Chapitre 7
L'université d'Euphor était située à l'extérieur de la ville, du côté ouest.
Elle était divisée en plusieurs bâtiments d'architectures différentes. Cet amas de structures donnait une allure assez hétéroclite au premier regard. Une grande arche en pierre accueillait les visiteurs. Elle était surmontée d'une sculpture représentant un dragon ailé, l'animal mythique, compagnon de Fleed au temps de sa splendeur.
Une grande rue partait de ce point vers le fond du campus. Un trottoir bordait chaque côté ce qui permettait aux étudiants d'accéder aux bâtiments. Au centre, une voie prioritaire permettait le déplacement des navettes autoporteuses.
Le premier quartier, accessible sur la droite de l'arche était réservé aux logements des étudiants. En face, on accédait aux bureaux administratifs et au restaurant.
Les quartiers suivants étaient organisés en corporation de formation : le génie civil, la magistrature, l'informatique, les sciences politiques, la recherche agricole, la médecine. Le dernier pôle était réservé à l'aéronautique. Une piste d'envol bordait la fin du territoire.
Le campus universitaire était un amphithéâtre de quatre étages. Dans la cour intérieure, un square avec une fontaine au milieu était le lieu privilégié des rassemblements estudiantins. Des tables et des chaises sous des arbres ombragés entouraient l'endroit. Des lampions éclairaient les différentes allées qui menaient aux portes d'entrées du bâtiment.
Les étudiants logeaient en fonction de leur corporation. Depuis une semaine, Aphélie louait un petit studio de 9 m2 au 3e étage Nord. Sa chambre donnait sur la cour. Son voisin lui rendait visite régulièrement depuis son emménagement. Elle en était reconnaissante car la résolution prise dans la cabane lui pesait et quand arrivait le soir, elle devenait morose et passait son temps à la fenêtre, pensant à son amant d'un soir.
Octavius ne cachait pas sa joie d'accaparer cette belle blonde, qui plus est cousine du prince. Il ne savait rien de la relation intime des jeunes gens mais avait conscience des sentiments que portait Aphélie à Duke. A chaque fois qu'il y pensait, une fureur noire s'emparait de lui. Il détestait Actarus pour tout ce qu'il était depuis de nombreuses années. Et sa haine s'était accentuée depuis que Phythélios lui avait donné la responsabilité "Grendizer", poste qu'il narguait depuis longtemps et pour lequel il avait fait du lèche-botte auprès du professeur. Il n'acceptait pas que ce blanc-bec, toujours plongé dans ses livres, dans son laboratoire, ou se baladant dans la campagne, une mandoline à la main devienne un jour roi de cette planète. Lui, Octavius, n'avait que faire de la paix qui y régnait. Il voulait faire payer aux bons sentiments ceux qu'il n'avait pas eu enfant.
Il était orphelin de mère depuis trop longtemps pour se souvenir de ses câlins et de ses gentillesses. Son père, accaparé par sa charge de capitaine de la garde royale, l'avait laissé aux soins des serviteurs. Il allait à l'école réservée à la haute société euphorienne et c'est ainsi qu'il avait rencontré Aphélie et Duke. Enfants, ces derniers ne se quittaient pas. Il les voyait courir, rigoler, se battre toujours dans la bonne humeur. Et lui se cachait pour les espionner en serrant les poings. Pourtant, Aphélie se montrait plein de sollicitude et l'incorporait dans certaines aventures et dans leur groupe. Duke, lui-même, le faisait participer et avait toujours un mot à lui dire. Il gardait un visage amical tout en ayant au fond du cœur le ressentiment envers ce garçon qui avait tout. Oh mais, il n'était pas sans ressource ! Dans un avenir proche, le beau sourire et les yeux bleus perçants du prince auront perdu de leur vivacité et lui sera là pour savourer sa victoire.
En attendant, il s'ingéniait à changer les esprits d'Aphélie, lui susurrant de temps en temps des petites piques incendiaires sur son ancien ami, la provoquant sur la fidélité de Duke.
Féru d'informatique, il avait déjà transposé son réseau interne de l'université à plus grande échelle. Les satellites autour de Fleed étaient assez puissants pour éviter l'installation de câbles. Il avait organisé le réseau en plusieurs fréquences, chacune accessible via un code personnalisé. Ne pouvant faire fi de l'autorité de Duke en la matière, il avait préparé une montre à fréquences multiples qui lui permettrait d'accéder à toutes les conversations et aussi de les sécuriser. Il en avait fait un double pour lui-même dans le plus grand secret afin d'espionner tranquillement ce prince de pacotille.
Ce soir, il était assis à son bureau, occupé à mettre la touche finale sur la montre avec ses petits outils, un bandeau lumineux autour du front pour mieux éclairer son travail. Il fut interrompu par trois coups secs et deux longs, le code de reconnaissance entre Aphélie et lui.
