Chapitre 15 (2/2)

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A la surface, l'ensemble des Chevaliers noirs, le Bibliothécaire et son apprenti s'étaient réuni dans le réfectoire.

Garance, William et Sérion, assis sur le même banc, avaient le visage fermé. Louise et Isabelle venaient de finir de s'occuper de leurs blessures et avaient quitté la salle dans la foulé pour leur laisser un peu d'intimité. Morga se trouvait en face d'eux, les poings serrés et posés sur ses cuisses. Alan était installé dans un des fauteuils près de la cheminée, sa pipe dans sa main droite et Galbali debout à sa gauche.

Walther, qui s'était absenté quelques instants le temps de donner de nouvelles directives aux légionnaires, pénétra dans la salle. Il referma la porte du réfectoire puis vint se placer à la gauche de Victor, assis à côté de Morga.

Quelques instants plus tôt, le trio était rentré en courant dans le hall d'entrée, essoufflé et alarmé. Vite accueilli dans la grande salle par les membres de la maisonnée, ils n'avaient depuis pas encore eu le temps de rentrer dans les détails de leur mésaventure.

Les visages étaient inquiets et concernés. Personne ne s'était attendu à ce que la nuit prenne un tel tournant.

— Cet intrus, avez-vous appris son nom ?

— Non, papa, mais l'Archonte l'a appelé un « Immaculé », répondit Garance.

Elle resserra l'épaisse couverture en laine autour d'elle.

— Un Immaculé..., répéta lentement Alan, l'air pensif.

— Tu sais de qui il s'agit ?

— Je n'en suis pas certain mais ce titre me semble...familier. Mais je ne sais plus où je l'ai entendu... Navré, Victor.

— Ce n'est rien, Alan.

Il soupira.

— Cet...Immaculé, à quoi ressemblait-il ?

— Il était tel que Shaelo nous l'a décrit. Très grand, pas loin des deux mètres je dirais. Il avait bien des cheveux noirs, longs en queue de cheval avec des mèches blanches.

— Sans oublier ses iris, aussi blanche que sa tenue.

Sérion les avaient d'ailleurs vus de près, de très très près.

— Et puis... Il avait une apparence humaine mais...sa taille, sa façon de parler, sa posture... Il y avait quelque chose de vraiment étrange avec lui..., rajouta Garance.

Son frère fit une grimace.

— Il était d'une arrogance...et hautain, et acide.

Il serra les dents. Il avait toujours eu horreur de ce genre de personnage. Garance desserra sa prise sur la couverture puis posa ses bras sur ses cuisses. Elle tourna son regard vers son père.

— En tout cas, je suis sûre d'une chose avec ce type. Il nous hait. Je l'ai vu dans ses yeux. C'est le genre de regard à vous glacer le sang en un instant. Et...papa... Il connaissait maman.

Victor ravala un hoquet de surprise.

— Comment ?

— Il n'a pas dit grand-chose la concernant mais il savait qu'elle était notre mère et...il l'a aussi qualifié de « traîtresse ».

Les bras croisés, William serra fortement les poings. Il poursuivit les explications de sa sœur.

— Il s'est aussi moqué de nous en rajoutant que nous ignorions ce qu'il lui était réellement arrivée ainsi que les véritables raisons de sa présence en Agrisa.

Il y eut un long silence. Garance baissa la tête puis répondit à son frère.

— Pour Agrisa, c'est normal que nous ne sachions rien. Quand elle parlait de ses voyages, elle nous disait seulement où elle allait et nous parlait des légendes qui entouraient ces mêmes lieux. Elle restait toujours vague sur les raisons de sa présence et sur ses recherches.

— Garance a raison, William... Vous étiez trop jeunes, trop inexpérimentés pour qu'elle partage cela avec vous en détail. Et encore, je vous dis cela mais... Même moi, je n'étais pas au courant de tout.

Soupirant, William s'adossa contre la table derrière lui. Garance poursuivit sa réflexion, le regard dirigé vers le sol, fixant un point dans le vide.

