Chapitre 11 (2/3)

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En plus de leur accoutrement habituel, ils portaient le manteau de leur ordre. D'un tissu de laine bleu sombre, les manches et le dos du vêtement étaient brodés de motifs en lien avec les dragons, gardiens du savoir et messagers du dieu Lothrean. Une dague était accrochée à la ceinture du Sage, tandis que son apprenti, lui, portait un catalyseur, une arme assez classique chez les mages des Grandes archives. Celui de Galbali se présentait sous la forme d'un bâton de la même taille que lui, environ un mètre quatre-vingts.

Cette arme, en forme de canne, de bâton ou de sceptre, était toujours couvert de diverses runes et symboles permettant de canaliser et amplifier la magie ambiante. Il pouvait aussi, à de plus rares occasions, être orné d'un cristal aux mêmes propriétés. Toujours en bois, bon nombre d'entre eux cachaient bien souvent une épée ou une dague. Entre les mains de mages expérimentés, ces armes étaient capables de bien des ravages.

Victor se tourna vers Alan et son apprenti. Comprenant ce que le commandant s'apprêtait à lui demander, le Sage le prit de court.

— Sérion nous a résumé la situation, lui répondit-il simplement.

Victor acquiesça. Parfait, ainsi il n'aurait pas à se répéter une nouvelle fois.

— Dans ce cas, nous allons pouvoir commencer. Walther, si tu veux bien...

Le commandant en second se tourna vers Shaelo. Celle-ci le regarda droit dans les yeux, la gorge serrée.

— Les Noirelames sont demeurés silencieux pendant plus d'une semaine, préférant jouer en solitaire. Silence qui a coûté la vie à bon nombre de personnes et potentiellement mis cette cité et l'ensemble de ses habitants en danger...

Walther abaissa son visage à hauteur de l'oreille gauche de la contrebandière.

— Si tu tiens à sortir d'ici en un seul morceau, je te suggère de répéter ce que tu m'as dit, mot pour mot, lui murmura-t-il d'un ton sombre et glacial.

Shaelo observa le mage avec une certaine crainte. De tous les Chevaliers noirs de la cité, c'était le plus impitoyable. Il n'aurait aucune hésitation à lui arracher un œil si cela pouvait la faire parler. Elle s'exécuta sans protester tenant bien trop à sa vie. Walther se redressa tandis que Shaelo levait les yeux en direction du commandant.

— Des fouteurs de merde ont débarqué dans les souterrains, il y a neuf jours. Au tout début, ces chiens se sont installés dans le troisième sous-sol, dans une zone un peu isolée. A ce moment-là, ils n'agaçaient personne et se tenaient à l'écart des nôtres. D'après certains de nos gars qui les observaient, ils semblaient mener des recherches dans les galeries du quatrième sous-sol, jusqu'au moment où ils y sont descendus. Ça devait être quelques heures à peine après leur arrivée. Ils s'y sont installés pour de bon, dans les catacombes apparemment. Je sais pas comment ils s'y sont pris mais y en auraient chassés les revenants. Résultat, plusieurs de nos gars se sont fait refroidir. Au départ, on avait pas fait le lien avec ces emmerdeurs. On a donc fait comme d'habitude et on est venu vous voir pour que vous régliez le problème. On pensait que c'était réglé mais ça a recommencé et limite continué toute la soirée. Là, le chef en a eu assez et a décidé de prendre personnellement les choses en mains.

A ce souvenir, elle se mordit la lèvre de colère.

— On savait où se trouvait l'entrée des catacombes, du côté du troisième sous-sol. Le chef a envoyé Lothaire et un paquet d'hommes trouver et déloger les autres rats au beau milieu de la nuit. On espérait les surprendre. Mais nos gars se sont faits décimer. Lothaire est jamais revenu. Il y a eu que trois survivants à ce moment-là. Un est toujours dans les vapes et les deux autres ont clamsé chacun leur tour dans la semaine. De ce qu'ils ont dit, y aurait deux mages puissants là-bas. Ils ont massacré nos gars sans état d'âme.

Ce qu'elle dit prit l'ensemble du groupe par surprise. Victor fronça les sourcils, mécontent d'une telle nouvelle.

