31.1

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Carlington était soucieux. Allongé confortablement sur un fauteuil médicalisé, il n’arrivait pas à se défaire d’une certaine appréhension. Ses doigts triturant les accoudoirs le démontraient. Pourtant le vol se passait bien et le jet qu’il avait réservé emplissait toutes ses exigences, y compris l’infirmier cubain, dont le professionnalisme l’avait d’abord agacé puis rassuré.

Javier l’avait accueilli à l’entrée de l’aéroport puis aidé à monter les trois marches de la passerelle avant de l’installer sur son siège. Il avait pris soin de le caler à l’aide de coussins puis l’avait couvert. Ne s’attendant pas à une telle proximité, Carlington avait râlé en invoquant qu’il n’était pas impotent, mais Javier l’avait remis à sa place.

« Monsieur, le vol dure six heures, ce qui dans votre état n’est pas anodin, vous en conviendrez. Je ne voudrais pas que vous arriviez à Londres en plus mauvais état que lorsque je vous ai pris en charge. Ma réputation est en jeu. Certes, vous m’avez engagé, mais ici c’est moi qui commande. Suis-je assez clair ? »

Carlington en était resté comme deux ronds de flan. D’un geste de la main, il avait maintenu à distance un de ses hommes qui s’approchait de Javier, après une grimace, il avait acquiescé. L’infirmier lui avait alors servi un repas, puis, toutes les demi-heures, contrôlait sa tension et ajustait la pression de la bouteille d’oxygène. Mais l’attention dont il était l’objet n’avait pas pour autant chassé ses inquiétudes.

« Quoi de plus normal ? » se questionnait-il depuis le départ de La Havane. Une opération à cœur ouvert comportait des risques, le moindre faux pas du chirurgien serait fatal. Sans parler de la rééducation. Son toubib lui avait dit que les exercices auquel il le soumettrait seraient délicats et longs. De quoi mettre sa patience à rude épreuve. Il imputa une partie de son anxiété à son futur séjour dans une clinique, tout en sachant que ses angoisses se trouvaient ailleurs. Pourtant, tout était millimétré. Le faux plan de vol, l’aérodrome au nord de Édimbourg, son nom d’emprunt, ses gars pour assurer la sécurité, le chirurgien qui était un ami. Sans oublier les bruits qu’il avait fait courir sur son hospitalisation à Londres. La capitale écossaise s’était imposé comme lieu pour son opération, tous connaissaient son visage à Brum, et se déplacer à Londres comportait trop de risques. Tout était calculé. Ceux qui l’attendraient à Heathrow, en seraient pour leur frais. Mais son retour au pays se jouait à quitte ou double, il naviguait entre les craintes de l’arrestation de Shelby et l’espoir que la fille ait trouvé ces maudites photos. Il avait quitté Grand Cayman sans connaître le résultat et n’avait pu joindre son prestataire depuis l’avion. Trop de friture sur la ligne. Qu’allait-il trouver à sa descente du jet ? Ou plutôt, qui allait-il trouver ? Son frère ou Scotland Yard ?

Dans trois heures, il saurait.

James n’avait pas fermé l’œil depuis deux jours lorsqu’il passa le seuil de son appartement. Il n’avait qu’une envie, s’allonger et dormir tout son soûl, mais sa mission n’était pas terminée. Ice l’attendait dans une demi-heure. Il regarda sa montre, les aiguilles indiquaient 3:15, un rictus barra son visage. Il se dirigea dans la salle d’eau, se rasa, prit une douche, puis rejoignit son dressing. Il attrapait une chemise blanche et un pantalon sombre lorsqu’un détail attira son attention. Un des vieux objets de son père qu’il rangeait sur une étagère au-dessus des chaussettes n’était plus à sa place. Son cœur s’accéléra, quelqu’un était venu pendant son absence. D’un geste, il fit voler les bibelots puis déplaça un lourd coffret contenant des liasses de papier. Derrière se trouvait une cache qu’il avait aménagée après les évènements avec Cassy. Il l’ouvrit. Le flingue de Kristen et le carnet de Mount avaient disparu.