— Pour ce qui lui est réellement arrivée, je ne comprends pas. Elle est morte de maladie. Et plusieurs semaines après son séjour à Agrisa.

— Admets tout de même que la coïncidence est étrange, Garance.

Tout comme elle, depuis le début de cette histoire, son frère commençait à se poser des questions et à avoir des doutes. Cette phrase n'aida pas leur père à se détendre, bien au contraire. Mais il ne montra rien de son angoisse.

— Je ne sais pas... Elle a peut-être attrapé cette saleté sur la route ou...

Garance soupira. Son frère ne dit rien pendant quelques instants puis poursuivit.

— Quoi qu'il se soit passé, mère semble être au cœur de cette histoire ou du moins d'une partie.

— Il sait quelque chose que nous ignorons. A quoi faisait-il référence au juste ? finit sa sœur.

Personne ne dit rien, chacun tentant de comprendre de son côté. Au sein de cette conversation, Morga se sentait aussi mal à l'aise mais pour des raisons différentes du commandant Mortis. N'ayant jamais connu Kaerolyn, elle ne savait pas quoi apporter de pertinent à leur discussion et se contentait d'écouter en silence. Elle s'en voulait un peu de devoir être aussi passive.

Le Sage finit par briser le silence.

— Un ancien associé peut-être ?

— Je ne sais pas, Alan. Kaerolyn est toujours restée discrète les concernant. Ishaa Astanatos en saura peut-être plus sur cet homme... Prions pour qu'elle arrive vite.

— Je ne te savais pas du genre à prier.

— A situation désespérée, actes désespérés.

La réponse de Victor fit sourire ses enfants. Il choisit ensuite de s'intéresser à l'autre point central de cette conversation.

— Et pour l'Archonte ?

Garance lui répondit en première.

— Il a été tout aussi moqueur que cet Immaculé. A la différence que ses piques n'étaient pas dirigées contre nous mais bien contre cet intrus.

— Qui n'a d'ailleurs apprécié aucune d'entre elles, expliqua Sérion.

Garance se tourna vers lui, acquiesçant lentement de la tête.

— Oui, il était furieux. Il savait à quoi l'Archonte faisait référence...contrairement à nous, une fois de plus.

Le commandant chercha à en savoir plus.

— Quel genre de pique ?

Garance et William, ayant peine à s'en souvenir en détail, laissèrent leur ami répondre à leur place. Sérion avait toujours eu une bien meilleure mémoire qu'eux.

— Il était apparemment agacé que cet Immaculé se « mêle de ses affaires » et lui a aussi dit que « peu importait l'époque, ils demeuraient les mêmes ingrats ».

Garance eut un rire nerveux.

— Il a employé le pluriel. Ce qui veut dire qu'il y en a d'autres comme lui... On est pas du tout dans la merde...

Victor soupira. D'ordinaire, il l'aurait reprise à l'entente d'un tel mot mais vu les circonstances, il laissa couler. Sa fille poursuivit.

— Il s'est adressé à nous juste avant que l'Immaculé n'attaque. Ce sont ses propos qui semblent avoir motivé sa colère et son offensive.

— Qu'a-t-il dit pour le mettre dans un tel état ?

— « Premier arrivé, premier servi. » Il nous a aussi demandé de nous dépêcher et qu'il n'avait pas toute l'éternité devant lui.

— Cet homme est puissant, seigneur Mortis. Dangereux ET puissant. Je ne sais pas ce qu'il cherche précisément mais cela semble avoir un lien avec votre épouse et cet Archonte. Quelque chose les lie, tous les trois.

— Quelque chose d'autre semble te troubler Garance.

— Oui, je... Je ne comprends pas pourquoi l'Archonte nous a protégé... Il... (Elle soupira.) Un abyssal qui vient en aide à autrui ? Peu importe ses raisons, ça paraît improbable.

Son père fut surpris.

— Il vous a protégé ?

— De l'intrus. C'est grâce à lui si nous nous en sommes sorti aussi facilement. Dans le cas contraire...

