Chapitre 1

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C’était un jour comme un autre.

Le soleil brillait haut dans le ciel comme cela se devait un jour d’été. L’herbe bien grasse et verte sentait bon la rosée du matin. Les fleurs s’ouvraient tranquillement. Les oiseaux s’éveillaient en pépiant.

Ce jour-là, un jeune garçon de 15 ans se promenait le long de l’eau, les mains dans les poches, le regard perdu au loin.

Il avait la peau pâle que même le temps passé dehors n’arrivait pas à foncer. Des yeux bleus qui parfois s’assombrissaient sous le coup de la concentration ou de la colère. Une chevelure brune qui lui arrivait aux épaules et dont les boucles encadraient un visage fin, un nez légèrement pointu, des sourcils touffus. Il était d’une beauté antique telle que l’on voit sur les anciennes gravures.

Sa carrure encore juvénile promettait force et assurance. Il portait une tunique beige, des chausses bordeaux, des sandalettes en cuir. Un lacet croisé entourait chaque bras du poignet au coude pour maintenir les manches longues et larges de sa tunique., les faisant bouffer au niveau des épaules

Autour du cou, un pendentif étoilé pendait et se balançait au rythme de sa marche.

Il était légèrement vouté comme s’il supportait un poids trop lourd pour ses épaules. A quoi pensait-il?

***

Ce matin-là, ma mère m’avait invité dans son boudoir pour discuter de mon avenir et de celui d’Euphor. Depuis deux ans, je suivais des cours à l’école des officiers, dans la section « ingénierie spatiale ». Entre les cours sur la stratégie guerrière, les entrainements au corps à corps et à l’arme ainsi que mes recherches au centre de recherche EuPal, je n’avais plus beaucoup de temps à consacrer à ma mère. Je ne la voyais que le soir au dîner ou lors des représentations officielles.   Mon père me mandait en fin de journée pour me donner conseils et leçons sur les affaires d’état. Ensuite, je sortais avec mon ami d’enfance et compagnon d’études, Pollux, pour retrouver d’autres camarades en ville : aventures sentimentales, découvertes des bars, discussions politiques étaient au rendez-vous, programme habituel des jeunes de la société aristocratique d’Euphor. Seulement, depuis quelques temps, les aventures étaient mises de côté au profit de la politique. Les jeunes voulaient refaire le monde à contrario de leurs parents qui avaient instauré la paix et qui se complaisaient ainsi malgré la guerre qui se déroulait dans la galaxie.

Je m’interrogeais sur le but de cette convocation à cette heure inhabituelle.

Ma mère était assise, très droite, derrière son petit bureau en noyer poli par les ans. Ses cheveux étaient relevés en chignon lâche, quelques mèches retombaient autour de son visage. Une fine couronne rehaussée d’un rubis reposait sur son front. Elle était concentrée sur l’écriture d’une lettre.

Dès que j’ouvris la porte, elle releva la tête et me sourit. Je pénétrai les épaules basses, les mains ballantes le long du corps.

– Mon fils, comme je suis heureuse de vous voir ce matin. Comment vous portez vous?

– Bien mère, lui répondis-je laconiquement. Vous souhaitiez me demander quelque chose?

– Oui, je souhaite vous faire part d’un projet.

– Je vous écoute.

– Assieds-toi.

Elle croisa ses doigts devant elle, les coudes légèrement posés sur le bord du bureau. Je fus étonné de ce tutoiement subit mais n’en montrai rien. Elle ferma les yeux un instant pour se concentrer.

– Comme tu l’as appris en discutant avec ton père, la galaxie subit en ce moment des violences de la part du dirigeant de Stykades. Nous souhaitons amener des discussions pour calmer ses envies de belligérance et avons déjà envoyé des émissaires. Véga a une fille en âge de se marier. Il vient de proposer une alliance entre nos familles pour conclure la paix. Il souhaiterait aussi unir nos efforts scientifiques dans l’avancée technologique des robots.’

Je haussai les sourcils, en attendant la suite. Mais ma mère se tut et me regarda.

– Vous souhaitez que je me marie avec Végalia?

