IV

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 « Au fond d’une rue aux pavés égaux, lisses et impeccablement ordonnés, aux maisons pareilles, aux haies identiques et aux trottoirs entretenus, se trouvait un grand arbre, grand et vénérable. Il était là bien avant les Hommes, bien avant la ville, bien avant l’Histoire.

Mais depuis quelques temps il dépérissait. Depuis des années, après chaque hiver, il reprenait moins de feuilles sur ses branches. Certaines branches même ne reprenaient plus de couleurs.

Depuis quelques mois il avait fini de grandir. Dans le silence de son être, il venait d’entrer dans la dernière phase de son existence. Pourtant il restait là, à donner de l’ombre aux enfants les dimanches ensoleillés, il restait là à regarder passer chats, chiens, écureuils et renards. Il restait là à contempler la vie mouvante et la vie immobile sur et sous terre.

Depuis quelques semaines il se savait dépérissant. Il savait que dorénavant, une grande bourrasque pouvait le déraciner et par-là le tuer. Il le savait, pourtant il restait là. Il restait à vivre et à regarder le monde. Sentinelle de chair et de bois.

Depuis quelques jours il s’était aperçu que le temps avait changé. Le vent s’était réchauffé, les bourrasques étaient plus violentes ; une tempête sans précédent arrivait. Il avait peur de tomber sous le vent sur les enfants, sur les maisons, ou sur les chats et les chiens. Il avait vécu une partie de sa vie seul. L’Homme a déraciné ses compères l’un après l’autre lorsqu’il est arrivé. Il a remplacé l’herbe fraîche à ses pieds par des pavés et des briques.


 Pourtant l’arbre reste en place et il ne cultive plus qu’une pensée, mourir seul. »


 On a eu quelques soucis aujourd’hui sur la route. Non, en fait, un seul mais il a ouvert le bal de bien des péripéties. La charrette en tête de la caravane a buté contre une pierre et le bois de la roue avant droite s’est brisé. Il a alors fallu s’arrêté et réparé les dégâts. Malheureusement, cette première charrette n’était pas dans les mêmes dimensions que les autres, aussi, puisqu’elle n’avait pas une cinquième roue, de rechange, aucune des charrettes ne pouvait l’aider. Alors des bûcherons sont allés en dehors de la route chercher le bois nécessaire à la réparation de la casse. Cela a prit pas mal de temps, quatre heures je crois, pendant que le reste de la caravane attendait.

Des discussions s’entendaient ici ou là dans la file mais j’ai pu profiter du son calme et reposant de la forêt, des chants d’oiseaux, le vent dans les arbres et ici ou là quelques petits animaux fouisseurs. Il est ensuite arrivé quelque chose d’exceptionnel. Une famille de cerfs, biches et ses petits faons sont sortit des fourrés sur le bord de la route en voulant la traverser. Mais ils se sont retrouvés en plein milieu de la caravane, juste à la hauteur de la charrette dans laquelle j’étais. J’ai croisé le regard du grand cerf, il était autant étonné de me voir que moi lui. Ils se sont stoppé quelques secondes, je pense que c’était le temps de savoir s’ils étaient en danger ou non, puis, face à notre immobilisme commun, ils ont continué leur route entre les charrettes et ont disparus dans la forêt, de l’autre côté de la route. Ah oui, j’allais oublier de préciser que le cerf, la biche et les faons n’étaient pas bruns comme ils le sont toujours, eux, ils étaient d’un blanc hors du commun.

J’ai, je crois, entendu un Elfe murmurer que c’était le Roi et la Reine de la Forêt, mais je l’ai peut-être rêvé. Dans tous les cas, cela est bien arrivé, les bûcherons sont revenus des bois avec leur chargement et d’autres hommes manuels se sont attelés à faire ce qui devait être fait pour la roue cassée. Nous sommes repartis après.


 Avec le temps perdu, nous avons été surpris par la nuit avant d’arriver au prochain espace de campement. Il a été décidé de se poser sur la route dans l’état où nous étions et que demain nous ne ferions que le reste de la route jusqu’au campement pour ne repartir que le lendemain, reprenant ainsi l’idéal du chemin.

C’est alors avec beaucoup de fatigue, dû au tourbillon de pensées qui a animé mon esprit à la suite de notre rencontre du jour, que je suis allé écouter les histoires du soir. Mon tour reviendra vite il me semble.


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