Chapitre 18 : Lucas

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Mia était réveillée, je le sentais. Assis dans mon fauteuil, un verre de vin à la main, j’observais la porte close de la pièce. Il était inutile d’aller la voir immédiatement. Elle devait assimiler. Réaliser où elle était, ce que cela signifiait. Réaliser qu’elle n’avait aucune échappatoire. Je prie une gorgée du liquide écarlate, savourant la brûlure qui glissa le long de ma gorge. Tout était en place. Gabriel avait ramené la magie, et Mia à nouveau sous mon contrôle. Le destin suivait son cours, tel que je l’avais toujours voulu.

Je restai immobile devant la fenêtre, les mains croisées dans le dos, le regard posé sur la forêt qui s’étendait à perte de vue. Elle paraissait paisible à cette heure du jour, baignée d’une lumière dorée qui trahissait pourtant une vérité plus sombre. Car juste derrière ces arbres, dissimulée sous l’horizon, se trouvait ce qu’il restait d’Ostaria. Des ruines. Des cendres. De la poussière. Un sourire étira lentement mes lèvres. J’avais tout anéanti. Chaque pierre, chaque souffle de vie, chaque souvenir. L’attaque avait été rapide, brutale, chirurgicale. Je les avais pris par surprise, frappant sans le moindre avertissement. Personne ne s’attendait à une telle offensive. Je me souviens encore de chaque cri, de chaque regard empli d’incrédulité, de peur. Ils ne savaient même pas qui j’étais, ni pourquoi je les réduisais en poussière. Et c’est précisément ce qui m’avait permis de frapper aussi fort. L’anonymat est une arme redoutable, surtout lorsqu’elle cache une ambition comme la mienne. Une ambition immense. Implacable. Et bientôt… elle deviendra réalité.

Je me levai lentement, ajustant les manches de ma chemise sombre, puis avançai d’un pas tranquille vers la porte. Derrière elle, je pouvais presque entendre son souffle irrégulier, son agitation. Elle asseyait de se libérer. Un sourire narquois étira mes lèvres.

— Ne perds pas ton temps.Soufflai-je en poussant la porte.

Mia s’arrêta net. Son regard noir se posa sur moi, empli d’une rage silencieuse qui me fit frémir de plaisir. Elle me haïssait. Tant mieux.

Je m’approchai, prenant le temps d’observer son état. Elle était attachée au lit, les menottes enserrant ses poignets fins. Ses longs cheveux en bataille cascadaient sur les draps froissés, et sa poitrine se soulevait rapidement sous l’effet de la colère. Magnifique.

— Tu as bien dormi ? Demandais-je avec un sourire faussement doux.

Elle ne répondit pas. Évidemment.

Je m’assis sur le bord du lit, effleurant du regard chaque marque de résistance sur sa peau. Son poignet gauche était rougi là où elle avait tenté de forcer les menottes.

— Tu te blesses pour rien, Mia. Ces entraves sont conçues pour neutraliser la magie et empêcher toute tentative d’évasion, mais tu le sais déjà, n’est-ce pas ?

Toujours pas de réponse. Mon sourire s’élargit.

— A quoi penses-tu ? A Gabriel qui va venir te sauver ? A James, ce pauvre idiot qui doit être en train de courir dans tous les sens à ta recherche ?

Son regard s’assombrit, mais elle resta silencieuse. Je penchai la tête amusé.

— Où peut-être… penses-tu à ce que nous avons vécu ensemble ?

Son corps se tendit immédiatement.

— Je vois, murmurais-je en caressant doucement sa joue du dos des doigts. Tu te souviens n’est-ce pas ?

Sa respiration s’accéléra, son regard brûlant de haine.

— Ne me touche pas !

Un rire m’échappa. Elle avait encore du mordant.

— Tu oublies où tu es, ma chère. Ici tu n’as aucun pouvoir.

Je me levai, la dominant de toute ma hauteur.

— Tu finiras par comprendre que ta place est avec moi. Que tu n’aurais jamais dû partir.

Je me penchai légèrement vers elle, mon souffle effleurant son oreille.

— Je vais faire de toi ce que tu aurais dû être depuis le début, Mia. Tu n’as plus le choix.

Elle serra les dents, ses poignets tremblant sous l’effet de la frustration. Je reculai, satisfait.