La reine hocha la tête

– Avant cela, il y aura plusieurs rencontres afin que vous puissiez faire connaissance. Tu l’as déjà rencontré il y a sept ans mais vous étiez trop jeunes pour vous en souvenir.

Elle hésita avant de continuer.

– Je ne veux en aucun cas te forcer. Si vous n’avez pas d’affinités, nous trouverons une autre solution.

– Viendra-t-elle sur Euphor ?

Je croisai les yeux de ma mère un instant avant de me lever et de me diriger vers la fenêtre. Je ne voulais pas montrer mon désarroi. Mon cœur était auprès de ma cousine. Comment pourrai-je envisager un mariage avec une étrangère, surtout la fille de l’ennemi du CIPUPCET.

Déjà petit, j’étais un garçon mélancolique, rêveur et à l’écoute des autres. J’agissais toujours pour autrui en premier, pensais rarement à moi-même. Je devais à ma mère et mes précepteurs les rares moments de détente car ils s’arrangeaient pour qu’aucun ami ne m’approche dans ces périodes là pour me réclamer mon aide ou mon attention. Même le roi d’Euphor devait respecter cet accord tacite.

Ma mère me connaissait bien. Elle savait que le Prince d’Euphor ferait en sorte que le mariage avec la fille de Véga aboutisse. Chaque annonce d’une planète conquise me rendait soucieux. J’insistais auprès de mon père pour que ce dernier autorise l’envoi de troupes pour aider les autres peuples mais le roi refusait toujours. Il jugeait que la construction d’un robot à l’effigie du dieu Fleed était suffisante pour rassurer la population. De plus, il estimait que la collaboration scientifique mise en place avec Véga pour ce projet renforçait la sécurité et le pacte de non-agression, signé des décennies auparavant.

Alors, je m’enfermais pendant mes temps libres dans le laboratoire du centre robotique et participais au plan de la construction de ce robot avec mon professeur Phytélios. J’avais accès mes recherches sur la conception du tableau de commandes. La seule concession que consentit mon père était que je serais le seul pilote de cette machine. Lorsque mon mentor avait dû retourner sur Pallas dont il était originaire, il m’avait confié la responsabilité du projet.

Je ne croyais pas que les négociations pacifiques aboutiraient vers une paix durable. Pas avec la violence utilisée contre les autres planètes. J’étais méfiant et restait discret sur mes impressions. Mon seul confident était Pollux, prince héritier de Pallas, planète encore en paix. Il partageait mes craintes et rencontrait la même réticence auprès de son père pour engager plus ouvertement un désaccord avec Vega.

– La première rencontre est prévue sur Pallas, répondit ma mère. Tu profiteras de ton séjour pour faire une rencontre officielle. Tu nous feras part de la suite du projet et nous continuerons les échanges sur Euphor.

Elle me rejoignit. Le boudoir donnait sur les jardins fleuris du palais. Dans la cour, ma sœur, Maria Grâce, petite fille de neuf ans, courait après un chien à long poils. Elle riait aux éclats, trébuchait, se relevait sans se préoccuper de salir sa robe. Sa gouvernante la rappelait avec forces gestes mais la petite fille n’en avait cure.

Posant la main sur mon épaule, elle sourit en voyant sa fille.

– Nous te demandons quelque chose de difficile mais sache que ton bonheur importe plus que les notions diplomatiques.

Je regardai ma mère et l’enlaçai.

– Je vous tiendrai au courant le plus vite possible.

***

Avant de rejoindre mes camarades, je fis un détour par le parc pour méditer sur cet avenir qui se profilait. Ma sœur était rentrée pour ses leçons matinales. Tout était calme. Les oiseaux s’éveillaient dans les arbres, le vent soufflait sur les feuilles. L’odeur des fleurs embaumait déjà l’air. La rosée du matin perlait sur les brins d’herbes. Je pris une grande inspiration. L’air froid pénétra dans mes poumons me sortant de ma torpeur.

