Chapitre 4 - L'anniversaire

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Le lendemain matin, sa sœur est encore aux abonnés absents. Les larmes menacent à nouveau de sortir : pourquoi n'est-elle pas rentrée pour son anniversaire ? La fuite permet à Chloé d’affronter le quotidien et surtout le bac qu’elle se doit de réussir pour intégrer l’école de kiné dont elle rêve. Malgré cela, Maéline lui en veut. Terriblement. Après leur mère, sa sœur représentait son second pilier. C’est elle qui la défendait en cour de récréation quand elle se faisait insulter. Elle qui lui faisait la morale de ne pas être trop gentille avec tout le monde au risque de se faire piétiner. Elle qui prenait sa défense quand leurs parents lui reprochaient de mauvaises notes. Elle, enfin, la première au courant de tous ses secrets.

Décidée à ne pas se laisser plomber sa journée, la jeune fille attrape un pot de glace avec une cuillère et s'affale dans le canapé pour regarder la série de vieux Friends. Sa mère les a converties, Chloé et elle, un an plus tôt. De la légèreté et du plaisir c'est ce qu'il lui faut pour ses seize ans. D’ici quelques jours, elle se plongera dans l’épreuve de français, mais pour l’instant le lycée vient de finir et c’est sa journée.

À l'heure du déjeuner, la porte d'entrée s’ouvre.

— Maé ?

— Yes !

— C'est moi. T'as préparé le déjeuner ?

— Et puis quoi encore ? De toute façon, je sais même pas quelle heure il est.

Au même instant Chloé déboule dans le salon, un gros sac kraft en main et un sourire radieux sur le visage :

— J’ai pas fait gaffe à l’heure, je me suis speedée pour rentrer. Heureusement, je suis arrivée à temps. Tiens je suis passée chez le japonais, dit-elle en lui faisant un clin d'œil. Au pire, ç’aurait été pour ce soir.

— Trop cool ! T'as pris des sushis et des Californias ?

— À ton avis ? Il faut au moins ça pour fêter tes seize ans !

Chloé pose le sac, s'approche et enlace Maéline tendrement.

— Bon anniversaire, sœurette !

La cadette éteint la télé et les deux sœurs s'installent sur la table du salon pour déjeuner tout en se racontant leurs dernières journées. Arrivées au dessert, Chloé sort un petit emballage. Maéline la remercie, les yeux rayonnants.

— Attends d'avoir ouvert. Qui te dis que j'ai pas mis une grosse connerie dans ce paquet ? lance Chloé avec une expression moqueuse.

Maéline déballe à la hâte pour découvrir une boîte à bijoux qu'elle ouvre aussi sec :

— Elles sont trop jolies ces créoles !

— Attends voir, laisse-moi te les mettre.

Maéline embrasse sa sœur puis lui tend la boîte. Le contact délicat des doigts familiers lui provoquent une vague de douceur qui hérisse ses poils des pieds à la tête. Par ce simple moment fraternel, l'adolescente sent l'appartement reprendre d'un coup quelques couleurs.

Dès que Chloé a fini d'accrocher la deuxième boucle, Maéline se précipite devant le miroir :

— Ouaaahh ! J'adore ! Je les mets ce soir !

— De sortie ?

— Oui. Une fête chez Jennifer.

— J'ai été bien inspirée alors. Bon, on va s'occuper de maman.

Une ombre passe sur leur visage. Chloé ramasse le sac kraft et les deux sœurs se dirigent vers la chambre.

— Maman.

— Je suis réveillée, articule-t-elle au ralenti.

— Je vais tirer le rideau et aérer un peu, annonce Chloé. Maé, tu peux lui installer son déjeuner ?

La jeune fille vide le plateau sur la commode puis pose une boîte de sushis avec une fourchette, sa mère est trop faible pour manier des baguettes.

— Merci, mon chaton. Quelle heure est-il ?

— Quatorze heures.

— Si tard ? On est quel jour ?

— Le cinq juin.

— Oohhh, mon chaton, bon anniversaire !

Maéline répond poliment en dissimulant sous un masque de jovialité la peine qui lacère son cœur. Elle n’y a pas pensé d’elle-même, et elle n’a sans doute rien acheter pour l’occasion.

— Merci maman.

— Il va falloir acheter... un cadeau.

— Je m'en suis occupée, maman, intervient Chloé.

— Ooh ! Comme c'est gentil, murmure Brigitte. Je suis désolée, on le fêtera plus tard. Je suis très fatiguée, je vais dormir un peu.