Elle se mordit la lèvre. Elle préférait ne pas y penser. Alan tenta de dissiper son incompréhension. Il voyait bien qu'elle était encore sonnée et déstabilisée par les évènements de la soirée. Après tout, elle, son frère et Sérion avaient vu la mort de près. Mais elle ne devait pas laisser ce genre de doute s'installer dans son esprit.

— Garance, tu sais pertinemment que les choses sont rarement entièrement blanches ou noires. Et vos connaissances sur l’Inconnu demeurent tout de même limitées voire erronés. Vous n'y avais jamais été confronté. Et tous les livres du monde ne compenseront jamais l'expérience du terrain. Les légendes ont certes un fond de vérité mais demeurent tout de même souvent éloignées de la réalité. Si cet Archonte vous a sauvé, c'est qu'il y a vu un intérêt. Lequel, je n'en sais rien. Pour le moment, satisfaisons-nous de cela. Nous aurons le temps de comprendre plus tard.

— Je... Je sais bien, oncle Alan mais... Je... (Elle soupira.) Je suis désolé, je n'aurais pas dû dire cela.

— Tu n'as pas à t'excuser, jeune femme.

— Cet Archonte... Vous dîtes qu'il est apparu physiquement. A quoi ressemblait-il ? Peut-être a-t-il été déjà vu ailleurs par le passé ? Si nous parvenons à l'identifier et à mettre un nom sur son visage, nous pourrions probablement en savoir un peu plus sur les raisons de sa présence en Agrisa et sur ses agissements.

— Il était assez quelconque, seigneur Mortis. Un étrange individu enveloppé d'un manteau noir avec une capuche sur la tête. Il semblait porter une armure en dessous et un masque lui couvrait le visage. Je ne vois pas beaucoup ce que nous pourrions faire d'un aussi pauvre personnage.

— C'était la même apparence, Sérion. Il m'est apparu ainsi en début de semaine, lors de notre descente.

— Voilà qui est assez basique pour un Archonte...et rare. De ce que j'en sais, leur apparence a toujours été des plus unique. Et concernant ceux dont le physique se rapproche de l'humain, leurs goûts vestimentaires ont toujours été réputé pour être disons très...excentriques.

— Excentriques ?

— Oui, c'est le terme que Maître Astanatos a jadis employé, à de nombreuses reprises.

— Que faisons-nous au final ?

Le commandant se leva.

— Rien pour le moment. Je crains que nous ne soyons pieds et poings liés.

Il croisa les bras.

— La présence de Maître Astanatos semble désormais plus que nécessaire. Nous sommes trop peu nombreux et avons cruellement besoin de son expertise. Très sincèrement, je ne sais que faire d'autre. Enfin...

Il soupira longuement puis se tourna vers ses enfants et Sérion.

— Vous êtes sain et sauf et c'est le plus important. Essayer d'aller dormir. Vous avez tous besoin de repos. Nous rediscuterons de tout cela demain matin. Ne vous levez pas trop tard, nous avons du travail. Ça ira pour toi, Sérion ?

— Oui, ne vous en faites pas, commandant. Grâce aux bons soins de Dame Louise et de ce cher Galbali, ça cicatrisera vite.

— Une blessure comme celle-là, si tu m'avais laissé le temps, j'aurais pu la refermer sans laisser une trace.

— Je sais, je sais. Loin de moi l'idée de mettre en doute tes capacités, Galbali, mais j'ai cru comprendre que les cicatrices trouvaient grâce aux yeux de certaines dames, finit-il en souriant.

Il se tourna vers Morga.

— Pour...pourquoi est-ce que tu me regardes ?

Elle tenta de cacher son embarra derrière de l'agacement.

— Arrêtes de te moquer de moi, imbécile. Je... Je vais me recoucher. Bonne nuit à tous.

Garance et William l'observèrent se lever en silence et quitter la pièce en trombe. Garance se tourna vers son frère en souriant.

— Aurait-elle le béguin pour l'elfe ?

— C'est seulement maintenant que tu t'en rends compte ?

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