Chapitre 11

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Je dormais sur le ventre, un bras plié au-dessus de la tête lorsque j'entendis un bruit du côté du dressing. Je me redressai pour apercevoir une ombre projetée dans l'encadrement de la porte. Doucement, je le levai en passant un peignoir et m'approchai. Je vis Maria Grâce à genoux près de ma combinaison de pilote. Elle examinait chaque morceau, certains étaient passés sur ses bras. Elle murmurait à voix basse et rigolait de temps en temps. Elle leva les yeux vers moi quand elle m'entendit soupirer bruyamment.

— Bonjour ma puce.

— Duke, qu'est-ce que c'est beau ! C'est à toi ?

Je m'accroupis près de ma soeur.

— Oui, c'est une tenue de combat que j'utiliserai avec mon robot.

Elle me regarda émerveillée, la question au bord des lèvres.

— Tu veux que je l'essaye ?

Elle frappa dans ses mains.

— Oh, oui, s'il te plait.

— Alors, installe-toi sur mon lit, j'arrive.

La petite courut se jeter sur le matelas, s'installa les jambes croisées au bord du lit, les coudes posées sur les genoux, les mains sous le menton.

Je fermai un peu la porte et examinai le paquet. J'étais tenté d'essayer la métamorphose mais ne connaissant pas suffisamment l'ensemble et connaissant l'impatience de ma soeur, je préférai passer par la méthode classique. Lorsque je sortis, le casque sur la tête et la visière positionnée, Maria Grâce s'extasia.

— Oh là là, je ne te reconnais plus.

Je jouai le jeu et fis un tour sur moi-même, prenant des positions de combattant d'attaque et de défense. Puis j'attrapai ma soeur pour la faire tournoyer. Elle rit aux éclats.

— Je me change et on va déjeuner, d'accord ? Attends-moi au salon et appelle le service pour deux plateaux.

Nous passâmes une heure à table discutant des études de Maria Grace, de ses loisirs et ses amis jusqu'à ce que Dame Antonnella interrompit cet agréable moment pour emmener la petite à ses leçons matinales.

***

Seul, je restai un instant pensif, heureux de cet interlude. Maria était une petite fille pleine de vie, espiègle et enjouée. Elle n'avait pas évoqué son cauchemar et je n'avais pas voulu attrister l'ambiance en lui en parlant.

Je me dirigeai vers la bibliothèque d'Euphor, située dans le centre-ville. Le bâtiment avait une structure classique. La façade rectangulaire était décorée de colonnades assez hautes qui supportaient un étage. A l'entrée, je saluai un jeune garçon occupé à enregistrer des livres sur un ordinateur et m'engageai dans la pièce principale au fond du hall. Plusieurs rangées de table étaient positionnées au centre. Les personnes présentes me jetèrent un coup d'oeil avant de reprendre l'étude de leurs livres. De petits meubles étaient positionnés contre les murs regroupant des ouvrages classés par thème. Sur la droite de l'entrée, un petit escalier en colimaçon donnait accès au 1er étage. Une balustrade permettait de voir le rez-de-chaussée. Un autre escalier encore plus étroit montait vers le dernier étage.

Je grimpai tout en haut à la recherche de la section la plus ancienne et la plus fragile de la bibliothèque. Cette partie était accessible uniquement par le pendentif royal ou le bibliothécaire lui-même. J'apposai le bijou au centre de la grille et prononçai doucement mon prénom secret. Un petit bruit m'avertit de son ouverture. Je pénétrai alors dans une salle étroite divisée en trois petits couloirs d'étagères. Je m'approchai du rayonnage le plus proche et déchiffrai les reliures. Ces livres étaient de cuir, leur tranche était abîmé par l'usure du temps. Les premiers titres étaient en euphorien nouveau, je passai dessus assez vite. Puis, je découvris l'écriture ancienne de l'ère précédente. J'avais eu des cours sur cette langue et arrivais facilement à le lire. J'avais déjà feuilleté la plupart des textes. Le sujet principal avait trait principalement à l'histoire de la famille. Je recherchais maintenant des références à la magie et à la fameuse prédiction évoquée la veille par deux personnes.