— Nous avons beaucoup de chose à rattraper.

Je sortis, refermant la porte derrière moi, savourant le sentiment de victoire qui m’envahissait. Mia m’appartenait à nouveau.

Mia m’avait tenu tête, comme je m’y attendais. Sa résistance était une forme de défi, elle avait toujours ce regard farouche, celui d’une personne qui refusait d’être brisée. Ça m’amuserait, de voir à quel point elle pouvait croire que sa volonté, seule, suffirait à la protéger.

Je la regardais, toujours attachée à ce maudit lit. L’obsidienne qui enserrait ses poignets semblait avoir un effet, bien qu’elle n’ait pas l’air prête à céder. Elle voulait me défier, me défier encore. Mais ce n’étais pas de sa volonté que je voulais me saisir. C’était de sa peur. J’avais une idée.

Je me dirigeai vers la pièce voisine. Une femme, ses traits étaient tirés par la douleur que je lui faisait subir depuis qu’elle était là, son visage pâle et marqué par des cernes profonds. Ses cheveux blond en désordre, collés à sa peau par la sueur froide qui perlaient sur son front. Son corps semblait affaissé, comme si l’énergie l’avait quitté, et ses bras étaient tremblants, faibles. Ses vêtements sales et déchirés par endroit émanait de la souffrance. Ses poignets enroulées de bandages sales. J’attrapai le bras de cette femme sans ménagement et la forçai à me suivre jusqu’à la pièce où Mia se trouvait. La voix tremblante de la jeune femme se fit entendre.

— Qu’est-ce que vous allez faire ?

Je la laissai se poser la question. Je fixai Mia, qui, bien que toujours réticente, ne pouvait ignorer le regard d’Émilie.

— Mia, dis-je d’une voix basse mais nette. Tu veux me voir utiliser des moyens plus… immédiats ? Ou peut-être préfères-tu épargner cette personne ?

Émilie s’agita dans ses chaînes, mais je la retenais. Je n’avais pas vraiment l’intention de faire souffrir cette femme, pas encore. Ce que je voulais, c’était que Mia choisisse, de son propre chef, de céder. Si Mia avait bien une faiblesse que je pouvais utiliser c’était sa compassion pour les autres, elle ne laisserait personne souffrir si elle peut l’empêcher.

— Mia, dis-je de ma voix glaciale. Cette femme ne t’a jamais fait de mal. Elle est innocente. Elle n’a rien à voir avec ce qui se passe ici, n’est-ce pas ?

Elle ne répondit pas et grimaça.

— Je pourrais lui faire ressentir une souffrance terrible qui sera la conséquence directe de ton obstination. Tout cela dépend de toi, Mia. Tu choisis. Soit tu fais ce que je te demande, soit tu laisses cette innocente souffrir pour rien.

Je fis un pas vers elle, mon visage se rapprochant du sien.

— Mais si tu ne veux pas de cela… si tu ne veux pas voir la souffrance d’une personne innocente, tu sais ce que tu dois faire. Alors fais-le, et tout sera fini. Je me contenterai de ta soumission, rien de plus. Alors qu’elle sera ta décision ?

Je la laisse réfléchir, observant les battements de son cœur qui s’accéléraient. La peur était là, je pouvais la sentir, et je savais que cette fois, elle ne pourrait pas lutter contre son propre sens de la justice. Le dilemme était simple : se soumettre à moi et protéger une innocente ou laisser cette dernière souffrir sous ses yeux. En ayant marre d’attendre plus je décida de prendre le couteau que j’avais sur moi et traça un trait sur le bras de la jeune blonde, ce qui fît hurler Mia.

Je savais qu’elle plierait sous la pression, cette jeune femme mal au point n’était rien qu’un outil pour moi, un moyen d’obtenir ce que je voulais.

— D’accord…

Je la fixa, un sourire cruel se formant sur mes lèvres. Je n’avais pas besoin de plus. Elle venait de me donner ce que j’attendais, et comme je l’avais prévu, la souffrance de cette inconnue avait fait ce qu’aucune menace, aucune pression, ne lui aurait fait : la forcer à céder.

— Je ferais ce que tu veux, mais épargne-là… dit-elle d’une voix presque inaudible.

Elle n’avait pas encore compris qu’elle n’avait pas d’autre choix, que ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle ne se soumette entièrement à moi.

