L’hiver arriva. Séoul se couvrit d’un manteau blanc, mais pour Jiwoo, le froid était déjà en lui depuis longtemps. Les journées devinrent plus brèves, les nuits plus longues. Et malgré la présence de Sora, une ombre persistait.

Il recommença à rêver d’elle. Yura. Sa sœur. Dans ses cauchemars, elle appelait à l’aide. Parfois elle souriait, puis tombait dans le vide.

Il se réveillait en sursaut, trempé de sueur. Il ne disait rien à Sora. Il ne voulait pas l’inquiéter. Mais elle voyait bien.

Un soir, après les cours, elle l’attendit devant le portail.

— On va quelque part, dit-elle.

Il la suivit sans poser de questions. Elle l’emmena près du fleuve Han. Un endroit calme, désert. Ils s’assirent sur un banc, face à l’eau sombre.

— C’est ici que je venais quand tout allait mal, murmura-t-elle. J’avais envie de disparaître. Mais l’eau… elle me faisait peur.

Jiwoo baissa les yeux. Il comprenait.

— Et maintenant ?

— Maintenant j’ai quelqu’un qui reste quand je tombe.

Elle le regarda. Il détourna les yeux. Trop d’émotion, trop d’honnêteté dans ce regard-là.

— Moi aussi, dit-il enfin. J’ai quelqu’un qui me tient debout.

Il sentit ses larmes monter. Il ne les retint pas. Et elle non plus.

Ce soir-là, ils ne dirent plus un mot. Ils restèrent assis longtemps, à regarder la rivière. Deux cœurs cabossés, unis dans le silence.

Ils n’étaient pas guéris. Mais ils n’étaient plus seuls.

Et parfois, c’est déjà beaucoup.