Je ne croyais pas au hasard. Je souhaitais découvrir l'énigme car je savais que je ne recevrais pas de réponse assez vite ni de la part d'Alphgar ni de ma mère. Or je pressentais que le temps était compté. Aucun des titres que je parcourus n'évoquait ce thème. Je grimaçai de frustration. Bien sûr, cela aurait été trop facile. Un secret si bien caché devait être ailleurs. Je me figeai soudain. Quelqu'un montait le petit escalier.

— Votre Altesse, vous êtes en haut ?

Je me détendis.

— Oui, monsieur Virgile

Un petit homme aux cheveux blancs et au front dégarni se présenta devant la grille, essoufflé. Il avait la taille d'un enfant de 6 ans. Il portait de petites lunettes rondes.

— Vous avez besoin d'aide ?

— En effet, peut être que votre savoir pourra m'éclaircir. J'ai appris hier l'existence d'une prédiction. Je ne sais pas quand elle a été dite mais il semblerait que son contexte n'ait pas encore eu lieu. Savez-vous où je pourrais la dénicher ? J'ai supposé qu'elle pouvait se trouver ici.

— Voyons, laissez-moi y réfléchir. Nous en avons eu très peu, mais elles sont toutes enregistrées ici. Reste à  trouver le livre qui les contient. Voyons, voyons.

Virgile déambula parmi les rayonnages et se dirigea vers le fond, la partie la plus ancienne. Il s'arrêta devant un ouvrage, posa le doigt dessus secoua la tête et continua sa recherche. Je le regardais avec appréhension.

— Où a-t-il été mis ? Ma mémoire ne me fait jamais défaut pourtant, marmonna Virgile.

— Je peux chercher avec vous ? proposai-je.

— Non, il est particulier et difficile à décrire. En plus, il est susceptible. S'il ne veut pas se montrer, je ne le trouverai pas et il semble qu'il joue à ce jeu.

— Hein ?

Virgile revint vers le jeune homme.

— La magie, mon petit. On peut faire beaucoup de choses avec. Le livre a été enchanté pour ne pas tomber entre des mains indésirables.

Perplexe, je réfléchis.

— Comment peut-on faire alors lorsqu'on en a besoin ?

— Il viendra à vous quand ce sera le moment.

Je jurai entre mes dents.

— Bon sang, justement, ce n'est pas le moment de jouer à cache-cache.

— Parlez-en à Alphgar. C'est le dernier à avoir accéder à cette pièce, pas plus tôt que la semaine dernière.

J'ouvris de grands yeux.

— Alphgar ? Mais alors...

Une lueur éclaira mon visage.

— Le vieux rusé... Je sais où il est. Ne serait-ce pas plutôt un parchemin ? ... Bien sûr, dis-je en voyant Virgile hocher la tête.

Ce dernier attendit un peu puis lâcha :

— Je me souviens de quelques mots. C'est la dernière à avoir été dévoilée. La veille de votre naissance.

Je scrutai le visage de mon interlocuteur.

— Pouvez-vous me les dire ?

— Vous ne comprendrez pas et les paroles risquent d'être mélangées. Je ne l'ai entendu qu'une fois et retranscrit aussitôt pour l'enfermer à jamais.

— S'il vous plaît, suppliai-je.

— D'accord.

Virgile se concentra et balbutia :

— Rêves et cauchemars ... se rencontreront ; de la mort renaîtra ... Vega ; le blanc se réfugiera... La paix règnera....

Il se tut un instant.

— Il manque des mots. Cela n'a pas de sens. Vega n'est pas mort.

— En effet, cela ne m'aide pas, dis-je déçu. L'essentiel est de savoir où se trouve le parchemin. Ce soir, je vais interroger Alphgar. Merci pour le temps passé avec moi.

— Oh mais c'est un plaisir.

Je sortis de la pièce et dévalai les deux étages en vitesse. Je croisai Octavius en bas des marches.

— Bonjour Octavius. Tout le monde a reçu son appareil ?

— Oui. Tout le monde est connecté.

— Bravo pour ton travail, le félicitai-je à nouveau. On se voit à la fin de la semaine à la Taverne de l'Oiseau bleu pour faire le point.

— D'accord. Bonne journée.

***

Octavius regarda le prince sortir à grandes enjambées, puis leva la tête au plafond vers l'espace consacré aux livres ancestraux.

— Qu'es-tu venu chercher là-haut ?, pensa-t-il.

Il allait monter quand il vit Virgile descendre. Il se détourna alors vers la sortie pour suivre Actarus.

