Chapitre 3

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A l’horizon, le reflet de la lune aurait pu offrir une scène mélancolique si ce n’était pas pour la fine brume qui nappait les docks et ses alentours, donnant un air sinistre au paysage. Dans les environs, les dockers et les marins rejoignaient leurs quartiers, vidant lentement les lieux. Les lueurs aux fenêtres des bâtiments s’éteignaient au fur et à mesure pour laisser place à la nuit noire.

En hauteur du port et de ses quartiers d’habitations, Valion se tenait en silence sur une petite estrade en pierre, face à l’océan de Pranamante. L’épais manteau dont il s’était vêtu couvrait ses longs cheveux noirs réunit en queue de cheval et la quasi-totalité de sa tenue, d’un blanc immaculé.

Le dernier océan qu’il avait contemplé était le Lasen, au nord du continent. A cette période de l’année, les glaces commençaient certainement à en couvrir les parties les plus polaires, le rendant petit à petit impraticable en navire. Il avait toujours aimé l’océan, qu’il soit nimbé de brume ou couvert de glace. Seulement, la vue de celui-ci lui laissait un goût amer en bouche.

Les anciennes gravures de son peuple lui revinrent à l’esprit. Il ferma les yeux et imagina un bref instant les immenses tours de pierres blanches qui bordait jadis l’océan, accompagnées de nombreuses passerelles, arches et autres somptueux bâtiments. L’entrée maritime de l’antique cité issue d’une image d’un passé qu’on lui avait dit glorieux.

Mais, les siècles passant, les côtes avaient subi le poids des ans et l’érosion avait emporté au fond de la Pranamante ces gracieuses tours. Aujourd’hui ne restait rien d’autre qu’un grand vide. Ils méprisaient de voir ce que les humains avaient fait de ces merveilleux paysages.

Ses projets personnels le contraignaient malheureusement à endurer cette triste réalité. Il avait fait un long et épuisant voyage depuis son départ de la maison natale et le meurtre de sa mère. Mais aujourd’hui, savoir qu’il se rapprochait lentement mais surement de sa conclusion l’emplissait d’une joie certaine.

Il avait quitté les siens sous la honte et les moqueries mais à son retour, c’est lui qui rirait. Plus personne ne douterait de lui, plus jamais. Et quant à sa mère, elle ne sera pas morte en vain. Bientôt, ce sombre épisode de son existence arriverait enfin à son terme.

Valion finit par détourner son regard du port. Il était temps de rentrer. Mais du coin de l’œil, il vit une lanterne apparaître au loin dans la brume. En émergea trois individus, dont un de grande taille, en apparence plus fatigué que les autres. Il s’agissait de Vancel et de ses deux compagnons de beuverie.

Sur les premiers mètres, le vent porta jusqu’aux oreilles de Valion les premiers mots de leur conversation.

— Garce de Mortis ! Un jour, je me la ferais !

— C’est ça. Préviens-nous quelques jours à l’avance, histoire qu’on ait l’temps d’creuser ta tombe, rétorqua alors le comparse à sa droite.

— Ouais, parc’que le seul qui clamsera, ce s’ra toi, imbécile.

Ils continuèrent leur avancée, Vancel presque boiteux. Le sort de Garance avait laissé quelques traces. Ils se rapprochaient de plus en plus de Valion et du chemin qui les mèneraient jusqu’au quartier du port.

— J’ai jamais compris pourquoi vous les détestez autant. Mais qu’est-ce qu’ils vous ont fait au juste ?

— Ce qu’ils ont fait ?! Ces chiens crachent sur nos Dieux à longueur de journée par leurs actes ! Ils n’ont aucun honneur et ils osent s’appeler « Chevalier » ?! Ce sont de vils sorciers ! Qu’ils crèvent ! Tous autant qu’ils sont !

Les deux comparses n’insistèrent pas plus, perdu dans sa haine qu’il était.

Les Mortis ? Voilà qui méritait que l’on s’y attarde. Valion retira sa capuche avant de s’approcher d’eux, un air faussement inquiet sur le visage.

— Vous semblez bien amoché, mon ami. Mais quel genre de bête sauvage vous a agressé de la sorte ?

Le groupe s’arrêta brusquement. L’homme qui les avait surpris était un étrange personnage. Ses iris d’un blanc glacial et immaculé, cerclés d’une fine ligne noire, firent froid dans le dos aux deux amis de Vancel. Celui-ci ne s’attarda d’ailleurs pas sur ce détail, trop en colère pour s’en soucier.

— Le genre qui mérite la mort. Une Mortis !

— Ça par exemple !? Ici ? Dans cette si belle et noble cité ? Quelle tragédie. Qu’Aelleon nous garde ! répondit-il, une main sur le cœur.

— Vous êtes pas d’ici, vous, hein ? Ça se voit à vos vêtements.

Valion s’inclina.

— En effet. Je suis un humble voyageur venu ici en quête de…nouveautés, si je puis dire.

Son sourire froid ne les rassura pas.

— Si j’étais vous, j’m’en ferais pas trop pour ces sorciers de la Légion. Ils auront un jour ce qu’ils méritent. Notre noble roi s’en assurera, au nom du Divin Aelleon.

Vancel semblait s’avoir quelques choses et cela intrigua grandement Valion. Peut-être y avait-il matière à approfondir. Il remit alors sa capuche.

— Cet échange fut des plus enrichissants, messieurs. Mais si vous voulez bien m’excusez, il se fait tard et j’ai du travail qui m’attend tôt ce lendemain.

— Pour sûr, m’sieur.

— Bonne nuit à vous.

— Et gardez vos distances avec cette sorcière, si vous le pouvez. Cela vaudra mieux pour votre âme.

Il était temps qu’ils rentrent. Ce personnage ne leur inspirait guère confiance. Lentement, les trois comparses s’éloignèrent de lui puis s’en retournèrent vers leurs dortoirs, quelque part à l’ouest du port.

Valion les observa s’éloigner dans la brume pendant quelques instants. Il sourit de nouveau, cette fois-ci plus sombrement. Ces chers Mortis semblaient bien loin d’avoir des alliés par ici. Voilà qui l’enchantait grandement.

Le vent se remit à souffler et Valion reprit sa route vers l’est de la capitale. Il n’avait plus de temps à perdre. Il jeta un dernier coup d’œil à l’océan, tout en sachant qu’une fois sa tâche accomplie, il aurait tout le loisir de le contempler, du haut de leur ruine.

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