Sans attendre de réponse, elle ouvrit la porte et se faufila jusqu'au lit situé derrière la table de travail.
— Tu travailles encore sur le réseau?
— Oui, je mets la dernière touche finale. Demain, je demanderais un entretien à Duke Fleed pour le lui présenter.
— Tu descends manger ?
— Dans quelques minutes. Si tu as soif, sers-toi.
Aphélie se dirigea vers le petit frigidaire et sortit deux boissons fermentées comme de la bière.
— Tiens, fit elle en déposant la bouteille sur le bureau. Ça te dirait demain de te balader ? J'ai envie de faire une promenade dans le ciel. Je vais en profiter pour tester un nouvel appareil.
— Hum, cela dépendra de mon rendez-vous avec le prince.
La jeune fille regarda sa montre.
— Tu peux encore le joindre pour fixer une heure.
— Je n'ai pas sa fréquence personnelle et je doute qu'à cette heure, je trouverai une secrétaire disponible.
Aphélie haussa les épaules.
— Il y a toujours un concierge et le poste de sécurité. Ils peuvent faire passer la communication.
— Je le ferais à la première heure, promis. A quelle heure ta sortie?
— Je ne sais pas. Tu me tiens au courant?
Octavius marmonna en guide d'accord. Le silence s'installa entre eux. Aphélie prit un livre sur la table de chevet, jetant un œil de temps en temps à son compagnon. Au bout d'une heure, il se redressa, reposa ses outils et s'étira.
— Voilà, fini. Je suis à toi.
Les jeunes gens descendirent à la cafétéria ouverte au rez-de-chaussée de l'immeuble. Ils commandèrent un café et un sandwich.
— Qu'as-tu fait aujourd'hui? demanda Octavius
— J'ai rencontré quelques étudiants de la section du génie civil. Je les ai conviés à une réunion pour préparer la résistance. Beaucoup était enthousiaste. C'est fou quand même. Nous n'avons jamais connu la guerre, nous n'avons subi aucune perte. Nos parents semblent être en sécurité ici alors que leurs enfants, au contraire, craignent pour leur vie et pour la planète.
Aphélie soupira. Elle posa un coude sur table et mît sa tête sur la main. Ses yeux devinrent rêveurs. Octavius lui prit son autre main.
— Je suis d'accord avec toi et c'est pour cela qu'il faut qu'on s'organise le plus vite possible.
— J'ai peur, surtout pour Nadir. Il est encore si jeune. Tu sais qu'il a piloté sa première machine, il y a deux jours ?
Le jeune homme sourit.
— Il a quel âge maintenant? 13 ans ? C'est un bon âge pour commencer. Je suis sûr qu'il a assuré.
— Oh oui, tu aurais vu ses acrobaties. Bon, tu sors ?
Aphélie se leva.
— Non, je suis fatigué. Je remonte. Merci pour cette pause. Tu vas rejoindre la taverne ?
— Je ne sais pas encore. J'ai besoin de me dégourdir. A demain.
Resté seul, Octavius réfléchit un instant puis se leva à son tour. Au lieu de remonter dans sa chambre, il se dirigea vers une porte située dans le couloir derrière la cafétéria. Il pénétra dans un escalier assez sombre qui l'emmena dans les caves. L'endroit n'était pas éclairé. Il prit une lampe dans ses poches et continua au fond vers une autre porte fermée par un cadenas. Il sortit un passe-partout et le crocheta. La nouvelle salle était encombrée de meubles poussiéreux. Il balaya le sol puis les murs et avança. Il attendit cinq minutes avant d'entendre un bruit dans son dos. En se retournant, il aperçut un homme dans l'encadrement qui bloquait le passage. Il ne distinguait pas son visage protégé par l'obscurité du lieu. Il leva sa lampe lorsque celle-ci fut projetée contre le mur.
— Quelles sont les informations ?
— Les jeunes se réunissent toujours de plus en plus nombreux. Demain, je mets en place leur réseau de communication. Nous pourrons ainsi plus facilement les espionner.
— Il nous faut plus de détail. Faites-en sorte que d'ici la fin de la semaine, vous en ayez. Véga s'impatiente.
— Que veut-il faire ? Le mariage est pour dans deux mois.
L'homme fit un geste qui projeta Octavius sur les meubles dans un bruit fracassant.
— Que t'importent les plans du Grand Stratéguerre ! Nous t'avons promis une récompense et tu l'auras mais ne pose pas de questions qui ne te concernent pas.
Le garçon se releva péniblement, il frotta l'arrière de son crâne.
— Oui, maître. Je ferais ce que vous voudrez.
— Bien, dans deux jours, on se voit à nouveau ici.
Il disparut aussi soudainement. Octavius regarda la place précédemment occupée.
— Eh, ça se précipite, on dirait, murmura-t-il.
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