Entrevue

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Un événement va cependant contrarier les voluptueux projets de Titus. Son père, qu'il n'a plus vu depuis deux semaines au moins, lui a envoyé un messager. Sur la tablette, il a gravé quelques phrases anodines. Une demande de rendez-vous entre père et fils en quelque sorte. Jusqu'ici, Vespasien s'est peu immiscé dans les affaires de Titus. Sa vie privée n'a jamais fait l'objet d'une entrevue, bien que sa relation avec Bénédicte lui soit fortement défavorable. Son père souhaite donc sans doute insister encore une fois sur la nécessité de l'écarter des décisions politiques.

Ses faits et gestes sont malheureusement jugés également par son père Vespasien. D'ordinaire, il laisse agir son fils à sa guise, heureux de l'avoir depuis toutes ces années à ses côtés. Combien de batailles ont-ils gagnées ensemble ? Il ne les compte plus. Sans lui, il aurait certainement flanché devant ses ennemis. Il a gagné ses titres à force de courage et de ténacité.

Aujourd'hui, l'empereur Vespasien demeure dans une superbe villa à colonnades d'inspiration grecque, au milieu des vignes et des oliviers centenaires. Il savoure un train de vie plutôt agréable. La paix est revenue dans le territoire romain. Son autorité, déjà auréolée de gloire au fil du temps, s'est affirmée. Ses armées toujours prêtes au combat bénéficient d'un budget conséquent. Il peut s'enorgueillir de disposer d'une troupe entraînée, organisée, disciplinée.

Il doit néanmoins régler quelques petits soucis d'ordre personnel. Son fils Titus ne parvient pas à se comporter comme il aimerait. L'éducation rigide qu'il a reçue ne transparaît pas aujourd'hui. Ses conseillers enragent de le voir s'encanailler avec de filles de la plèbe.

- Vous devez agir, empereur Vespasien. Sa réputation sulfureuse entache vos actions qui en tout points satisfont les citoyens. Chaque jour, on nous rapporte vos réalisations qui embellissent la cité romaine. Mais votre fils pourrait vous nuire par ses agissements scandaleux. La bienveillance n'est pas de mise lorsqu'on dirige un royaume. Il faudrait lui parler. Les romains attendent cela. Nous avons des comptes à rendre au peuple.

- Bien, bien, je vous entends. Qu'il ne soit pas dit que je n'ai pas tout fait pour cette ville. Je m'y emploierai jusqu'à ma mort. Et mon fils devra prendre acte de ce que je vais lui dire. Vous pouvez disposer.

Contrarié, le vieil homme, qui, tout au long de sa carrière a dû faire face à de nombreux problèmes, doit maintenant gérer ce fils excessif en tous points. Son caractère d'enfant gâté ne plie pas facilement. C'est la plus dure tâche qu'il ait à accomplir car son amour pour Titus est grand, et jusqu'ici il a accepté de fermer le yeux.

L'entrevue eut lieu dans son grand salon pourpre, décoré de mosaïques au sol représentant Jupiter, un aigle à ses pieds, une lampe à huile dans la main gauche pour éclairer le monde.

Sur une table en marbre, il avait fait disposer deux grands verres en cristal contenant le meilleur vin du pays et une coupe de fraises d'un rouge éclatant.
Installés en position semi-couchés sur deux banquettes recouvertes de coussins soyeux, ils commencèrent à parler de leur tâche respective au sein du royaume. Vespasien souhaitait aborder le thème pour lequel il l'avait convoqué sans le braquer. Car Titus était capable de colères terribles.

- Je suis heureux que nous soyons parvenus à maîtriser toutes sortes de situations difficiles ensemble.

- Moi aussi, père.

- Ne crois -tu pas qu'il serait dommage de gâcher ce bel avenir que tu as encore devant toi ? Je suis vieux, je sens la fin proche. Je ne partirais pas tranquille si je savais qu'une menace pèse sur tout ce que l'on a bâti ensemble.

- Je ferai de mon mieux, père.

- Je te demande fermement de veiller à garder une attitude digne et responsable. Comprends-tu ?

- Oui, père, je tiens à mon titre.

- Il faut que tu sois plus méfiant, on m'a rapporté des choses dont je ne suis pas fier. Promets-moi d'être vigilant. Des langues se délient. Tu n'es pas assez discret.

- J'y veillerai, père.

Les poings serrés, le visage grave, Titus s'en retourne dans sa villa, déçu de ne pouvoir mener à bien ses desseins, furieux de ne pouvoir réaliser ses fantasmes les plus tenaces. Pourtant, il n’abandonne pas l’idée. Tel un enfant capricieux, il fait toujours tout pour obtenir ce qu'il souhaite. Quelles que soient les manières d'y parvenir, quelles que soient les conséquences.

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