Vingt minutes plus tard, un taxi le déposa devant l’immeuble où se trouvaient les bureaux de Ice man. Son patron l’attendait les bras grands ouverts, il lui servit un whisky hors d’âge. Buclock bu le nectar d’un trait puis jeta les photos sur le bureau. Ice le regarda surprit avant d’afficher un sourire forcé, puis s’intéressa aux clichés. Il n’en crut pas ses yeux.

– Carlington ne s’en relèvera pas ! Ni ce Carl Hudson ! savoura-t-il.

– Vous le connaissez ?

– C’est lui qui dirige Carlington Import/ Export, depuis que son frère s'est exilé. Leurs bureaux sont à Silvertown, en bordure de la Tamise.

– Son frère ?

– Oui ! Peu de personnes le savent. Une sombre histoire familiale d’enfant rejeté que son frangin a sorti d’une cave. Les ragots parlent d’un homme instable, dérangé, peu sûr de lui et surtout téléguidé.

– Une marionnette en somme.

– Tout à fait ! D’après mes renseignements, c’est lui qui va attendre Carlington à sa descente d’avion à Heathrow. Il sera accompagné d’une ambulance, de son chirurgien et d’hommes de main.

– Scotland Yard n’aura plus qu’à les cueillir.

– C’est ce qui est prévu ! En espérant que Carlington ne leur claque pas entre les doigts en voyant les gyrophares.

– Hum…

– Vous ne semblez pas convaincu !

James s’assit.

– Non, je ne le suis pas ! Un type de son acabit se laisser cueillir comme un fruit mûr, c’est trop gros !

– Vous disposez d’informations dont je n’ai pas connaissance ?

– Du tout ! Une intuition, rien d’autre. Mais je suis fatigué, ces dernières quarante-huit heures n’ont pas été de tout repos.

– Quoi qu’il en soit, cette affaire ne nous regarde plus. Je vais transmettre les photos aux responsables de Scotland Yard, qu’ils se débrouillent. Vous savez James, peu de personnes avaient pariés sur votre réussite Vous avez fait un excellent travail !

– Des félicitations ! Venant de vous, les compliments sont rares, permettez-moi d’en profiter en me resservant un whisky.

Ice sourit et se servit aussi une dose.

– Monsieur, j’ai aussi une autre enveloppe à vous remettre.

Buclock glissa une main dans la poche intérieure de sa veste puis déposa le pli sur le bureau.

– Voici ma démission à effet immédiat.

– Allons James, vous n’êtes pas sérieux ! Votre geste ne rime à rien. Vous l’avez dit tout à l’heure, vous êtes épuisé, prenez quelques jours, aérez-vous la tête et réfléchissez. Vous êtes mon meilleur élément.

– J’y réfléchis depuis un moment…

– Depuis l’affaire avec Cassy Mount ?

– Oui !

– Je comprends ! Mais qu’allez-vous faire ? Vous êtes un homme d’action !

– Une maison m’attend au bord de l’océan, un ancien B&B du côté de Clashnessie dans les Highlands. Je compte m’y installer loin de toute agitation. Mais Cassy et mon envie d’air pur ne sont pas les seules raisons, vous le savez bien. Que comptez-vous faire de l’arme et du carnet que vous avez dérobé chez moi ?

Ice tordit le nez, mais ne se démonta pas.

– J’ai toujours su que vous me mentiez à propos de la mort de Mount et de son relevé de compte, mais vous faisiez peine à voir et je n’ai pas insisté. À tort ! Vous travaillez pour moi James, et je vous paye pour cela. Ce que vous trouvez me revient, j’ai donc récupéré ce qui m’appartient. N’en prenez pas ombrage ! Et pour répondre à votre question, mon vieil ami a assez profité du malheur et de l’argent des autres, il est temps pour lui de rendre des comptes. Je ne vais pas prendre de plaisir à le rouler dans la fange, mais il a choisi le mauvais côté de la barrière. Tant pis pour lui ! Quant à Kristen…

– Vous avez toujours eu un faible pour elle, n’est-ce pas ? demanda James en s’approchant de la porte.

– C’est moi qui avais remarqué ses talents et l’avais embauchée, mais je n’ai pas su anticiper son passage à l’ennemi. Elle reviendra un jour, j’en suis convaincu… Buclock où allez-vous ? Nous n’en avons pas fini !

– Si monsieur ! Une dernière chose. Kristen est morte à Duntulm, hier après-midi. J’en suis désolé.

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