Dès mon plus jeune âge, j’avais été éduqué afin de pourvoir au bonheur, à la protection et à la sécurité de mon peuple. Il était de mon devoir de faire le nécessaire pour le maintenir dans la paix. Euphor se voulait planète neutre. Mon père ne voulait pas s’ingérer dans les conflits interplanétaires. Mais pour combien de temps ? Le fait de lancer des négociations en vue d’un mariage entre les héritiers des deux peuples engageaient déjà Euphor dans le conflit. Pourrons-nous être épargnés ? Je ne voulais pas m’engager à vie avec une fille que je ne connaissais pas. Je faisais le doux rêve de trouver mon âme sœur. Cela serait-il possible avec Végalia ? Pourrais-je oublier qui était son père ? Mais si ce mariage permettait de sauver Euphor et les autres planètes, alors je le ferai. Mes sentiments importaient peu devant la raison politique.

Je redressai les épaules, ma décision prise et pris le chemin de l’université. Pollux m’attendait à la grille d’entrée.

– Ah Duke, te voilà, enfin !

J’avais reçu deux prénoms à ma naissance. Le premier était secret. Seuls mes parents et le mage qui m’avait béni le connaissaient. Je ne l’employais que pour accéder aux salles sensibles du palais et pour sécuriser certaines données sensibles des systèmes informatiques. Mon ami, pourtant proche depuis la petite enfance n’avait pas le droit de le connaître. Officiellement, j’étais Duke Fleed ou simplement Prince d’Euphor.

Il posa son bras sur mes épaules et changea de direction pour rejoindre le Centre de recherche.

– J’ai une proposition pour les plans de Grendizer. Je t’attendais avec impatience, mon ami.

– Attends, j’ai cours dans… Je regardai ma montrer et m’exclamai-je… dans 5 minutes. Cela concerne les voyages spatio-temporels et j’aimerais y assister.

– Oh, à d’autres, écouter ce vieux barbant d’Alphgar, c’est soporifique.

– Parle pour toi.

Pollux resta ferme. Je ne pus que le suivre. Je passai mon badge à l’entrée principale du Centre de recherche EuPal. Je me sentais chez moi dans ce lieu. Je parcourus les couloirs lumineux du Centre jusqu’à l’atelier de construction. Le projet Grendizer était énorme. Le concept, soucoupe-porteuse et robot, était une première dans la science. Il était en phase de finalisation et j’étais chargé avec l’aide de Pollux à la mise en place de la partie électronique de communication. Je voulais que le robot soit tout le temps connecté à sa soucoupe afin que le pilote puisse utiliser toutes les subtilités et toutes les armes présentes sur les deux engins. Ceci lui permettrait d’avoir une vue plus élargie sur le combat. Tout devait être opérationnel dans six mois mais j’espérais terminer plus tôt car les nouvelles extérieures étaient négatives et je m’attendais au pire.

Mon père avait associé Pallas et Stykadès dans ce projet. Leurs scientifiques étaient spécialistes dans des domaines particuliers. Ainsi, ceux de Stykadès avaient déjà construits des robots téléguidés à distance, capables de lancer des missiles et  de détruire en un souffle bâtiments et environnements. N’ayant pas une âme de guerrier ni les compétences nécessaires sur ce sujet, j’appréciais leurs efforts pour donner des armes offensives à Grendizer.

Pollux m’expliqua une nouvelle idée pour le fonctionnement du robot. Dans l’état actuel et malgré les commandes vocales adaptées, il n’était pas très mobile. Le pilote faisait bouger les membres grâce à deux manettes fixes mais les mouvements étaient raides, lourds et l’ensemble était peu malléable. Les plans du casque-viseur qu’il me présenta avaient l’avantage de donner au robot des directives par la vue. Des émetteurs fixés sur la tenue de combat enregistraient et rendaient instantanément les ordres données par le pilote. Si ce dernier tournait la tête, le robot faisait de même, s’il visait un objet et actionnait une arme, celle-ci allait directement sur sa cible.

Notre réunion dura jusque tard le soir. Nous modifiâmes les plans du casque pour intégrer des capsules neurologiques afin que le robot puisse aussi capter des instructions mentales. Ainsi, le pilote n’avait pas à se déhancher dans sa cabine pour faire les mouvements, il suffisait de les penser pour que le robot agisse en fonction de ce qu’il percevait.


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