sur une vieille commode en bois massif, dessinait des ombres déformées sur les murs. La pièce était sombre, petite. Ses murs, en pierre nue, transpiraient l’humidité. L’air, épais, sentait le renfermé. J’étais attachée.
Je tirai. Le bruit du métal fendit le silence, une chaîne, lourde, m’enserrait. Je baissai les yeux, des menottes d’obsidienne cerclaient mes poignets. Je les connaissais, un artefact ancien pour étouffaient la magie. Un vertige monta, la panique frappa à ma poitrine, mais je la refoulai. Un souffle, tremblant, court. Je devais comprendre. Comment étais-je arrivée ici ?
Je tournais lentement la tête. La pièce ne comportait aucune fenêtre, une seule porte, épaisse, en bois sombre, renforcée de plaques d’acier ternies. Un frisson me griffa l’échine. Des pas lents et lourds résonnèrent, précis, de l’autre côté de la porte. Je retins mon souffle. Mon corps se tendit, prêt à fuir sans échappatoire. La serrure grinça et la porte s’ouvrit. Il entra.
L’homme emplissait l’espace de sa seule présence. Une silhouette élancée, mais solide. Chaque pas, contrôlé, chaque mouvement, chargé de tension. Une force contenue, comprimée, prête à jaillir comme une lame qu’on libère. Son visage, taillé dans la roche, portait les marques du contrôle. Une mâchoire carrée, des pommettes hautes, un regard dur, froid, d’un bleu tranchant. Ses yeux, des éclats de glace. Deux pierres où ne logeait aucune chaleur. Aucun doute, juste une satisfaction glaciale, presque muette, quand il dominait. Ses cheveux, sombres, presque noirs, étaient repoussés vers l’arrière avec une précision presque militaire. Pas une mèche ne dépassait. Le front, dégagé. Le port de tête, fier. Rien n’était laissé au hasard. Tout, chez lui, respirait la maîtrise, le calcul, le pouvoir contenu dans le silence. Sa peau légèrement pâle, contraste avec l’ombre de sa barbe entretenue, soulignant davantage l’expression sévère qui lui est propre. Lucas. Mon père était là en face de moi. Il referma la porte derrière lui avec un calme calculé, me fixant de son regard perçant, ce même regard que j’avais appris à craindre dans mon enfance. Un sourire étira ses lèvres.
— Enfin réveillée.
Je ne répondit pas, me contentant de le fusilier du regard. Il s’approcha lentement, comme un prédateur savourant l’instant.
— Je t’ai manqué ?
Un ricanement amer m’échappa.
— Tu es toujours aussi pathétique, Lucas.
Son sourire s’élargit, comme s’il s’amusait de ma provocation.
— Et toi toujours aussi insolente. Mais ça va changer.
Il effleura les menottes de ses doigts. Je serrai les dents, refusant de montrer la moindre peur.
— Si tu crois que ça va suffire pour me briser…
— Oh, je ne vais pas te briser. Son regard se fit plus sombre, plus intense. Je vais te remodeler. Comme avant. Un frisson glacé me traversa.
— Jamais. Il se pencha vers moi, son souffle effleurant mon visage.
— Tu apprendras, Mia. Tu n’as jamais eu le choix.
Il recula, son sourire toujours ancré sur ses lèvres.
— Repose-toi. Tu en auras besoin.
Puis il tourna les talons sortit, refermant la porte derrière lui. Je restai seule, enchaînée, mais pas vaincue. Jamais. Je n’arrivais pas à dormir, je tentai de bouger, mais un cliquetis résonna dans l’air, suivi d’une tension brutale qui tira sur mes bras. Satané menottes ! Un frisson me parcourut, non pas à cause du froid de la pièce, mais de la sensation insupportable de vide en moi. Je sentais la magie en moi privé de se manifester. J’inspirai profondément, forçant mon corps à ne pas céder à la panique. Réfléchis... Le lit sous moi était dur, les draps d’un tissu fin et rêche. Les ombres dansaient sur les murs de pierre, l’air sentait la cire fondue et l’humidité. Je serrai les dents et tirai sur mes liens de toutes mes forces. Les menottes ne cédèrent pas. J’essayai encore, ignorant la brûlure du métal contre ma peau. Rien. Pas un millimètre de jeu. Je laissai retomber ma tête contre l’oreiller avec un soupir tremblant.
Ne panique pas... Un goût amer envahit ma bouche. Je ne pouvais pas me permettre d’attendre d’être sauvée. Je devais trouver un moyen de sortir d’ici moi-même. Je relevai la tête, mon regard balayant la pièce à la recherche d’une faille, d’un objet, de quelque chose à exploiter, mais tout avait été conçu pour empêcher une évasion. J’inspirai profondément, repoussant la peur qui rampait dans mon ventre. Ce n’est pas terminé. Ce n’est jamais terminé. J’ignorais combien de temps j’avais avant qu’il revienne, mais je devais être prête. Je voulais oublier. Je voulais tellement oublier... mais enfermée ici, privée de toute issue, mon esprit me trahissait. Les souvenirs m’assaillirent sans prévenir et soudain, j’avais quatorze ans de nouveau. « Agenouille-toi » Sa voix avait claqué comme un coup de fouet dans l’air glacial de la salle d’entraînement.
Je ne voulais pas obéir, mais je savais ce qui arriverait si je résistais. Lentement, je m’étais laissée tomber à genoux sur le sol de pierre, les mains tremblantes, le cœur battant à un rythme affolé. Lucas tournait autour de moi, un prédateur savourant la peur de sa proie. Je refusais de relever les yeux vers lui, mais je pouvais sentir son regard brûlant, son plaisir malsain face à ma soumission. « Tu as échoué. Encore » a-t-il dit. Je n’avais rien répondu. Les mots étaient inutiles avec lui. Un coup violent s’était abattu sur ma joue. Ma tête était partie sur le côté sous l’impact, une douleur vive explosant dans mon crâne. « Je t’ai posé une question, Mia » Ma gorge s’était serrée. Ne pleure pas. Ne lui donne pas ce qu’il veut. « Oui, maître » avais-je murmuré ce à quoi il avait répondu « Voilà une bonne fille » Sa main s’était glissée sous mon menton, relevant mon visage pour que je le regarde dans les yeux. Son sourire était cruel, satisfait. Il caressa ma joue meurtrie du bout des doigts, puis ils les avaient glissé jusqu’à ma gorge, serrant légèrement, juste assez pour que je sente la menace implicite. « Tu es à moi, Mia. Peu importe combien de fois tu fuis, combien de fois tu essaies de lutter. Tu es à moi. » J’avais fermé les yeux, souhaitant disparaître. Mais ce -jour là, j’avais compris une chose essentielle : tant que Lucas vivrait, je ne serais jamais libre.
Je reviens brutalement à la réalité, haletante. Mon corps était glacé, mon cœur battait si fort que j’avais l’impression qu’il allait éclater. Lucas n’avait pas changé ? Il m’avait retrouvée. Il comptait recommencer. Mais cette fois j’étais plus forte... du moins je devais l’être... j’espère l’être...

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