— Vos survivants ont-ils pu décrire leurs assaillants ? Un trait physique particulier ?

— Pas vraiment. Ils se souvenaient pas de grand-chose... Ils étaient grands... Un avait des cheveux noirs et devait avoir votre âge, dans la cinquantaine. Ils se souvenaient beaucoup plus de l'autre, je sais pas trop pourquoi. Il était beaucoup plus jeune, avec des cheveux longs...noirs avec des mèches blanches apparemment. Il était entièrement vêtu de blanc. Le plus cruel des deux de ce qu'ils nous ont dit... Plus personne s'approche de la zone depuis.

— Plus personne sauf toi, invectiva Garance.

Cette nouvelle provocation la fit monter dans les tours. Shaelo perdit son calme une nouvelle fois.

— Ces fils de chien ont tué Lothaire ! Il est mort ! Mort... Et tout ça...tout ça, c'est d'votre faute !! Vous n'amenez que des emmerdes partout où vous allez !! Allez-donc tous crever ! Je...

Shaelo commença à se débattre. Lassé de ses sautes d'humeur, Walther l'attrapa par les cheveux et la ramena brusquement en arrière, contre le dossier de la chaise. Shaelo étouffa un cri, plus de colère que de douleur.

— Silence, lui dit-il d'un ton tranchant.

Les derniers commentaires de la contrebandière agacèrent quelque peu Victor qui se fit une joie de lui répondre.

— Si vous n'aviez pas décidé d'agir en solitaire, vous n'en seriez probablement pas là. Vous seuls êtes à blâmer pour ces morts. Il est tellement plus facile de s'en déresponsabiliser et de les mettre sur notre dos. Cessez de vous comporter comme des enfants et assumez donc vos actes. Le fait que nous vous ayons demandé de faire part de toute activité anormale dans les souterrains était loin d'être anodin. Il satisfaisait les deux camps. Si vous nous aviez prévenu dès le début, nous n'en serions peut-être pas là aujourd'hui.

Le groupe demeura silencieux pendant un temps. Le commandant avait raison. Les Noirelames s'étaient montrés imprudent à vouloir ainsi gérer la crise par eux-mêmes. Et tous en payaient aujourd'hui les conséquences.

Shaelo ne dit rien mais toute la considération qu'elle portait pour son avis put se résumer au regard méprisant qu'elle lui jeta.

Reprenant dans son esprit les explications de la contrebandière, Garance tâcha de trouver un lien avec les différentes affaires dans lesquelles elle avait été impliqué jusqu'à présent. Elle partagea sa réflexion à voix haute.

— Les intrus sont arrivés il y a neuf jours... Ça coïncide avec ce que les Beaumont m'ont dit... (Elle soupira.) En attendant, s'ils se sont installés dans les catacombes, je comprends mieux pourquoi les spectres se lamentaient d'avoir été « chassés ».

A la mention des catacombes, Victor se rappela un autre point du témoignage de Shaelo. Il s'adressa de nouveau à elle.

— Tu dis qu'ils se sont installés dans une zone du troisième sous-sol avant de descendre plus bas en direction des catacombes. Laquelle précisément ?

— Une salle un peu éloignée des galeries principales. Elle a rien de particulier. Tout ce que je sais, c'est qu'elle a servi à des espèces d'érudits, il y a douzaine d'années. Je sais pas où elle se trouve par contre. C'est Adelin qui s'est chargé de les surveiller au début, pas moi.

Victor serra les poings. Il n'y avait qu'une seule salle de ce type dans le troisième sous-sol ; celle qui avait servi de base arrière au groupe de chercheurs dirigé par Kaerolyn.

— Devrions-nous rendre une petite visite à Adelin ? lui demanda Walther.

Il s'arrêta à cette seule question, se doutant de la réponse de son ami. Il cherchait à pousser Victor à parler ouvertement des derniers mois de Kaerolyn. Il était temps que ses enfants sachent la vérité. La mascarade avait assez duré. Alan ne disait rien mais partageait aussi cette pensée.

— Non. Cela ne sera pas nécessaire. Je sais où cette salle se trouve.

