20.1

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Ayla se réfugia au fond de la pièce à l’ouverture de la porte. Calée dans un angle, les poings serrés, le premier qui s’approcherait goûterait à sa détermination. Tout à l’heure, au travers de ses yeux mi-clos, elle avait entrevu un de ses geôliers. Un gars de taille moyenne et bien nourri. Un coup de genou dans le ventre le plierait en deux, un direct sur le nez l’obligerait à reculer. Le mec avait pensé qu’elle était encore dans le cirage en refermant la porte, sa surprise serait grande quand elle le frapperait. Ce n’est pas lui qui entra, mais une rouquine aux traits fatigués, suivie de près par un type à la coupe de cheveux undercut. Autant la femme dégageait une classe et un détachement certain, autant l’homme, dans son trois pièces sorti d’une autre époque, lui fit peur. Son regard brillait d’une lueur féroce, l’impatience suintait de ses mouvements, elle pensa qu’il se nourrissait de chair fraîche. Contre lui, elle ne pourrait rien. Pour autant, quoi qu’ils veuillent, une Conwell ne cédait jamais, elle ne dirait rien.

Evra, à la vue de la personne enfermée, fut prise dans un tourbillon d’émotions. Elle vacilla, se retint contre un mur. Sa fille était là, à cela, nul doute. L’enfant sur les clichés de la maison de Kyle, avait disparu, grande, belle, lumineuse, résolue, Ayla était maintenant une femme. Debout dans cet angle, son regard rageur et sa stature respirait la force des Sgitheanach de Duntulm. Ayla se battrait jusqu’au bout. Elle se reconnut dans la finesse du visage, dans l’azur des yeux, dans la pâleur de la peau, seul le blond de ses cheveux la distinguait. Se pouvait-il que toutes les Conwell soient à ce point identique ? Evra en fut persuadée. Dans sa quête de souvenirs, une image lui sauta à la figure. Celle d’une femme qui, assise en tailleur sur une paroi du château, tenait une pierre ancestrale ornée d’une gravure : une main tenant une dague pointée vers le ciel. Sa mère. La similitude des traits la réconforta, toutes trois étaient semblable, la lignée se propageait de génération en génération. Alasdair le gardien avait raison, le sang ne mentait pas. Elle s’approcha, posa une main sur la joue de sa fille.

Ayla ressenti un picotement. D’abord glacée, la démangeaison sur sa pommette vira au tiède puis au chaud, avant d’englober tout son corps. Une étrange sensation s’empara de ses membres, la chaleur l’apaisa sur l’instant. Jamais elle n’avait ressenti cette perception, ce trouble indéfinissable. D’où venait-il, et pourquoi maintenant ? Elle pensa aux récits de son père lorsqu’il revenait de Strathy, et à ce courant d’air ardent qui l’enveloppait puis le rassérénait. Mais le phénomène ne se produisait qu’autour du banc où sa mère avait été assassinée, la comparaison s’arrêtait là. Eliott lui avait maintes fois expliqué qu’il s’agissait de l’onde de Evra, mais que prisonnier, le flux ne pouvait se diffuser ailleurs. Pourtant, elle voulut y percevoir un signe. Depuis la nuit dernière, ce qu’elle vivait chamboulait tout. Son enlèvement, puis sa séquestration, ne trouvaient de sens que dans le passé de sa mère, l’histoire se répétait. Elle comprit enfin ce que lui voulaient ces gens et qu’elle ne pourrait leur donner. Elle comprit aussi que sa mère l’avait rejointe dans sa prison afin de l’aider à combattre, son onde le prouvait. Était-ce possible ? Oui, même si inexplicable ! Evra était là, avec elle. Et ensemble, elles vaincraient, rien n’arrêtait deux Conwell réunies.

James cogna le volant. « Les hommes de Carlington ! » s’exclama-t-il.

– Vous les connaissez ?

– Non, pas ces types, Kyle, mais leur patron. L’homme dont je vous ai tu le nom lorsque nous roulions vers votre cottage.

– Le fameux commanditaire de l’assassinat de Evra… Ce patronyme me dit quelque chose. Ne s’agirait-il pas de ce lord évincé pour malversations ?

– Pas que cela. Sortons avant qu’ils ne s’énervent.

Sous la menace des flingues, ils descendirent de la Mégane les bras en l’air et la mine défaite. Échouer à deux pas du but. Quels débutants ! Sans doute ces hommes les avaient-ils repérés chez Tom ou à l’aéroport, et eux avaient foncé tête baissée sans assurer leurs arrières. Des pros, alors qu’eux… Pourtant, James remarqua plusieurs détails. D’abord leurs vêtements, les malfrats de Birmingham s’habillaient autrement qu’en jeans et chemise, ensuite, le calibre des flingues pointés sur leurs têtes. Du 9 millimètres, de quoi égratigner une mouche, pas le 45 habituel et les dégâts que causait cette munition. Un truc clochait ! Buclock voulut parler, Blanchart fut plus rapide que lui.

– Face contre le capot et mains dans le dos, intima-t-il dans un anglais mâtiné d’accent français.

Les deux hommes se regardèrent. Le commandant comprit l’injonction, pas Fearghas. James le sentit prêt à tenter un passage en force, d’un mouvement de tête, il lui fit signe d’obtempérer. Courbé sur la carrosserie, il prit la parole.

– Je suis le commandant James Buclock du Scotland Yard, l’autre personne est l’inspecteur principal Kyle Fearghas.

Le nom surprit Éric et Yves.

– Fearghas, le père de Ayla ?

– Oui, c’est moi ! Et si vous touchez à un seul de ses cheveux, je vous crève.

– Vous êtes des policiers ? reprit Buclock.

Yves secoua la tête. À première vue, il s’était trompé, ces deux gars ne travaillaient pas pour cette saloperie d’Anglais.

– Montrez vos papiers, ordonna-t-il.

Kyle et James se redressèrent, à gestes lents, ils présentèrent leur plaque de flic.

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