La mère repousse le plateau, attrapé par les adolescentes alors qu’elle s'allonge sur le côté.

Elles quittent la pièce en prenant soin de laisser la fenêtre en oscillobattant et de récupérer les affaires sur la commode, puis Maéline jette un coup d'œil à son téléphone. Pas de nouveau message. Son père...

Malgré la présence de son aînée, Maéline se sent affligée. Les larmes la pressent de les laisser sortir. L’adolescente les refoule, un nœud dans la gorge. Sa sœur la sort de ce trop-plein émotionnel.

— Écoute, comme tu sors ce soir, je te propose une séance de manucure en ville et ensuite je m'occupe de te préparer pour la petite fête.

— Merci Chloé, souffle Maéline.

L'aînée attrape sa sœur et la serre fort alors que quelques larmes roulent sur l'épaule consolatrice.

— Allez, on y va ! lance Chloé en surjouant la gaieté.

L'atmosphère vivante du centre-ville de Rennes, leur permet d'oublier et de rester dans une bulle plus positive. Les terrasses sont pleines de lycéens venus décompressés avant les révisions du bac, d’étudiants enfin libérés de leurs examens de fin d’année, de shoppeurs en repérage d’avant soldes, des premiers touristes voulant éviter la vague estivale. Malgré l’épreuve de français qui l’attend, sentir les prémices de longues vacances ravit Maéline. Chez l'esthéticienne, elle choisit un vernis rosé avec des motifs floraux tandis que sa sœur opte pour un bleu électrique accordé à ses yeux.

Les deux adolescentes profitent d'être en ville pour prendre un bubble tea en terrasse avant de repartir pour une séance de maquillage à la maison. Maéline s'installe sur une chaise face à sa sœur qui lui pose un bandeau sur les cheveux afin de ne pas être gêner par des mèches rebelles.

— Tu me donnes quartier libre ? questionne Chloé tout en ouvrant le fard à paupière.

— Évidemment, tu maquilles mieux que moi de toute façon. Force pas trop, un truc joli mais assez discret.

— L'aînée est toujours la meilleure ! s'exclame Chloé en chatouillant sa sœur sur les flancs.

— On parle de ton... lissage foiré où... t'as failli... cramer tes cheveux ? articule Maéline entre deux éclats de rire.

— T'as marqué un point, capitule Chloé en ôtant ses mains de la taille de Maéline pour attraper la boîte de maquillage laissée ouverte.

Le contact du pinceau sur les yeux est une agréable caresse qui berce la jeune fille. Lorsque Chloé s'occupe du fond de teint puis du fard pour ses pommettes, Maéline souffle d'aise. Ce moment de soin et de complicité lui offre une détente bienfaitrice. Ses muscles se relâchent un à un. Une part d'elle aimerait que ce moment dure toujours. L'autre part attend avec excitation l'arrivée chez Jennifer avec l'espoir de séduire Mattéo.

— Si tu veux, je te prête ma robe verte qui s'attache autour du cou.

— T'es sérieuse ? D'habitude faut que je te supplie tellement t'as peur que j'abîme la moindre de tes affaires.

— Arrête ou je vais changer d'avis.

— Ok, ok, j'accepte !

Chloé sourit.

— Allez, dépêche tu vas finir par arriver en retard et moi aussi. Déborah m'attend pour une soirée films à l'eau-de-rose.

Les deux jeunes filles s'activent. Chloé aide sa cadette à nouer la robe dans son cou. Une fois attachée, Chloé applaudit.

— T'es trop canon !

Maéline rougit, s'approche du miroir.

Sa sœur a vraiment un don pour mettre en valeur le visage d'une femme. Ses yeux verts semblent briller sous le maquillage bronze et ses lèvres rouge vif n'attendent plus que d'être embrassées. Les imperfections laissées par l'adolescence ont disparu sous un fond de teint discret et uniforme tandis que ses joues rosies lui font retrouver sa mine des bons jours, si rares aujourd'hui.

La robe met en valeur ses épaules et sa taille fine. Ses cuisses qu'elle trouve trop musclées sont cachées par le vêtement qui s'arrête au niveau du genou. Les créoles et une chaîne près du cou avec un petit pendentif en forme d'infini viennent magnifier le tout. Maéline s'est rarement sentie aussi jolie, parfait pour le jour de son anniversaire !

Ce soir, elle se sent séduisante, radieuse, légère.

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