***

Je me dirigeai vers le palais quand je reçus un appel sur ma nouvelle montre. Celui-ci provenait de Pollux qui m'attendait au laboratoire scientifique.

— Oui, Pollux ?

— Viens vite. Nous avons un problème.

— J'arrive dans 5 minutes.

Je hélai Proteius, mon agent de sécurité qui me suivait.

— Conduisez-moi vite au laboratoire, s'il vous plait.

— Bien votre Altesse.

Pollux m'attendait à l'entrée, les cheveux en bataille, sa tunique chiffonnée.

— Viens vite à ton bureau.

— Que se passe-t-il ?

— Tu verras toi-même.

Le couloir qui y menait était encombré de personnel qui courrait en tous sens. Un groupe qui bloquait l'entrée de mon bureau s'écarta à mon approche. Je fus choqué par ce que je vis. Les meubles étaient retournés, tout le contenu jeté au sol. Les cadres qui décoraient les murs pendaient sur leur crochet, les vitres des bibliothèques étaient cassées. Des morceaux de verre étaient éparpillés un peu partout. Mon ordinateur ne ressemblait plus qu'à un amas de ferraille.

— Quand est-ce arrivé ?

Le responsable de la sécurité du laboratoire, Lauranus s'approcha.

— Nous étudions les vidéos de surveillance. Nous nous sommes rendu compte de cet... - il hésita sur le mot à donner en jetant un regard de dégoût - ... dévastation seulement depuis trente minutes. La porte était fermée.

— Aucune infraction n'a été signalée pendant la nuit ? Des membres du personnel restés sur les lieux plus tard cette nuit ?

— Nous vérifions tout cela. Aucun signalement n'a été fait. Vous devrez vérifier qu'il ne vous manque rien.

Je regardai attentivement la pièce, en me concentrant pour déceler une anomalie. Mon odorat m'informa d'une odeur que je ne connaissais pas. La même que j'avais senti la veille dans les bois. 

— Appelez-moi le garde qui est venu à ma recherche hier soir lorsque je suis sorti des bois, Lukas, je crois.

— Oui.

Lauranus sortit un téléphone et contacta le poste de sécurité du palais.

— Il arrivera d'ici dix minutes.

— A première vue, il ne manque rien. Les données importantes de l'ordinateur sont stockées ailleurs. Je vais vérifier tout à l'heure mes accès. Il n'y a eu que cette pièce ?

— Oui.

Je m'accroupis et commençai à ramasser les papiers.

— Attendez, votre Altesse, nous allons le faire.

— Ce n'est pas un problème. 

Je m'interrompit en voyant un bouton sous un des dossiers. 

— Mettez cela à l'abri. Qui est chargé de l'enquête ? 

— Nous avons fait appel à la sécurité du palais comme cela ne concernait que votre bureau.

— Apportez cet objet à la personne en charge, alors. Je la rencontrerais plus tard.

Je levai les yeux vers l'entrée et aperçus Lukas.

— Bonjour, pouvez-vous vous concentrer sur l'odeur de cette pièce ?

J'attendis quelques instants et vis les épaules du garde se raidir.

— Vous m'avez dit avoir senti une odeur dans la forêt. Est-ce la même ?

— Oui, c'est la même. Une odeur aigre, sombre.

Il frissonna. 

— Je vais essayer de tracer cette odeur dans le bâtiment.

— Faites évacuer le  personnel qui n'a rien à faire sur les lieux, ordonnai-je en me relevant.

Pollux mit la main sur mon épaule et me dirigea dans le couloir.

— Viens, allons vérifier tes accès informatiques. Ont-ils pris quelque chose à ton avis ?

— ll n'y avait rien d'intéressant à voler. Le plaisir de saccager, sans doute. Cela n'était jamais arrivé à ma connaissance. Notre peuple a assez de savoir-vivre et de respect envers les autres pour ne pas s'abaisser à cela.

— Tu soupçonnes quelqu'un ?

Nous déambulâmes un long moment dans le labyrinthe du centre, accédâmes à une porte cachée derrière une statue, descendîment quelques marches jusqu'à une porte métallique. Je la fixai un instant, pensif, puis secouai les cheveux pour dégager mon médaillon que j'appliquai sur l'emplacement prévu à cet effet. Suivi de Pollux, j'entrai dans un hangar haut de 30 mètres de haut. Nous étions sur une passerelle qui donnait en contrebas sur un atelier de construction. Grendizer reposait dans sa soucoupe sur une rampe de lancement qui menait vers le mur opposé dont on voyait une ouverture.