Je m’avance lentement, un éclat de satisfaction brillant dans mes yeux. Je m’arrête juste devant elle, la dominant de toute sa hauteur. Ma victoire était totale, mais je ne voulais pas qu’elle croit que c’était terminé. Pas encore.

— Tu prends la bonne décision. Murmurais-je d’une voix douce, presque apaisante. Si tu veux que la femme survive, tu feras ce que je veux, et maintenant… tu vas m’obéir.

Je tendis une main vers elle, mes doigts effleurant sa peau, appréciant la tension, la réticence, mais elle avait encore ce feu en elle. Un feu qu’il fallait d’abord éteindre, puis lentement rallumer sous mon contrôle, mais pour l’instant, tout ce qui comptait, c’était qu’elle soit sous mon emprise, qu’elle accepte ma domination.

— Tu es mienne maintenant.

Un sourire triomphant se dessina sur mes lèvres. Tout allait se dérouler comme je l’avait prévu.

Un sourire subtil se dessina sur mes lèvres alors que j’observais Mia, plongée dans combat intérieur. Il savait que la scène se jouait comme avant, la même lutte, la même résistance infime qui finissait par céder. La beauté de cette danse était que je n’ai jamais eu à forcer le destin. Mia, toujours finissait par se soumettre.

Je ferma les yeux un instant, la scène du passé revenant à moi comme un écho lointain. Mia avait douze ans, tremblante et perdue. C’était une nuit froide dans son manoir. Le vent hurlait dehors, mais à l’intérieur, j’avais préparer un test pour Mia. Un test de loyauté, un test de soumission. J’avais fait venir dans mon bureau, un endroit qu’elle avait appris à appréhender. A cette époque, elle n’avait pas encore la maturité qu’elle pensait avoir. Elle était fragile, encore influençable, bien que brillante et curieuse. Je me suis servi de ses rêves et de ses ambitions. Ce soir là je l’ai poussé au bord du gouffre, pour l’obliger à faire un choix qui briserait son âme à jamais.

— Il est temps Mia. Tu vas devoir me prouver ta loyauté. Brûle toi ou alors je tuerai cette oiseau.

Elle avait pleuré, je m’en souviens parfaitement. Je pouvais voir ses larmes. Ses tremblements. Mais elle n’avait pas d’autre choix, elle prit le fer encore chaud que je lui tendais et son innocence parti en fumée lorsqu’elle le posa sur peau. Je l’avais observée, mon cœur se réjouissant du contrôle que j’exerçais sur elle. Elle avait plié sous ma volonté, comme d’habitude, son amour et sa compassion pour les autres était une faiblesse que je voulais lui enlever à l’époque. J’avais fini par rire et tuer cette animal devant elle.

— Tu vois Mia, c’est la leçon du jour, tu ne dois avoir aucune compassion, aucune retenue. Si c’est toi ou eux, tu dois te choisir.

Je me souviens qu’elle s’était effondrée après cela, à genoux, tremblante, et je l’avais laissée pleurer. Je l’avais laissée s’effondrer sous son poids. Je n’avais ressenti aucun culpabilité. C’était nécessaire. Elle devait comprendre que le monde n’était pas là pour la protéger.

Je reprends mes esprits, lentement, comme on revient d’un champ de bataille intérieur. D’un geste calme, je me resserre un verre de vin, le liquide sombre glissant dans le cristal avec une élégance presque théâtrale, puis je m’installe, droit, sur mon trône. Devant moi s’étend le fruit de mon œuvre, cette vision que j’ai portée, façonnée, imposée parfois par la force, parfois par la ruse. Chaque détail, chaque pierre, chaque souffle dans cette pièce porte la marque de ma volonté. Je contemple sans sourire, mais avec une fierté muette.

Je vais devenir le maître de ce monde. Ce n’est plus une ambition, c’est une certitude, bientôt, chaque être vivant pliera le genou. On prononcera mon nom avec crainte, avec révérence. On m’admirera autant qu’on me redoutera. Je ne chercherai pas l’amour du peuple, mais son obéissance, pas leur gratitude, mais leur soumission. Ils me contempleront comme on regarde une force inébranlable, une présence au-dessus des lois humaines et ceux qui oseront résister apprendront que même la rébellion a ses limites face à l’inévitable. Ce monde ne m’appartiendra.

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