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Ayla s’effondra de fatigue, l’aura bleue disparut. Tom la retint avant qu’elle ne tombe de sa chaise, Kyle fit le tour de la table et la prit dans ses bras. Il posa sa fille sur le lit. Elle ouvrit les yeux, des larmes s’en échappèrent, puis elle tourna la tête vers la fenêtre. Le jour pointait. Un premier rayon de soleil déchirait la décrépitude de la nuit, lueur semblable aux révélations que sa mère venait de prononcer. Tout s’éclairait, délivrant enfin une vérité faite de courage, d’abnégation et de sacrifices. La souffrance éprouvée par Mairead et Evra, parcourait encore son corps, ces femmes avaient donné leur vie pour un château, pour Duntulm. Aux jours heureux avaient succédé les combats, les tourments avaient pris la consistance de cette terre noire, de ces pierres ancestrales, du visage d’un homme. Il payerait, d’une manière ou du autre. À elle d’assurer sa chute, de le broyer, lui qui n’avait pas eu de pitié. L’héritage qu’elle savait lourd, appuya davantage sur sa poitrine, Ayla partit en sanglots. Résisterait-elle à la dignité de ce legs ?

Son père, comprenant les affres qui torturaient sa fille, passa sa main dans ses cheveux.

– Tu es forte Ayla, plus que tu ne crois. Avec toi, Duntulm ne vacillera pas, et tu ne seras plus seule pour assurer sa protection. Tom et moi serons là pour t’aider.

Elle prit la main puis attira son père. Ses iris, d’ordinaires bleu vif, se paraient d’une ombre, Kyle comprit. Elle articula quelques mots en gaélique écossais afin que lui seul les comprennent.

– Maman est épuisée, je n’arrive plus à lui insuffler ma vigueur. Elle voulait te parler, mais n’y arrive pas, alors c’est moi qui vais prononcer ses paroles. Avant-hier, à Strathy, tu lui as demandé pardon de na pas avoir réussi à la protéger. Ce n’était pas à toi de t’excuser, mais à elle. Elle aurait dû partager le poids de ses combats et de ses blessures, toi, tu l’aurais aidé. Si tu savais combien elle t’aime. Maman voudrait te demander une dernière chose. Ramène-la à Duntulm, afin que son esprit rejoigne son corps, sous sa terre. Papa, le temps presse.

– Dis-lui que je l’aime aussi.

Kyle rejoignit Éric, Yves et Tom. Les trois hommes, encore abasourdis de l’apparence et des divulgations de Evra, n’avaient pas décroché la mâchoire, ni quitté du regard Ayla. L’histoire des Conwell dépassait ce qu’ils imaginaient, pourtant, l’écho des mots de Evra renvoyait à la bassesse d’un monde que les deux flics connaissaient. Eux qui côtoyaient le noir sous toutes ses formes, n’en étaient que plus écœurés. L’argent et le pouvoir allaient de pair, mais détenir le premier ne donnait pas le droit d’abuser du second. Tel était ce genre d’hommes qui, érigés aux sommets, en écrasaient l’humain. Savaient-ils que leurs particules n’étaient que poussière ? Peut-être essayaient-ils de l’oublier en agissant de la sorte, repoussant ainsi le moment où nous finissons semblables. Éric et Yves se regardèrent. Ils se connaissaient depuis trop longtemps pour savoir que le bois dont ils étaient faits n’avait pas la même valeur. Pourtant, ce qui passa dans leur regard, annonçait des heures difficiles à celui que l’on nommait Shelby.

Kyle s’adressa à Tom, afin que l’américain traduise ses propos.

– Je peux vous demander une faveur ? demande Monsieur Fearghas.

Le capitaine et l’inspecteur hochèrent positivement.

– Ayla… enfin Evra, veut retourner sur Skye, pour…

– Nous comprenons, intervint Yves. Je connais une personne qui nous est redevable, ses services vont faire le nécessaire afin de vous trouver un avion.

Kyle les remercia.

Dix minutes plus tard, les sirènes et les gyrophares des bagnoles d’Éric et Yves, taillaient la rocade en direction de l’aéroport.

Joint par téléphone, le préfet les avait assurés qu’il transmettait en haut lieu la requête et qu’ils les tenaient au courant. Pour une fois, la réponse n’avait pas tardé. Deux places étaient réservées sur le premier vol pour Édimbourg, un hélico les mènerait ensuite sur Skye. En quatre heures, ils seraient sur place. Mais l’avion décollait dans une heure, pas de temps à perdre. Ayla dans ses bras, Kyle avait dévalé les quatre étages puis s’était engouffré dans la caisse d’Éric suivit de Tom. Yves avait pris sa 308.