Le commandant était loin d'être dupe. Il voyait bien où Walther voulait en venir. S'il ne disait rien, son silence n’apparaîtrait que comme suspect. D'autant plus qu'il était arrivé à la même conclusion que son second. Il y avait un temps pour le mensonge et un temps pour la vérité.

Garance, William, Sérion et Morga le regardèrent avec étonnement. Comment savait-il de quoi Shaelo parlait ? Galbali se montra bien moins surpris. Son maître avait pris le soin il y a quelques temps d'esquisser le secret qui liait le Grand Commandant Mortis aux souterrains d'Agrisa et le fait qu'il n'en ait jamais parlé à ses enfants.

— Je vous y conduirais en temps voulu, répondit Victor, notant le trouble dans leur expression.

Il espérait pouvoir gagner un peu de temps avant d'en parler plus en détail. Maintenant, n'était simplement pas le bon moment. Face à sa réponse, les quatre Chevaliers noirs n'insistèrent pas. Ils attendraient. Mais leur silence n'empêcha pas Galbali de poser une des questions qui leur brûlaient à tous les lèvres.

— Mais quel genre de recherches ils menaient par là-bas ? Les Grandes archives les ont pourtant clôturés il y a longtemps...

Galbali était convaincu qu'il leur fallait à tous connaître les derniers évènements majeurs qui eurent lieux en Agrisa pour comprendre l'ampleur de l'affaire qui les avait tous réuni ici. Mieux saisir ce qui avait motivé ces intrus à pénétrer ces lieux en particulier les aideraient grandement à mettre en place un plan d'action adapté. Mais pour ce faire, tous se devaient d'être au courant de la vérité, aussi pénible pouvait-elle être à annoncer ou à entendre. Lui aussi ne savait pas tout, Alan n'étant pas rentré dans les détails de l'histoire sordide qui entourait les derniers mois de Kaerolyn.

— S'approcher aussi près des catacombes... Avec un si petit nombre, il faut vraiment être inconscient, finit-il par dire.

— Ou savoir exactement où tu vas et pourquoi tu viens...

— Qu'est-ce que tu veux dire par là, papa ? Tu as une hypothèse ?

Garance était persuadée qu'il avait une idée précise en tête.

— Oui. Enfin, peut-être…

Quelque chose en lui le confortait de plus en plus dans cette position. Cette affaire avait un lien avec les recherches de Kaerolyn. William et Garance se regardèrent en silence sentant bien qu’il leur cachait quelque chose, et quelque chose d'important.

— Dans l'immédiat, il y a surtout une chose qui me préoccupe, fit Morga, cherchant à poursuivre la réflexion du groupe.

— Laquelle ? demanda Garance.

— S'ils ont véritablement chassé les morts des catacombes ou d'une partie des catacombes... Ils vont allez errer où ? Ils vont s'en prendre aux Noirelames ? Trouver un chemin et remonter jusqu'à la surface ?

William parut pensif. Elle avançait un point pertinent.

— Vu ainsi, cela n'annonce rien de bon.

— Il nous faudra surveiller cela. On ne peut se permettre de laisser un seul mort remonter jusqu'à la surface, intervint Walther.

— Et les Noirelames ? demanda Sérion, en indiquant Shaelo de la tête.

Walther la dévisagea et ne dit rien. Il laissa Victor répondre à l'elfe.

— Qu'ils se débrouillent. Ils ont voulu gérer le problème en solitaire. Laissons-les régler le problème en solitaire. D'autant plus que nous n'avons plus besoin de leur aide. Contentons-nous de protéger les habitants à la surface.

— Non mais je rêve ! Et t'oses nous faire la morale sur la responsabilité de nos actes ?! Vous vous êtes engagé à nous protéger de ces saletés en échange de notre aide ! Espèce de...

— Ferme-là.

Walther resserra sa prise sur son épaule, assez fortement pour l'empêcher de répliquer. Garance observa Morga en haussant un sourcil.

— Avec ce qu'elle nous a raconté, très honnêtement, je pense que les morts sont le cadet de nos soucis. (Elle se tourna vers le groupe.) Qu'en est-il de ces mages ? Qui sont-ils et que veulent-ils ?

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