Chapitre 20 : Lucas
Je retourne dans le cachot, là où Mia et Émilie attendent. Je leur ai laissé du temps, pas trop, juste assez, assez pour qu’un lien naisse, assez pour que Mia sente le poids, pas celui des chaînes non. Celui de la culpabilité, plus elle s’attache à Émilie, plus elle devient fragile. La peur ne suffit pas, il faut l’attachement, il fallait que je créait cette faille.
La porte grince quand je l’ouvre, Émilie détourne aussitôt les yeux comme une enfant trop fragile. Une enfant brisée, incapable de soutenir un regard, elle tremble faiblement. Mon sourire se dessine sans effort. Elle est pathétique mais Mia…Elle me regarde fixement, droit dans les yeux. Son regard, ferme, figé et résistant. Pas une ombre de peur, pas un battement de cils. Ce silence me provoque, elle pense encore pouvoir tenir. Je la vois cette lueur, faible, vacillante mais vivante. Une étincelle au fond de ses prunelles, un feu qui refuse de mourir. Un feu que je vais éteindre lentement. Je vais le consumer. Chaque pensée, chaque espoir, je vais tout réduire en cendres et quand il n’en restera rien, je la plierai, elle sera un pantin, rien de plus et cette fois, elle ne se relèvera pas.
Un pas, puis un autre. Le sol craque sous mes bottes, le silence pèse, lourd comme le fer. Je m’approche, sans me presser comme un poison qui glisse, comme une lame sur une gorge. Mes yeux restent rivés aux siens, son menton se soulève. Elle ne fuit pas. Courageuse ? Non. Stupide. Mon sourire s’étire, il racle les bords de mon visage, il annonce ce qui vient. Douleurs soumission et ruine.
Elle ne bronche pas, me regarde avec cette même défiance. Un rire silencieux monte en moi. Elle croit encore pouvoir lutter. D’un geste brusque, je saisis son visage entre mes mains, serrant juste assez pour que sa mâchoire se contracte sous la pression. Une grimace traverse ses traits. Parfait.
— Ce soir, tu vas endurer mille et une souffrances, murmuré-je d’une voix froide et calculatrice. Je vais te remodeler, t’endurcir... faire de toi quelqu’un de plus fort et surtout, de plus docile.
Elle ne répond pas mais je sens son corps trembler légèrement sous ma poigne. Elle ne l’admettra jamais, bien sûr, pourtant, la peur est là, tapie sous sa façade de résistance et cela m’exalte. Un frisson d’anticipation me parcourt. J’aime la savoir terrifiée, sentir ce pouvoir absolu que j’ai sur elle. C’est une douce mélodie qui me fait jubiler. Elle détourne brièvement les yeux vers Émilie. Une fraction de seconde comme si elle s’accrochait à cette raison, ce fragile espoir qui la pousse à se soumettre. Elle finira par comprendre. Ici, l’espoir n’existe pas.
Je la lâche brusquement, la laissant reprendre son souffle, avant de glisser une main dans ma poche pour en sortir un petit couteau. L’acier brille faiblement sous la lueur vacillante des torches. Ce soir marque le début de sa transformation.
— Je vais faire de toi mon arme, murmuré-je, mon regard froid planté dans le sien. Mon soldat. Tu apprendras à ne plus ressentir la douleur.
Elle me fixe, ses yeux brûlant de défi, mais je vois la peur poindre dans son regard. Oh, elle essaie de la cacher, de se montrer forte... mais je sais reconnaître les âmes sur le point de se briser.
— Oui, au début, tu hurleras, continue-je, savourant l’instant. Ce sera insupportable mais au fil des mois... tu comprendras. La douleur deviendra insignifiante.
Je marque une pause, me tournant vers Émilie. Un sourire glacial étire mes lèvres alors que mes yeux balayent son corps affaibli.
— Et n’oublie pas, Mia... si tu échoues trop souvent, c’est elle qui en paiera le prix.
Le sang de Mia se glace. L’horreur se lit sur son visage alors qu’elle comprend l’ampleur de ce qui l’attend.
— Tu es un monstre... souffle-t-elle, la voix brisée entre colère et terreur. Je souris, amusé par sa naïveté.
— Tu n’as pas encore idée à quel point.
Sans prévenir, je plante la lame dans sa peau. Un hurlement déchirant éclate, résonnant dans chaque pierre du cachot, peut-être même dans tout le château. Je prends mon temps, chaque coup est précis, méthodique. J’attends, laisse la douleur s’imprégner en elle avant de recommencer. Je veux qu’elle ressente chaque blessure, chaque lacération, jusqu’à ce que son corps comprenne ce que son esprit refuse encore d’accepter. La douleur ne la quittera plus et bientôt, elle ne sera plus qu’un souvenir Mia tremble sous mes coups, son souffle saccadé se mêle à ses gémissement de douleur, pourtant, elle ne supplie pas. Pas encore. Elle s’accroche à ce reste de fierté, à cette illusion qu’elle a encore une forme de contrôle sur ce qui lui arrive. Je la laisse reprendre son souffle, essuyant distraitement le sang sur la lame.
