Nathan est seul sur scène. Il semble heureux et tient une lettre dans sa main. Il s’adresse au public.

NATHAN

Hier, j’ai reçu mon premier courrier d’admirateur. Enfin. Enfin, je me sens moi-même et totalement compris. Enfin, je suis artiste.

Il lit la lettre.

« Cher Monsieur Chevreuil,

D’aucuns diront que je suis réactionnaire, pleine de jalousie et absolument fermée à l’art actuel. À cela je réponds que c’est absolument faux et qu’il y a bel et bien des œuvres qui me plaisent aujourd’hui. J’ai admiré le scandaleux, j’ai encouragé l’audacieux, j’ai défendu l’insensé et il m’est déjà arrivé d’acclamer le mauvais goût.

Mais je dois dire, monsieur, que je n’ai jamais croisé lors de mes pérégrinations de travaux aussi répugnants et indéfendables en tout point que les vôtres. Je suis persuadée que ces chefs d’œuvres ultimes ne peineront pas à trouver de frissonnants acquéreurs mais il me semble évident que leur place n’est ni dans une collection, ni au musée.

L’art est une responsabilité. Ce n’est ni un jeu, ni du superflu. Et si vous, monsieur Chevreuil maintenant artiste… »

Artiste !

« …maintenant artiste, menez avec exception et amour votre dessein créatif, ce dernier n’excuse pas, ni ne pardonne. Il ne pardonne ni la violence, ni l’immoralité, ni les criminels.

Je ne doute pas de votre honnêteté, de votre talent, et encore moins de votre haut sens de l’art. Mais tous ces honneurs ne vont protégeront pas du mépris, du dégout et de la révolte que m’inspirent le grondement de ces œuvres.

Il n’empêche, je vous souhaite de ne vous contenter que de l’art. Le reste serait dangereux.

Julie Braque »

Enfin, quelqu’un qui a compris.