L’Américain s’accrochait aux branches, de toute sa vie, il ne se rappelait pas avoir roulé aussi vite au milieu du trafic matinal bordelais. Les voies se dégageaient comme par magie, les autres usagers semblaient arrêtés alors qu’eux filaient à toute berzingue. À ce rythme, trente minutes suffiraient pour rejoindre Mérignac. À la faveur d’un moment de calme, il s’adressa à Kyle.

– Si j’ai bien compris, le commandant Buclock poursuit la femme qui était venue pour interroger Ayla. Vous pensez qu’elle sait où sont les photos compromettantes ?

– Non, Ayla n’a pas parlé ! À mon avis, Nora s’est enfuie aux premiers coups de feu. Et James l’a suivie pour l’arrêter.

– Peut-être… Mais où est-il passé depuis hier soir ?

– Je n’en sais rien !

– Monsieur Fearghas, mon job consiste à créer des scénarios pour des jeux vidéos, je peux vous dire que, souvent, les plus invraisemblables sont aussi les plus crédibles. Le voleur qui a enlevé Ayla, a aussi pris son ordinateur portable, et la page d’accueil représente une photo de Duntulm. Si mes souvenirs sont exacts, on devine le passage derrière la stèle. Cette femme l’aura distinguée, ce qui expliquerait sa fuite et le fait que James l’a suivi.

Kyle fit une moue. Tom avait raison. Buclock attendait en dehors du bâtiment, il ne pouvait pas avoir loupé Kirk. Sa mission consistait à récupérer les documents volés par Evra afin de coincer ce Carlington. La connaissant, il aura reniflé les raisons de son départ.

– Vous êtes dans le vrai, Tom ! Mais rappelez-vous les paroles de Evra. Quiconque entre, ne peut en sortir, si ce n’est une Conwell.

– Oui !… Elle peut entrer. Imaginons qu’elle arrive jusqu’à la salle secrète et qu’elle trouve les documents derrière la pierre. Elle n’aurait qu’à les détruire ou les jeter par l’ouverture, et les preuves accablant Carlington disparaîtraient. Sans compter celles de la filiation de Donnchadh.

– Je n’y avais pas pensé, et cette perspective me fait froid dans le dos. J’espère que vous vous trompez Tom, sinon cet enfoiré de Carlington sera gagnant sur toute la ligne. Une fois soigné, il sera libre et aura le champ ouvert pour Duntulm. Nous n’arriverons pas à temps pour empêcher Nora de s’infiltrer dans le passage, et si James la suit, tous deux mourront.

Ayla serra le bras de son père. Il s’approcha.

– Seules les photos sont dans la pièce, la preuve est ailleurs.

– Tu sais où ?

Elle fit oui de la tête.

Les deux bagnoles dérapèrent devant le terminal des départs. Deux agents attendaient à l’enregistrement, ils prirent en charge Ayla et prièrent Kyle de les suivre. Les au revoir furent brefs, un baiser, trois poignées de mains… tous savaient qu’ils se retrouveraient dans quelques jours.

Avant d’embarquer, Fearghas eut une idée. Il pouvait savoir si Tom avait vu juste. Il attrapa son téléphone. Son frère de cœur décrocha à la troisième sonnerie.

– Eliott, c’est moi !

– S’il te plaît, donne-moi de bonnes nouvelles !

La voix de MacAllister suintait la fatigue, sans doute n’avait-il pas dormi de la nuit en attente d’un coup de fil. Kyle tiqua. Occupé par les évènements, il avait oublié d’informer Eliott.

– Excuse-moi, mon frère… Ayla est avec moi.

Il entendit un souffle de soulagement.

– Comment va-t-elle ? Exténuée, je suppose.

– Oui ! Je te raconterai dans les détails. Dit, je…

– Et Evra ?

– Elle est avec sa fille.

– … Alors tu dois rentrer tout de suite.

– Je sais Eliott ! On embarque dans cinq minutes pour Édimbourg. Un hélicoptère nous y attend pour nous emmener à Duntulm. Tu es au cottage ?

– Oui. Je vous attends. Evra aura besoin de moi.

– Tu peux aller voir si une voiture est stationnée en bas du chemin d’accès au château, s’il te plaît ?

– Deux minutes ! C’est en rapport avec cette femme dont tu me parlais avec le commandant ? Que viendrait-elle faire à Duntulm ?

– C’est une longue histoire, Eliott. Peut-être que James n’est pas loin non plus.

– Je vois deux véhicules sur le chemin, et personne à l’intérieur.

– Merde !

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