— Tu es plus résistante que dans mes souvenirs, soufflé-je avec un sourire carnassier. C’est presque décevant... mais prometteur.
Elle relève à peine la tête, ses mèches collées à son visage trempé de sueur. Son regard, bien que voilé par la souffrance, brûle encore d’une étincelle de défi. Je pourrais presque en rire.
— Tu veux toujours jouer à ça, Mia ? Tu crois encore que tu peux me tenir tête ?
Elle ne répond pas mais je vois sa mâchoire crispée, la tension dans ses épaules. Elle essaie de ne pas me donner satisfaction, de ne pas montrer qu’elle est au bord de l’effondrement.
— Très bien, faisons un test.
Je me redresse et tourne lentement la tête vers Émilie. Son corps frêle est déjà à bout, ses chaînes tintent faiblement lorsqu’elle tressaille en me voyant approcher. Elle sait ce qui va suivre.
—Non... Murmure Mia, une supplique dans sa voix malgré elle.
Je souris. Voilà ce que j’attendais.
— Je t’avais prévenue. Chaque erreur a un prix.
Je lève le couteau, observant avec satisfaction l’effroi se peint sur leurs visages mais je ne frappe pas tout de suite. Je savoure ce moment, cette attente insoutenable qui décuple leur terreur.
— Arrête... siffle Mia, la voix brisée.
Je tourne lentement ma tête vers elle.
— Arrêter ? Mais tu n’as encore rien appris.
Mia tire sur ses chaînes, ses poignets meurtris par le métal noir.
— Je vais t’obéir !
Ah.. Enfin. Je me redresse lentement, savourant ma victoire. Je reprends mes coups mais cette fois sans le couteau, elle me supplie de m’arrêter, et chaque supplication est comme une douce note de musique à mon oreille. Je pourrais l’entendre toute ma vie.
Je souris sadiquement en continuant de la roué de coups, mais des bruits de combats dans le couloir me firent arrêter. Des cris, des ordres aboyés, le fracas du métal contre le métal. Quelqu’un a osé s’introduire ici. Je serre les dents, sentant la frustration bouillir en moi. Qui aurait pu... ? Gabriel. Évidemment. Je Mia elle est recroquevillée au sol, son corps tremble, des secousses violentes, incontrôlées, ses bras enserrent son ventre, ses doigts griffent la pierre, à la commissure de ses lèvres, le sang perle, rouge et fin.
Elle lève la tête, ses yeux me trouvent. Elle me fixe, elle ose malgré la douleur, malgré ce que je viens de faire. La flamme est toujours là, faible mais vivante. Je la vois, je la sens. Elle me défie encore. Je m’accroupis face à elle. Froidement et fermement mes doigts attrapent son visage décidés. Sa peau est tiède et marquée.
— Ne te fais pas d’illusions, Mia, murmuré-je.
Ma voix est calme, basse et venimeuse. Je penche la tête, tout près de son oreille.
— Tu crois qu’il viendra ? Tu crois qu’il t’arrachera à moi ? Qu’il pourra prendre ce qui m’appartient ?
Je serre mes doigts, plus forts. Je l’oblige à soutenir mon regard. Qu’elle comprenne, qu’elle accepte.
— Tu es à moi.
Le mot claque, sèchement, sans appel. Mon sourire s’étire lentement. Il glisse sur mes lèvres, cruellement.
Je me redresse, mon corps s’éloigne du sien, pas mon emprise. Je sors les clés,, le métal tinte contre ma paume. Je m’avance lentement et me tourne vers Émilie. Ses yeux s’écarquillent et elle recule, autant que ses chaînes le permettent. Je m’agenouille et glisse une clé dans la serrure. Je fais durer le silence, le cliquetis des clés dans le cadenas est doux, précis. Je défais les chaînes, une à une sans un mot.
— Allez, lève-toi, murmuré-je en lui attrapant le bras d’une poigne de fer.
Elle ne réagit pas immédiatement, à peine consciente, mais je la force à se tenir debout.
— Où tu l’emmènes ? demande Mia, la voix éraillée par la douleur.
— Ce n’est plus ton problème.
Je me dirige vers la porte, traînant Émilie derrière moi comme une poupée brisée, et jette un dernier regard à Mia.
— Reste bien sage, Mia. Ce n’est que le début.
Puis je disparais dans le couloir, refermant la porte derrière moi.
Alors que je progresse lentement dans le couloir faiblement éclairé, le silence pesant est soudain brisé par des bruits étouffés en provenance de la chambre. Des froissements de draps, des coups sourds, et cette respiration précipitée, Mia se débat. Elle lutte contre l’inévitable, prisonnière d’un piège que j’ai moi-même méticuleusement tissé. Je m’arrête un instant, mon plan, aussi implacable qu’inhumain, est en train de porter ses fruits et j’en savoure chaque seconde.

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