— Oui, je soupçonne quelqu'un ou plusieurs personnes. Dis-moi, quelles sont les personnes qui peuvent accéder ici ?

— Eh bien, en dehors des techniciens du projet, des ingénieurs euphoriens, il n'y a que toi et moi. 

— Les scientifiques véghiens ?

— Non, ils n'ont plus les autorisations nécessaires pour entrer dans cette partie du laboratoire depuis que la machine est finie.

Je hochai la tête.

— Bien, allons vérifier mes accès.

Nous sortîmes et prîmes la direction du bureau de Pollux.

— Au fait, quand rentres-tu sur Pallas ?, demandai-je.

— Bah, je ne sais pas. Tant que père ne me réclame pas, je suis bien ici. J'apprends beaucoup de choses. Et tu n'espères pas que je vais rater ton mariage dans six semaines. 

— Six semaines, gémis-je. Je dois encore m'occuper de cela avec ma mère. Elle veut le faire pendant la cérémonie du renouveau. Je n'ai pas envie d'associer ce mariage arrangé à cette belle fête.

— Pourtant ce serait symbolique.

Pollux désactiva la sécurité du local et nous pénétrâmes dans la pièce. Je me connectai directement à l'ordinateur. Je tapai une série de codes et poussai un soupir de soulagement.

— Tout est ok.

— Bon, une bonne chose. Au fait, c'est quoi cette histoire d'odeur ?

Je lui racontai ma soirée avec Alphgar et mon retour dans les bois.

— Etrange, dit Pollux. Hier, tu sens une présence avec une odeur particulière et tu la retrouves là ? Cela ne m'étonnerait pas que l'intrusion ait eu lieu peu de temps après.

— Oui, tu as certainement raison. J'en parlerai ce soir à Alphgar. Bon, je rentre au palais voir ma mère. À plus tard.

En sortant ensemble du laboratoire, je fis part de mes vérifications à Lauranus qui m'apprit que Lukas n'était pas encore revenu de son investigation odorante. Je demandai à être tenu au courant le plus vite possible.

***

Antonius, responsable de la sécurité du palais et de la famille royale, avait envoyé deux gardes supplémentaires et avait imposé un déplacement mobile en voiture plutôt qu'à pied, mon moyen de locomotion privilégié. Je fis donc la moue en voyant devant moi deux hommes au garde à vous. L'un ouvrit la marche jusqu'à la voiture qui attendait en bas des marches, l'autre se plaça derrière moi. Je n'aimais pas les sentir ainsi proches mais je comprenais les inquiétudes et le besoin de protéger l'héritier d'Euphor.

Dès que je fus installé, le chauffeur resté assis au volant démarra. Je vérifiai ma montre où une petite lumière verte clignotait. Deux membres du niveau 2 discutaient entre eux. J'hésitai à enclencher le bouton d'écoute mais ma curiosité l'emporta.

— Pollux, que s'est-il passé ? La voix d'Aphélie était tremblante.

— Le bureau de Duke au laboratoire a été dévasté, répondit Pollux

— Quand ça ?

— On ne sait pas encore. Il se passe quelque chose de bizarre depuis quelques jours.

— La semaine dernière, lors d'un vol, j'ai eu un souci avec mes instruments. Le centre spatial n'a rien découvert sur les radars ni Cornélius lors de son vol de reconnaissance. C'est assez étrange, lui apprit la jeune fille.

— Nous allons devoir resté vigilant. Dis-moi, on peut se voir ce soir ?

— Attends je regarde mon agenda. C'est galère en ce moment avec les réunions des jeunes. 

J'entendis un bruit de papiers chiffonnés et des grognements.

— Ah, le voilà. Je peux me libérer vers 20:00. Où veux-tu qu'on se rencontre ?

— Je voudrais t'inviter à la Niña Columba. 

— Oh un diner ? Tu viens me chercher ?

— Ok, tiens-toi prête vers 19:30.

— Oui, monsieur.

La communication coupa au moment où j'arrivais au palais. Mon estomac se mit à gronder. Je me dirigeai vers les cuisines pour commander mon repas. J'adorais l'ambiance de cette pièce toujours active. Je montai ensuite vers mon appartement me changer. Après mon repas, je pris la direction des appartements de la Reine.

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