Chapitre 6- Dîner presque galant

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Le soir je rentrais prendre une longue douche, chaude avec un maximum de pression. Je ne voulais plus rien entendre à part le son de l'eau qui coulait et claquait sur le fond de la douche. Je fermais les yeux et resta ainsi durant plusieurs minutes. Je passais le pommeau vers ma nuque et savourais chaque flopée de chaleur qui s'y glissait. En sortant je me séchais rapidement et attrapa un jean et un pull. Je laissais mes cheveux sécher à l'air libre. Il faisait encore bon, je n'attraperai pas froid. Et au pire cela me ferait une excuse pour rester tranquille chez moi.

Carl ne tarda pas à me rappeler son existence. Je vis plusieurs messages manqués lorsque je me préparais. J'aperçus l'heure, j'avais passé trente minutes sous la douche ! Je n'en avais jamais prise une aussi longue. J'attrapais mon sac, enfilais des bottines et partis en refermant soigneusement la porte de ma chambre derrière moi. Je priais pour que la soirée ne s'éternise pas, j'étais déjà épuisée. Mais je sentais bien que cette pensée sonnait faux dans mon esprit. Une fois que j'y serais, je ne voudrais pas repartir de sitôt.

Carl m'emmena dans un restaurant japonais. Le décor était simple mais l'ambiance chaleureuse. Heureusement que je travaillais car le prix des sushis était exorbitant. Je profitais de l'attente du serveur pour demander à Carl comment il s'était procuré mon numéro. Il répondit sereinement qu'il l'avait demandé à mon patron. Il parut s 'amuser de ma question. En y repensant, c'est vrai que j'avais remarqué que lui et mon responsable semblaient bien se connaître, cela paraissait logique qu'il ne voit pas de problème à fournir mon numéro Carl. Puis ce fut à son tour de me questionner.

—         Tu as des affaires avec Matthéo ?

—         Tu le connais ?

—        Pas vraiment je l'ai vu à la soirée d'intégration, c'est un gars assez bizarre.

—        Pourquoi ?

—        Si tu répondais à ma question d'abord, répliqua-t-il en fermant la carte des vins.


Je haussais un sourcil. Il prenait vraiment de plus en plus le melon avec moi. Il se fourrait le doigt dans l'œil s'il pensait que j'allais répondre à ce style de questions sans sourciller.


—         Que l'on mette les choses au clair, ce n'est pas parce que j'ai facilement accepté ce rendez-vous que j'ai des comptes à te rendre.

Ses lèvres se tirèrent dévoilant ses dents et un sourire à tomber, mais je me blindais intérieurement pour qu'il ne me soit pas contagieux dévoilant ma vulnérabilité face à lui. Une vulnérabilité que je haïssais car elle échappait à mon contrôle.

—         Tu peux jouer ce numéro autant que tu veux, mais toi aussi tu le sens qu'on est liés.

—        Liés ?

—        Tu es accro.

Je faillis lui répliquer quand il enchaîna :

—         Avant que tu nies l'évidence, rassures-toi... je le suis aussi.


Je ne sus que répondre. Je n'avais jamais vécu ça. Il avait raison j'étais de plus en plus attirée, et mettre des limites devenait une tâche harassante. Le dîner fut assez silencieux. Nous parlâmes de la pluie et du beau temps, nous évitâmes les sujets qui pouvaient nous embarrasser l'un comme l'autre. Un moment, il renchérit sur son inquiétude vis-à-vis de Matthéo.


—      Je sais que ça parait être de la jalousie ou quelque chose d'excessif car j'ai tout le temps envie de te voir, mais je t'assure que tu devrais t'éloigner de lui autant que possible.

—         Il me passe juste des fiches de cours.

—       J'espère.

—        Développe, qu'est-ce que tu crains ?

—        C'est plus qu'une intuition, je sens que quelque chose ne tourne pas rond chez ce gars. Je suis persuadé que le fréquenter t'attirera des problèmes. Il doit tremper dans quelque chose.

—        Mais tu l'as vu faire quelque chose de bizarre ou c'est juste une impression ?

—        Pourquoi tu n'as pas confiance ? s'exclamât-il un peu trop fort en frappant la table de ses couverts.

Plusieurs clients portèrent le regard sur nous avant de revenir à leurs plats. Je me sentais mal à l'aise. J'avais de plus en plus le sentiment que Carl avait des poussées de colère qu'il ne paraissait pas contrôler. Ce côté impulsif ne me rassurait guère. J'espérais sincèrement ne pas être tombée sur un malade déguisé en tombeur. J'avalais une bouchée de salade et ne pipa mot pendant un moment.

—       Il doit juste me passer des fiches de cours si ça peut te détendre.

—       Il faut que je m'énerve pour que tu me répondes enfin alors ? fit-il en portant son verre à ses lèvres.

—        Je ne crois pas que ce soit une bonne idée qu'on se fréquente pour être honnête.

—       Pardon ?

—         Tu t'entends, tu deviens hystérique et tu ne lâches rien. Je n'ai pas besoin de ça aujourd'hui.

—        C'est ça de se sentir proche de quelqu'un. Tu ne sais pas faire la différence car tu n'as jamais été autant attiré par quelqu'un comme moi.

—       Qu'est-ce que tu en sais ? On se connait à peine.

—      Ça se voit. Me sortit-il pour seule réponse.

            Tout le reste de la soirée, j'étais partagée, non, tiraillée entre une envie de l'étrangler pour son arrogance et en même temps je crevais d'envie de l'embrasser. Cette situation ne parut pas le gêner, il mangeait tel un ogre affamé, se passant de temps en temps la main dans sa chevelure parfaitement agencée. J'aimais la manière dont il se coiffait, son regard, son assurance permanente, sa démarche, sa voix. C'est à ce moment-là que je rendis compte à quel point j'en étais folle. Cela me terrifiait de craquer pour quelqu'un si rapidement en le connaissant si peu. Le dîner s'acheva tranquillement.         

Nous sortîmes dehors, le temps était doux. Nous fîmes quelques pas dans la rue, quelques lampadaires grésillaient, nous aperçûmes quelques couples qui sortaient de bars ou restaurant, se tenant la main, s'embrassant s'enlaçant tout en marchant rapidement vers leur voiture. Il se faisait tard, et les rues n'étaient plus très sûres passées une certaine heure. Au bout d'une vingtaine de minutes nous arrivâmes sur le campus. L'un en face de l'autre, aucun ne décrocha un mot. L'on se contentait de s'observer mutuellement. L'obscurité laissait une partie du visage de chacun dans l'ombre. Je sentis que Carl allait de nouveau se pencher vers moi, quand mon téléphone vibra de manière assez incessante. Je le sortis de la poche de ma veste et aperçut une alerte, un nouvel incendie avait fait plusieurs morts dans mon pays, cette-fois tout près de chez Elena. Ce message coupa court à mon élan de répondre à l'avancée de Carl.

—       Vraiment désolé de couper comme cela, mais je dois prendre un appel.

—        Rien de grave ? dit-il avec un semblant de moue en fronçant les sourcils.

—        J'espère que non, on se voit plus tard. Dis-je en tournant les talons.

J'allais composer le numéro d'Elena quand Carl m'attrapa par le bras et me plaqua contre lui. Je n'eus pas le temps de réagir qu'il m'embrassa durant plusieurs secondes avant de me relâcher et disparut.

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